La fibrillation atriale
Docteur Eric TISON
La Fibrillation Auriculaire reste en 2013 une pathologie d’actualité, de par sa fréquence, ses enjeux pronostiques, et ses nouveautés thérapeutiques. La FA touche environ 2 % de la population, et augmente le risque d’AVC par 5, et d’insuffisance cardiaque par 3. A coté des accidents classiques existe aussi le risque d’embols silencieux et de déclin cognitif. Les AVK réduisent le risque d’AVC de 64 % par rapport au placebo, alors que l’Aspirine ne diminue ce risque que de 19 %. Mais les AVK sont aussi la première cause d’hospitalisations pour complications iatrogènes. Les craintes de leurs complications expliquent en partie leur sous utilisation, 54 % seulement des patients candidats les recevant réellement. De plus ils sont également volontiers mal utilisés, avec des temps passés en zone cible qui même dans des études internationales vont de 55 à 64 % du temps, les valeurs étant moindres dans la vie pratique. Or un temps passé à la valeur cible > 70 % est requis pour une efficacité et une sécurité optimales. Le risque de chute chez les personnes âgées est également une cause de leur sous emploi, mais les études montrent que ce sont justement les personnes âgées qui tirent le plus grand bénéfice des AVK en terme de réduction des AVC, bien supérieur au risque hémorragique qui est présent néanmoins. Les scores CHA2DS2VASc pour le risque embolique et HASBLED pour le risque hémorragique sont deux appoints précieux à la prise de décision thérapeutique. Les recommandations récentes sont : pas de traitement ou l’Aspirine seule pour un score à 0, un NACO (Nouvel AntiCoagulant Oral) de préférence à l’Aspirine pour un score de 1, et un NACO de préférence aux AVK pour un score supérieur ou égal à 2.
Les NACO récemment apparus offrent une alternative séduisante aux AVK, avec une prise fixe quotidienne sans adaptation de dose, une absence de surveillance biologique, une efficacité égale ou supérieure aux AVK pour réduire le risque d’AVC et d’embolies, et une réduction de 50 % et plus du risque d’AVC hémorragique, complication redoutée. Leur dose doit être adaptée en fonction de la clairance de créatinine calculée par la formule de Cockcroft, et réduite en cas d’insuffisance rénale modérée ( Pradaxa 100 mg x 2/j ou Xarelto 15 mg/j ). En cas de clairance inférieure à 30, leur emploi est à éviter, et est contre-indiqué pour le Pradaxa. Ces NACO ne sont pas à utiliser en cas de fibrillation valvulaire, chez les porteurs de prothèses valvulaires, les insuffisants rénaux sévères ou hépatiques, chez l’enfant, durant la grossesse et l’allaitement. Se posera le problème de leur association aux nouveaux anti-aggrégants plaquettaires, situation où nous manquons de données. Les précautions en terme d’interaction portent essentiellement sur les inducteurs et inhibiteurs du cytochrome 3A4 et de la glycoprotéine P. Leurs indications concernent des patients en FA non valvulaire et avec au moins un facteur de risque tels que l’insuffisance cardiaque, une HTA, un âge supérieur ou égal à 75 ans, un diabète, des antécédents d’AVC ou d’AIT ou d’embolie périphérique. Les protocoles de relais en vue de la chirurgie commencent à se mettre en place, en sachant que l’on ne dispose pas d’inhibiteurs pour ces molécules, mais que le Pradaxa est dialysable, et que le Xarelto peut être retiré par plasmaphérèse.
La question du contrôle du rythme ou de la fréquence reste débattue. L’étude AFFIRM montre la non infériorité de l’approche contrôle de fréquence en terme de mortalité, insuffisance cardiaque, AVC ou complications hémorragiques. Une méta-analyse de 2005 est en faveur du contrôle de fréquence, mais les études portaient sur des sujets âgés, peu symptomatiques. Une étude plus récente rapporte un taux d’AVC moindre dans le groupe contrôle du rythme. A l’heure actuelle, on privilégiera le contrôle du rythme chez les sujets symptomatiques, les sujets jeunes, quand l’ACFA est déclenchée (hyperthyroïdie, sepsis) ou quand elle compromet l’hémodynamique. Le contrôle de fréquence passe par les béta-bloquants, les inhibiteurs calciques non dihydropyridines et la digoxine. Un contrôle en dessous de 100 battements par minute au repos est suffisant (RACE 2).
La cardioversion s’adresse avant tout aux sujets jeunes symptomatiques, aux premiers épisodes de FA d’emblée persistants, aux patients avec retentissement hémodynamique notamment en cas d’insuffisance cardiaque. Les NACO commencent à voir apparaître des sous-études en faveur de leur sécurité d’emploi durant la cardioversion. L’attitude classique est d’attendre 3 semaines d’anticoagulation efficace, mais une alternative est le recours à l’ETO préalable pour écarter un thrombus de l’auricule gauche.
L’ablation est une technique arrivée à maturité qui permet d’obtenir des taux de stabilité sans rechute de FA de l’ordre de 70 à 80 % contre 20 % sous anti-arythmiques dans des populations de patients ayant résisté à au moins un protocole anti-arythmique. Plusieurs ablations sont toutefois requises avant d’obtenir un succès. Le recours à l’ablation comme premier traitement donne par contre des taux de succès moindre comparé au traitement anti-arythmique comme le montre l’étude MANTRA PAF. Les complications de l’ablation (AVC, tamponnades, …) restent une limitation à bien discuter avec les patients lors du choix de la technique. L’ablation s’adresse aux patient symptomatiques après échec du traitement anti-arythmique conventionnel, ou encore pour éviter la Cordarone au long cours, ou en cas de FA délétère (insuffisance cardiaque).
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