De la gammapathie au myélome
DE LA GAMMAPATHIE AU MYELOME
Professeur Thierry FACON
Faut-il adresser tous les patients porteurs d’une dysglobulinémie monoclonale de découverte fortuite à l’hématologiste ?
Les dysglobulinémies monoclonales regroupent de nombreuses entités, de la dysglobulinémie monoclonale de signification indéterminée (MGUS pour monoclonal gammopathy of undeterminated significance) au Myélome Multiple, en passant par divers hémopathies lymphoïdes, dont la Macroglobulinémie de Waldenström.
La MGUS (aussi appelée bénigne ou d’apparence bénigne) est un état pré-malin caractérisé par la présence d’un clone lympho et/ou plasmocytaire sécrétant une immunoglobuline monoclonale. Sa définition stricte associe une infiltration médullaire plasmocytaire < 10% et une immunoglobuline monoclonale < 30g/l, en l’absence d’atteinte organique pouvant être attribuée à la prolifération sous jacente. Il s’agit d’une pathologie très fréquente dont l’incidence augmente avec l’âge pour concerner environ 6% des sujets de plus de 70 ans et près de 10% des sujets âgés de plus de 90 ans. Les patients étant par définition asymptomatiques, la dysglobulinémie monoclonale de signification indéterminée ne pose pas de problème en soi et ne justifie, à l’heure actuelle, aucun traitement. En revanche une surveillance est nécessaire puisqu’il existe un risque évolutif vers une hémopathie avérée. Ce risque d’évolution vers un myélome (pour les MGUS IgG, IgA et à chaînes légères) ou vers des lympho-proliférations B de bas grade type maladie de Waldenstrom (pour les MGUS IgM) représente le principal enjeu de cette pathologie. Tous les myélomes seraient précédés d’une phase de MGUS ; à l’inverse, le risque de « transformation » d’une MGUS apparait comme étant faible, de l’ordre de 1% par an, et comme restant stable avec le temps. Les principaux facteurs de risque de progression identifiés sont un taux d’immunoglobuline monoclonale > 15 g/L, tous les isotypes sauf IgG (donc M, A, chaîne légères) et, de façon plus marginale, un ratio de chaînes légères libres sériques (κ/λ) anormal. En fait, le meilleur critère reste l’évolution dans le temps, justifiant un suivi clinique et biologique régulier, dominé par la répétition de l’électrophorèse des protides sériques, examen habituellement suffisant pour apprécier l’évolution du véritable « marqueur tumoral » que représente l’immunoglobuline monoclonale.
La question du parcours de soins optimal pour ces patients reste pertinente.
Dans certaines circonstances, par exemple pour un patient âgé présentant une immunogloguline monoclonale de faible importance sans symptomatologie évocatrice d’une hémopathie sous jacente, l’évaluation initiale et le suivi pourrait être assuré par le spécialiste en médecine générale. Cependant, une immunoglobuline monoclonale peut non seulement traduire ou annoncer une hémopathie lymphoïde mais aussi s’associer à des complications de mécanismes divers, non liées à la prolifération sous jacente. La plus connue est l’amylose immunoglobulinique (amylose AL) mais il en existe de nombreuses autres, rénales (regroupées sous le terme de gammopathy of renal significance ou MGRS), neurologiques ou cutanées (neuropathies dysglobulinémiques, POEMS syndrome), dont certaines nécessitant des prises en charge spécifiques et urgentes. Ainsi l’attitude clinique la plus raisonnable pour de nombreux patients reste l’évaluation initiale par un hématologiste puis un suivi conjoint ou par le seul spécialiste de médecine générale.