La chirurgie de l'obésité chez l'enfant
Docteur Estelle AUBRY
Faut-il envisager et quand un anneau gastrique chez certains adolescents obèses ?
La France compte aujourd'hui plus de 5,3 millions de personnes adultes obèses et 14,4 millions de personnes en surpoids selon une enquête emploi INSEE 2002 qui comptabilise 47 686 810 français âgés de 15 ans et plus.
Des études régionales françaises ont en effet observé jusqu’au début des années 2000, une évolution forte et continue des prévalences de l’obésité et du surpoids chez les enfants.
La population pédiatrique française atteinte de surcharge pondérale est évaluée entre 14 et 20% de la population pédiatrique totale, avec des variations interrégionales. Elle a doublé en
quinze ans.
L'obésité massive a, quant à elle quadruplé.
Plus de 75 % des enfants et adolescents obèses le resteront à l'âge adulte.
Un nombre croissant d'adolescents échappe toutefois à l'efficacité d'une prise en charge médicale classique optimale, autorisant à se poser la question de l'opportunité d'une prise en charge chirurgicale.
Définition de l'obésité de l'adolescent, une maladie
L'obésité est un excès de masse grasse qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé.
Chez l’enfant, on définit l’obésité par un index de corpulence dépassant le 97ème percentile pour l’âge amenant à un IMC proche de 25 chez l’adulte.
Chez l'adulte, on distingue l'obésité pré-morbide (IMC > 35) et l'obésité morbide (IMC > 40).
Compte tenu de l’évolution physiologique de la corpulence au cours de la croissance, et ce de façon différente chez les garçons et les filles, des valeurs de référence de l’IMC sont adaptées à chaque âge et sexe afin d’identifier les enfants en surcharge pondérale.
La prolongation des courbes d'IMC permet de définir à l'adolescence les mêmes seuils pour la définition de l’obésité pré-morbide et morbide.
Ainsi, dans un souci de simplification clinique, on peut distinguer :
- L’obésité de grade 1, où l’index de corpulence se situe au-dessus du 97ème percentile, mais en dessous de la courbe qui aboutit à un index de 30 à l’âge adulte.
- L’obésité de grade 2, où l’index de corpulence se situe au dessus de cette courbe. Dans ces obésités de grade 2, 5% sont en obésité morbide ou compliquée.
Prévalence, épidémiologie en Nord Pas de Calais
Selon le SROSS 2006-2011, « la région se distingue par une surconsommation de graisses saturées et sous consommation de fruits et légumes au regard de la consommation moyenne française. »
Les enquêtes en milieu scolaire, évaluent la prévalence de l’obésité dans la Région Nord, chez les enfants de classe grande section à 4,5%, chez les enfants en classe de CM2 à 7,8% et chez les enfants en classe de 3ième à 6,8%. Pour ces trois tranches d’âges la prévalence nationale d’obésité est respectivement de 3,9%, 4 ,1%, 4,4%. Ces résultats sont en accord avec l’étude ObEpi qui constate que le Nord et le Bassin Parisien restent les régions à plus haute prévalence.
Conséquences de l’obésité : elles sont d’ordre organique, psychique et psychologique
Elles peuvent exister dès l’enfance.
Elles sont dominées par
- les complications métaboliques avec : une élévation chronique de la sécrétion d’insuline, source d’intolérance aux hydrates de carbone, et leurs corollaires proches.
- Les complications respiratoires : apnées du sommeil.
- Les complications orthopédiques : atteintes articulaires dégénératives (par exemple : épiphysiolyse)
- Les troubles pubertaires : hyper-androgénie ovarienne caractérisée par des ovaires polykystiques, avec hypo-fertilité ultérieure, absence de ménarches, oligo ou aménorrhée secondaire, hirsutisme, acanthosis nigricans.
Outre ces risques immédiats, la principale complication de l’obésité de l’enfant est la persistance de l’obésité à l’âge adulte ; or si une grande majorité d’enfants obèses deviennent des adultes obèses, le risque de persistance de l’obésité est plus élevé si l’âge de prise en charge est tardif et si les parents sont obèses.
A l’âge adulte, la persistance de l’obésité:
- Expose au risque de diabète de type 2 (non insulino-dépendant)
- Multiplie par 3 le risque d’HTA
Multiplie par 2 celui d’insuffisance cardiaque (le risque augmentant de 6% pour chaque point d’index de Quetelet au-dessus de 25) et celui d’athérosclérose.
- Accroit le risque relatif de plusieurs cancers.
Conséquences psychologiques et psychosociales
L'adolescent obèse peut développer un schéma corporel négatif, source d'une baisse, voire d’une perte de l’estime de soi, image qui persiste à l’âge adulte.
Cette image est toutefois inconstante, fonction probable du contexte socio-économique et éducatif.
Ce « corps boule » permet aussi d’en occulter les transformations péri-pubertaires, avec un refus d’identité sexuelle.
L'impact de cet aspect de soi peut aboutir à un repli sur soi-même, avec espacement progressif
Des relations avec d'autres adolescents, isolement, voire exclusion des systèmes éducatif et scolaire classiques. Cette situation d'exclusion contribue à pérenniser l'obésité et peut favoriser des conduites à risque.
Cette exclusion progressive, véritable auto-discrimination, a un impact direct sur les acquisitions scolaires, universitaires, et/ou d'apprentissage professionnel de l'adolescent obèse.
L'entrée dans la vie adulte, qu'elle soit sociale, relationnelle, amoureuse, et professionnelle, sera donc perturbée, avec un enfant devenu jeune adulte en quasi exclusion du système de l'enfant, ne lui donnant pas les clés du système de l’adulte.
La chirurgie bariatrique chez l’adolescent
Y a-t-il une place pour la chirurgie bariatrique chez l’adolescent ?
Est-il légitime de l’évoquer et de la proposer, plutôt que de différer le geste à l’âge de la majorité légale, chez un adolescent dont on sait qu’il aura peu de chances d’y échapper devenu jeune adulte ?
Est-il légitime de penser qu’un geste précoce, dénué de morbidité lourde, éventuellement réversible, efficace sur la perte de poids, redonnera confiance à un adolescent perdu, l’autorisera à récupérer une image de soi acceptable, et par là même facilitera et/ou rendra possible une réintégration sociale, universitaire, et professionnelle correcte, ainsi qu’une entrée satisfaisante dans la vie d’adulte ?
Si tel est le cas, il convient d’en définir précisément et clairement les modalités, ne serait-ce que pour éviter des excès d’indications chez le jeune mineur.
Il n'existe pas de critères d'inclusion, de modalités de prise en charge, d'options chirurgicales thérapeutiques adaptées à l’adolescent français atteint d’obésité massive.
Il nous a donc semblé opportun d'analyser les possibles critères d'inclusion et d'exclusion, les choix d'une chirurgie optimale pouvant être proposée à des adolescents obèses, mineurs, motivés, en rupture sociale et scolaire.
Nous pouvons ainsi proposer à ces adolescents un programme de prise en charge optimal, médico-chirurgical, pluri-disciplinaire.
Propositions : la simplicité technique, l’absence de suture et d’anastomose, donc le risque moindre de morbidité chirurgicale post-opératoire immédiate, la réversibilité avec son corollaire « éducatif » et son principe physiopathologique (réduction gastrique donc pas de malabsorption, nous font opter pour l’anneau gastrique
Les équipes chirurgicale et anesthésique doivent être rompues à ce type de prise en charge, qui ne doit souffrir aucune imperfection.
Une collaboration étroite et active entre chirurgiens pédiatres parfaitement rompus aux particularités de la chirurgie coelioscopique de la région hiatale chez l’enfant et l’adolescent et chirurgiens d’adultes rompus à ces techniques, notamment le By-pass, est un corollaire d’efficience optimale.
Un regroupement régional de patients autorisera des cohortes plus larges, favorables au développement de l’expertise avec, à terme, la reconnaissance de nos équipes et de notre établissement comme référents en ce domaine particulier. Ce caractère référentiel du CHRU de Lille dans la prise en charge de l’obésité en pédiatrie est déjà prévu dans le SROSS 2004.
Dès lors que l'adolescent requiert les critères d'inclusion définis et qu'une première
analyse, pédo-psychiatrique et socio-économique familial ont bien été effectuées, le parcours proposé, calqué sur le parcours d’un adulte candidat, consistera en l’inclusion dans un RESEAU.
Dans notre protocole actuellement 6 adolescents ont été opérés, 5 filles, 1 garçon. Ils ont tous perdus du poids [5 à 21Kg], repris une activité physique et scolaire. Trois ont eu un gonflage d’anneau. Aucune complication n’est actuellement survenue.