Les nodules thyroïdiens

NODULE THYROÏDIEN : de meilleures quantifications du risque de malignité

Jean-Louis Wémeau

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Environ 4-7% de la population adulte est porteuse d’un nodule thyroïdien palpable. Certains sont  fonctionnels, producteurs d’hormones thyroïdiennes et à risque de constituer à terme un nodule toxique. D’autres, surtout dans un contexte familial, constituent la première manifestation d’un goitre multinodulaire qui s’affirmera au fil des années et des décennies. D’autres enfin, de l’ordre de 5-10% sont des cancers,  en règle bien différenciés et de bon pronostic. Même si leur reconnaissance ne constitue pas une urgence, c’est au stade de nodule palpable qu’il est mieux de reconnaître les cancers thyroïdiens. Sur ce plan, il y a eu beaucoup de progrès qui permettent avant la chirurgie une meilleure reconnaissance des cancers

Un certain nombre de critères cliniques, résumés dans les Recommandations Françaises pour la prise en charge des nodules thyroïdiens, méritent considération et donnent déjà de précieux arguments (Tableau 1).

TABLEAU 1 - Marqueurs cliniques du risque de malignité des nodules thyroïdiens (d’après le consensus de la SFE)

Âge < 16 ans ou > 60 ans

Sexe masculin

Hérédité de carcinome papillaire (plus de 2 sujets dans la famille), d’épithélioma médullaire ou de néoplasie endocrinienne multiple de type 2

Coïncidence de maladie de Cowden, de polyadénomatose colique familiale isolée ou dans le cadre du syndrome de Gardner, de complexe de Carney, de maladie de von Recklinghausen

Antécédent d’irradiation cervicale

Nodule récemment apparu ou rapidement évolutif

Nodule dur, irrégulier, ou fixé

Paralysie récurrentielle

Adénopathie proximale

 

En l’absence de baisse du taux de la TSH qui conduit à privilégier l’examen scintigraphique, l’échographie est habituellement pratiquée par les radiologues, quelques échographistes, et  de plus en plus fréquemment par les endocrinologues eux-mêmes. Les informations descriptives recueillies sur le nodule lui-même, le reste du parenchyme, les aires ganglionnaires  doivent être minutieusement rapportées. Elles possèdent en elles-mêmes une valeur pronostique en faveur parfois très franchement de la bénignité, parfois de la malignité. C’est le mérite en France de Gilles Rüss d’avoir adapté à la thyroïde le SYSTÈME TI-RAD (Thyroid Imaging-Reporting and Database System), désormais internationalement reconnu. Celui-ci quantifie en 5 classes le risque échographique de malignité (Tableau 2). Les ponctions pour étude cytologique sont à pratiquer pour les TI-RADs 4a et 4B, et 5, et aussi dès le stade 3 pour les nodules de plus de 2 cm.

 

Tableau 2 - Stratification du risque de malignité selon le score TI-RADS selon Gille Rüss. 

Score TI-RADS

Signification

Risque de malignité (%)

1

Examen normal

 

2

Bénin

≈ 0

3

Très probablement bénin

0,25

4A

Faible suspicion de malignité

6

4B

Forte suspicion de malignité

69

5

Pratiquement certainement malin

≈ 100

 

L’examen complémentaire le plus performant pour l’évaluation diagnostique et pronostique des nodules thyroïdiens reste constitué par la cytologie par ponction à l’aiguille fine, pratiquement toujours réalisée à l’occasion de l’évaluation échographique. Les résultats  en sont colligés selon la classification en 6 stades  dite de BETHESDA. Celle-ci ne constitue pas une lecture objective des informations cytologiques. Mais elle a le grand mérite d’harmoniser la présentation des résultats par les cytologistes spécialisés, aussi de définir pour le clinicien une quantification du risque cytologique de malignité (Tableau 3).

 

Tableau 3. Catégories du diagnostic cytologique selon Bethesda et risque de malignité

Diagnostic cytologique selon Bethesda

Risque de cancer

Bethesda I

Prélèvement non satisfaisant

 

Non évalué

Bethesda II

Bénin

 

Moins de 3%

Bethesda III

Lésion folliculaire de signification indéterminée

 

5-15%

Bethesda IV

Tumeur (néoplasme) folliculaire

 

15-30%

Bethesda V

Suspect de malignité

 

60-75%

Bethesda VI

Malin

Plus de 97%

 

Les limites de l’exploration cytologique sont constituées  

-        d’une part par un certain nombre de cytologies ininterprétables (3-20% des cas), lorsqu’il n’est pas observé de cellules, ou que les étalements comportent moins de 5 amas. Dans ces conditions l’examen doit être répété dans les semaines qui suivent, idéalement par un ponctionneur très expérimenté,

-        d’autre part par les cytologies dites indéterminées (classes 3 et 4 de Bethesda)  lorsque les informations cytologiques font état de cellules vésiculaires, de tumeurs vésiculaires ou oncocytaires, sans pouvoir en préciser leur nature bénigne ou maligne. La majorité de ces formations (5 à 30%) sont bénignes. Mais l’incertitude conduit malencontreusement dans bon nombre de cas à décider d’emblée de la chirurgie : lobectomie avec examen extemporané. Ceci ne constitue pas une solution satisfaisante. La lobectomie était inutile si en définitive le nodule était bénin. Les cancers authentifiés sont à traiter par thyroïdectomie totale et curage ganglionnaire.

Pour ces nodules cytologiquement indéterminés, il est indispensable de reconsidérer  les informations cliniques et échographiques. On recommande alors aussi la scintigraphie thyroïdienne dite de 2ème intention : 10% des nodules captent le Technétium ou l’Iode123 ce qui est un garant de leur bonne différenciation et en pratique de la bénignité. Pour les nodules hypofixants  vis-à-vis de ces isotopes, l’évaluation peut comporter la scintigraphie au Thallium (Tl) ou au MIBI (methoxyisobutylisonitrile) dont le captage ne constitue non pas un marqueur de cancers, mais simplement de la cellularité du nodule. A l’inverse la malignité n’est observée que dans moins de 5% des cas ne captant pas le Tl ou le MIBI.

D’autres investigations en biologie moléculaire apparaissent ou sont déjà disponibles : expression de mutation du gène BRaf, observée dans 30-40 des cancers papillaires, et pathognomonique de ce diagnostic ; étude d’un panel de gènes grâce à la trousse VERACYTE*, onéreuse et encore confidentielle en France ; étude du transcritome dans le cadre du protocole international CITHY, conduit depuis la France par la firme DIAXONHIT.

Restent enfin les informations tirées de la surveillance. L’accroissement lent et progressif d’un nodule ne constitue pas vraiment un argument en faveur du cancer. Seul un accroissement rapide du volume (plus de 20% en un an) doit être considéré comme suspect.

La chirurgie thyroïdienne est bien codifiée, sûre, mais non dénuée de risques et d’inconvénients ce que soulignent eux-mêmes les chirurgiens les plus spécialisés. Tout ceci conforte l’ambition maintenant  raisonnable d’éviter les chirurgies diagnostiques, d’offrir un geste adapté en cas de cancer cliniquement, échographiquement, cytologiquement  reconnu, ou probable en raison des données recueillies lors de l’évolution.  En matière de cancer thyroïdien, un retard raisonnable au diagnostic et à la prise en charge thérapeutique ne constitue pas un élément aggravant du pronostic.

 

BIBLIOGRAPHIE

Wémeau JL, Sadoul JL, d'Herbomez M, Monpeyssen H, Tramalloni J, Leteurtre E, Borson-Chazot F, Caron P, Carnaille B, Léger J, Do Cao C, Klein M, Raingeard I, Desailloud R, Leenhardt L. Recommandations de la Société Française d’Endocrinologie pour la prise en charge des nodules thyroïdiens  Presse Med. 2011; 40: 793-826

 

 C. Do Cao, M. Ladsous, E. Leteurtre, S. Espiard, M. d'Herbomez, J.-L. Wémeau. Nodules du corps thyroïde. EMC - Endocrinologie-Nutrition 2015;12(2):1-20 [Article 10-009-A-10].

Nodule  thyroïdien - Dossier du Concours Médical coordonné par F Borson-Chazot septembre 2015 tome 137 n°7

Russ G. Risk stratification of thyroid nodules on ultrasonography with the French TI-RADS: description and reflections. Ultrasonography. 2016; 35: 25-38