• Accueil
  • Retour précoce de maternité au domicile

Retour précoce de maternité au domicile


 

Docteur Yves VERHAEGHE

 

Définitions :

           

            Depuis quelques années, la tendance en médecine est de raccourcir le plus possible les durées d’hospitalisation, allant  jusqu’à la chirurgie « ambulatoire » dont le développement est aujourd’hui spectaculaire. La maternité n’échappe pas à cette règle, avec la généralisation des sorties très précoces…est-ce légitime ? Est-ce sans risque ? N’y-a-t-il pas là une réponse cachée à la sur-occupation des établissements ? En bref quels sont avantages et inconvénients de cette évolution, et comment les médecins généralistes peuvent-ils intégrer cette nouvelle pratique de suivi des accouchées récentes ?

 

Y-a-t-il une durée optimale d’hospitalisation ? :

 

            Combien de jours pour parler de retour précoce ? Il y a 8 à 10 ans personne ne trouvait choquant de rester 6 à 7 jours en maternité après une naissance, voire 7 à 8 jours après une césarienne…actuellement après une baisse progressive il y a un certain consensus pour considérer que 4 jours après un accouchement « normal » et 6 jours après césarienne sont des valeurs acceptables…mais avec la diminution du nombre de maternités et les problèmes d’hôtellerie rencontrés par de nombreux établissements surtout  publics, et depuis la suppression des forfaits journaliers, et la généralisation de la CCAM technique avec Tarification à l’Activité (T2A), la tentation était grande de baisser à 3 voire 2 jours pour un accouchement simple, ce qui bien sûr va générer quelques contraintes nouvelles pour la médecine de ville.

 

 

            Il semble donc logique de revoir ensemble la physiologie des premiers jours qui suivent une naissance, afin de voir quelles seront les problèmes qui se posent au suivi des accouchées récentes, qui jusqu’ici étaient gérés par les équipes hospitalières, mais serons désormais de plus en plus souvent pris en charge par les médecins généralistes.  

 

Suites de couches :

 

            Par définition, il s’agit de la période qui suit la naissance : elle débute dès la mise au monde de l’enfant et l’expulsion du placenta (délivrance), et va     connaître plusieurs phases dont seule les plus précoces vont nous intéresser dans l’exposé de ce jour, mais il semble logique d’évoquer rapidement la physiologie complète.

 

            2 heures : c’est la phase critique que tous les professionnels de la naissance redoutent : que ce soit après un accouchement voie basse ou après une césarienne, c’est le moment où surviennent les accidents les plus graves : les hémorragies…après chaque accouchement la surveillance en salle d’accouchement est obligatoirement de 2 heures et doit contrôler la bonne rétraction utérine, les saignements, le pouls, la TA, la température de l’accouchée, et bien entendu l’état de l’enfant. Cette période échappe à la médecine de ville, sauf en cas d’accouchement à domicile, et c’est heureux !

 

            24 heures : passé ce stade initial à haut risque (même après une naissance totalement physiologique), le premier jour est marqué par la rapide rétraction utérine qui s’accompagne des « tranchées » utérines : contractions douloureuses qui témoignent de la bonne contractilité, et qui assurent l’hémostase…donc pénibles mais très utiles !

C’est aussi les douleurs liées à la distension périnéale et vulvaire, avec les lésions périnéales et vulvaires : épisiotomies, déchirures, simples éraillures…toutes sources d’inconfort voire de sensations de brûlures très pénibles…

C’est le début de la mise aux seins, et si l’allaitement maternel (qu’il faut encourager) reste une expérience remarquable pour la mère, et est irremplaçable pour l’enfant, tout n’est pas forcément aussi simple dans les premières heures, et c’est là que l’encadrement, l’encouragement, l’aide de la nouvelle maman, sont indispensables pour éviter de faire capoter ce qui est l’acte physiologique par excellence.

Cette période peut aussi être marquée par des problèmes infectieux, liés à la naissance, surtout en cas de travail prolongé ; par des soucis de réanimation en cas de césarienne…

 

3 à 4 jours : c’est une phase de transition, le « choc » de la naissance est passé, la période critique est finie, la mère commence à récupérer : assez vite en cas de naissance simple, voire de césarienne programmée (le plus souvent en tout cas), les saignements ont considérablement diminués, les contractions utérines se calment (sauf pendant les tétées), les antalgiques et soins locaux calment assez facilement les douleurs périnéales…mais c’est aussi le moment de la montée de lait, avec ses petits soucis : inquiétude de la mère devant la chute du poids (physiologique) de son enfant, angoisse de mal faire, contraintes de la mise aux seins fréquente, douleurs, engorgement, crevasses…tous ces petits problèmes qui justifient l’aide des professionnels : sages-femmes spécialisées en allaitement, puéricultrices, infirmières, médecins…Bref, avec les nuits fractionnées, et écourtées, les pleurs des enfants, le conjoint qui souvent s’absente (travail, autres enfants au foyer…ou simple incompréhension !), c’est la période où la fragilité émotionnelle de la nouvelle maman entraîne le classique « baby blues »…Si en plus il y a eu césarienne, même idéale, s’ajoute à ceci la reprise du transit intestinal, les soins locaux cicatriciels…  Donc une période un peu difficile à gérer pour certaines femmes.

 

Au-delà : à partir de 5 à 7 jours pour toutes les femmes, même après césariennes (sauf complication bien entendu), et jusqu’à 6 à 8 semaines, c’est une période de récupération physiologique, l’utérus retrouve sa place et son volume en 10 à 15 jours, l’endomètre se reconstitue en 3 semaines signant l’arrêt des saignements, la fonction ovarienne reste bloquée le plus souvent en cas d’allaitement maternel exclusif, pour au moins 5 à 6 semaines, et quelquefois beaucoup plus, mais en cas d’inhibition de la lactation elle peut redémarrer au bout de 30 à 40 jours…ce qui peut justifier des mesures de contraception rapides. Les lésions périnéales, et les autres cicatrices abdominales se réparent en 2 à 3 semaines, mais peuvent rester douloureuses très longtemps. Les autres problèmes : anémie, asthénie…déprime ( !?) peuvent en revanche mettre plus de temps à se corriger.

 

La fin : de cette période est habituellement fixée à 8 semaines…mais il s’agit d’une limite arbitraire, plus administrative que réellement physiologique.

 

Comment gérer alors le retour précoce… ?

 

            Définition : bien sûr une parturiente peut rentrer chez elle dès le premier jour…c’est très peu probable, et le plus souvent cette sortie « contre avis médical » est difficile à gérer, mais les problèmes sont assez peu différents si la sortie est intervenue après 3 à 4 jours, ce qui est tout de même le cas le plus fréquent. Il est vrai que certains établissements hospitaliers qui débordent, ont initialement essayé les procédures d’HAD, mais les caisses les récusent de plus en plus, et actuellement la mode est au PRADO (officiellement rien à voir avec les sorties précoces, mais ne soyons pas dupes tout de même) ; bref dans les 2 cas le suivi est assuré par des sages-femmes et théoriquement en collaboration avec les médecins de ville ( ?) ; dans tous les cas quels sont les problèmes auxquels on peut être amené à faire face.

 

            Saignements : en pratique au-delà de 24 heures on estime que le volume est celui de règles abondantes, mais pas hémorragiques, si c’est le cas il faut palper l’abdomen : le fond utérin est bien repéré (en tout cas si la femme n’est pas obèse…), il dépasse l’ombilic à 24 heures, est à mi-hauteur ombilic-pubis au bout de 2 à 4 jours ; il est sensible sans être douloureux, si c’est le cas, si la patiente est fébrile, si il existe des lochies malodorantes, il faut redouter une endométrite, et demander l’avis d’un spécialiste au moindre doute. Une échographie peut être prescrite à la recherche d’une rétention, un examen vaginal peut être effectué (en douceur) pour éliminer une compresse oubliée surtout en cas d’odeur désagréable, (c’est fréquent et banal…et à enlever avec discrétion, ne serait-ce que par déontologie !).

 

            Douleurs et Fièvre : sont donc très souvent associées, le plus souvent par une simple infection urinaire (sondage vésical fréquent en salle d’accouchement), mais il faut au moindre doute examiner les membres inférieurs à la recherche d’une phlébite…les phlébites pelviennes sont exceptionnelles, mais il faut aussi quelquefois y penser.      

 

            Périnée : toujours sensible après une naissance, voire franchement douloureux en cas d’épisiotomie, ou déchirures même très superficielles ; les antalgiques habituels, soins locaux, et un peu de patience sont souvent suffisants, on peut avoir recours aux anti-inflammatoire ; mais il faut reconnaître que cette région cicatrise le plus souvent de façon très simple même après des dégâts spectaculaires…Il est totalement inutile de prescrire de la rééducation périnéale avant 6 à 8 semaines, même en cas d’incontinence urinaire, banale et transitoire : il faut rassurer. Reste les problèmes hémorroïdaires, souvent assez douloureux, il faut savoir rechercher la thrombose, la prévenir, l’inciser si nécessaire.      

 

            Seins : c’est probablement le problème le plus difficile : la montée de lait est variable mais elle n’est parfaite qu’après 4 à 5 jours…donc  si sortie avant vous aurez quelques soucis ! Le plus souvent c’est plus l’angoisse de la mère qui a peur d’être une mauvaise nourrice et qui vous appelle sans cesse, que des grosse choses : les douleurs sont habituelles les 2 à 3 premiers jours lors des tétées, les petites crevasses des mamelons sont très fréquentes et justifient des soins locaux, la bonne position du bébé, le séchage des seins (mise à l’air libre), des crèmes spéciales…, les engorgements nécessitent le massage des seins sous eau chaude, et en cas d’échec un tire-lait peut être utile…l’infection reste possible mais assez rare, le plus souvent une simple lymphangite : sein chaud, rouge, douloureux, train fébrile (ou fièvre), trainée rouge violacée en regard d’un secteur du sein, adénopathie axillaire …même traitement que pour l’engorgement plus antibiotique si persistance, il faut éviter l’évolution vers l’abcès dont la sanction sera chirurgicale.

 

            Rares et plus graves : phlébites des membres inférieurs, surtout si le terrain était inconnu, car les autres surtout après césarienne sont souvent sous HBPM…Et beaucoup plus exceptionnel : embolies, que nous ne voyons presque plus en maternité…les femmes sont sorties trop tôt, vous en voyez donc plus que nous !   

 

            Soucis variés : prévention de l’iso-immunisation Rhésus : toujours faite par les obstétriciens et sages-femmes en fin de grossesse « Rhophylac 300 » à 28 semaines, et éventuellement refaits à « 200 » en post-partum après naissance, mais si sortie hyper-précoce : à vérifier.

Inhibition de la lactation le plus souvent par « Bromocriptine » sauf contre-indication, à maintenir 2 à 3 semaines…attention le retour de couches survient alors très vite en 4 semaines, et la fertilité aussi !

Contraception inutile initialement…mais donc à envisager après 4 semaines  si pas d’allaitement, et plus tard de toute façon, attention au risque majoré des phlébites post-partum, et surtout en ce moment de troubles médiatiques !                                                                   

                                              

Mais j’ai trop parlé, je pense que le mieux est maintenant de vous écouter et d’essayer de répondre à vos questions. Surtout : pas de panique, les suites de couches sont très simples dans la très grande majorité des cas…beaucoup de bon sens et d’écoute suffisent le plus souvent à redonner la confiance.                        

                      

« 33èmes journées nationales de la Société Française de Médecine Périnatale » Nantes, octobre 2003 : « Le retour précoce à domicile après l’accouchement »

Et : Encyclopédie Médico-Chirurgicale 2011 : Horovitz, Coatleven, Roux, Vandenbossche : « Suites de couches normales et pathologiques » (hors syndromes neuroendocriniens)