Les IST
Drs Isabelle Alcaraz-Morelle & Thomas Huleux
Service Universitaire des Maladies Infectieuses CH DRON Tourcoing
Les infections sexuellement transmissibles sont en recrudescence depuis les années 2000. Hormis l'infection à VIH qui est à déclaration obligatoire, celle des autres IST se fait de manière volontaire auprès de l’Institut de Veille Sanitaire.
Cette recrudescence est essentiellement due à un relâchement de la prévention, à une mésinformation, et probablement à la dédramatisation de l’infection à VIH, en grande partie liée aux énormes progrès en matière thérapeutique antirétrovirale (HAART).
Elle concerne :
- La syphilis surtout chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) mais des femmes sont touchées également ce qui doit faire craindre un retour de cas de syphilis congénitale (sérologie obligatoire au cours de la grossesse).
- Les rectites à Chlamydia dont les formes LGV (lymphogranlomatose vénérienne) quasi exclusivement chez les HSH
- Mais également les infections génitales à chlamydia et gonocoque chez les jeunes hommes et femmes quelle que soit leur orientation sexuelle. L’arrivée de la PCR a permis d'ailleurs un dépistage plus large en mettant en évidence des formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques qui doivent être traitées.
Les infections herpétiques et à papillomavirus (HPV) restent les plus fréquentes. L’oncogénicité de certains types d'HPV explique une augmentation des cancers de l’anus chez les HSH en particulier dans la population infectée par le VIH. Elle explique également une augmentation de certains cancers ORL.
Concernant l’infection à VIH , les indications du dépistage se sont élargies. Le dépistage est notamment facilité par l’arrivée des TROD (dépistage « hors les murs »). Les recommandations thérapeutiques sont désormais de traiter tôt pour limiter les conséquences à long terme de l’inflammation chronique due au virus (complications cardiovasculaires, cancers…) mais aussi de diminuer les nouvelles contaminations.
I- Principales Infections sexuellement transmissibles
*HERPES (Herpes simplex 1 et 2):
Diagnostic :
Le plus souvent la clinique suffit
Sinon CULTURE sur prélèvement local (seule technique remboursée par sécurité sociale, la PCR ne l’étant pas)
PAS DE SEROLOGIE !
Traitement :
VALACICLOVIR (ZELITREX) 500 mg x 2/ j
> Primo infection: 10 jours
> Récurrence: 5 jours
Prophylaxie si au moins 6 épisodes/ an:
VALACICLOVIR 500 mg/j, essayer sur minimum 6 mois, plutôt un an et évaluer réduction du nombre et de l’intensité des poussées.
*SYPHILIS (Treponema pallidum) :
Diagnostic :
Sérologies TPHA (ou ELISA) et VDRL quantitatif (attention aux sérologies négatives au stade primaire du chancre).
Fond noir abandonné.... Futur = PCR sur prélèvement local
Traitement : PENICILLINE G = référence, pas de résistance
En raison de l’arrêt de fabrication récent de l’EXTENCILLINE, utilisation transitoire de Pénicilline retard d’importation (Italie) de délivrance en rétrocession uniquement hospitalière = SYGMACILLINA 1,2 MUI X 2 (en deux sites différents en IM)
Ø une seule fois si syphilis récente (= de moins de 1 an)
Ø une fois par semaine durant 3 semaines si syphilis de plus d’un an ou de date indéterminée.
Si Allergie à la Pénicilline sans atteinte neurologique: DOXYCYCLINE 200mg/j –15j
Chez la femme enceinte : aucune alternative Pénicilline G après désensibilisation
Si atteinte neurologique : PL + OPH (+/- ORL selon clinique)
PENICILLINE G IV 20 MUI (5MUI X 4) / jour – 15 jours
Dépister et Traiter SYSTÉMATIQUEMENT le(S) partenaire(S) des 2 mois qui précèdent
Surveillance : VDRL quantitatif dans le même laboratoire (lecture subjective)
Avenir : PCR sur lésions , LCR
*LYMPHOGRANULOMATOSE VENERIENNE (LGV) ou Maladie de Nicolas et Favre (Chlamydia trachomatis sérovar L1 L2 L2a L3)
Actuellement il s’agit essentiellement de rectites touchant les HSH. Il existe aussi des rectites à Chlamydia non LGV moins symptomatiques (sérotype D à K)
Diagnostic :
PCR chlamydia anale par autoprélèvement
(sérologie Chlamydia très positive = seule indication dans les infections profondes)
Traitement :
DOXYCYCLINE 100 mg x 2/j 21 jours
Ou ERYTHROMYCINE 500mg x 4/j 21 jours
Dépister et traiter le(s) partenaire(s) des 2 mois qui précèdent
Surveillance : Contrôle PCR > 6 semaines après taritement
*GONOCOCCIE non compliquée (Nesseiria gonorrheae) : urétrite, épididymite, cervicite, anorectite, atteinte pharyngée
Diagnostic
Examen direct + culture avec ANTIBIOGRAMME
Arrivée progressive de la PCR duplex voire triplex (non encore à la nomenclature)
Traitement
CEFTRIAXONE 500mg IM ou IV DU (toujours associé au traitement anti-Chlamydia (cf infra))
Si allergie : SPECTINOMYCINE 2G IM sauf formes pharyngées
Dépister et traiter systématiquement le(s) partenaire(s)
*CHLAMYDIA non compliqué (Chlamydia trachomatis sérovar D à K) : urétrite, épididymite, cervicite, atteinte pharyngée
Diagnostic :
PCR - 1er jet d’urines chez l’homme,
- autoprélèvement vaginal,
- autoprélèvement anal si rapports anaux
Traitement
Urétrite, cervicite, atteinte pharyngée : AZITHROMYCINE 1g p os DU
Ou DOXYCYCLINE 200 mg X 2/j , 7j
Epididimyte : DOXYCYCLINE 100 mg X 2/j , 10j
Anorectite non LGV DOCYCYCLINE 100 mgX2/j, 7j
Dépister et traiter systématiquement le(s) partenaire(s)
Contrôle par PCR > 6 semaines après le traitement
II - Approche syndromique = (faire) réaliser les prélèvements et traiter sans attendre les résultats
1 -CAT face à une ulcération génitale
Herpès culture
Syphilis VDRL + TPHA ou ELISA
VIH Sérologie VIH, PCR VIH (si doute pour une primoinfection)
Chlamydia PCR locale
Chancre mou ? Donovanose? LGV ?… > contexte tropical
Ø Traiter par SYGMACILLINA 1,2MUI X 2 devant toute ulcération génitale
Ø +/- ZELITREX 500MG X 2 /j pendant 5 j (récurrence) ou 10 j (primoinfection) si diagnostic évocateur d'une lésion herpétique
2 - CAT face à une urétrite :
Chlamydia trachomatis
Nesseiria gonorrheae
Mycoplasma genitalium
Trichomonas vaginalis
Ø PCR Chlamydia, et selon disponibilité des laboratoires, PCR duplex chlamydia/gono, voire triplex Chlamydia/Gono/Mycoplasma genitalium
Ø Culture Mycoplasma genitalium
Ø Traitement de première intention =
CEFTRIAXONE 500MG IM/IV + AZITHROMYCINE 1g
car on traite toujours simultanément gonocoque et chlamydia
Ø Si échec, après avoir éliminé une nouvelle contamination : AZITHROMYCINE J1 : 500mg, J2 à J4 : 250mg /j (pour Mycoplasma genitalium) + METRONIDAZOLE 2G DU (pour Trichomonas vaginalis)
Ø Surveillance contrôle clinique à J7, attendre > 6 semaines après traitement pour la PCR de contrôle
3 – CAT face à une cervicovaginite :
Suspecter les mêmes agents que pour les urétrites :
Ø même traitement,
Ø associer des ovules imidazolés pour éviter le développement d’une candidose sous traitement
Ø les prélèvements de routine PCR se feront par auto-prélèvement vaginal pour Chlamydia trachomatis et Nesseiria gonorrheae (plus sensible que prélèvement d’urines).
Ø Mais s’il y a un doute pour une gonococcie, (faire) réaliser un prélèvement de l’endocol (frottis et culture gono)
Les vulvovaginites ne sont généralement PAS des IST, mais en lien avec un déséquilibre de la flore vaginale :
- candidose (Candida albicans)
- vaginose bactérienne (anaérobies, Gardenerella vaginalis…)
4 – CAT à une orchiépididymite
Suspicion d’ IST si < 35 ans
DOXYCYCLINE 100mg x 2/j , 10 j + CEFTRIAXONE 500MG IM OU IV
5 - CAT face à une anorectite
Chlamydia > PCR anus, (+urines, gorge + sérologie)
Herpès > culture (PCR non encore remboursée)
Syphilis > TPHA VDRL
Gono > direct + culture (4 sites) (voire PCR si disponible)
Condylomes > examen proctologique
VIH > sérologie , PCR (si suspicion de primoinfection)
giardia > parasito selles (méthode de Baerman)
salmo, shig > copro selles
Ø Traiter
si ulcération : Syphilis et herpès
si pas d’ulcération : LGV et gonocoque
Dans tous les cas devant une IST ou suspicion d’IST
Ø dépister : sérologies VIH, TPHA VDRL, hépatite B, hépatite C, PCR Chlamydia urines ou auto-prélèvement vaginal, rechercher condylomes à l‘examen anogénital et buccal
Ø dépister et traiter le(s) partenaires
Ø contrôles sérologiques et PCR locales si positives, 6 semaines à 2 mois après