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Dépistage et prise en charge du patient à haut risque cardiovasculaire



 

Professeur Christophe BAUTERS

 

Les progrès dans la prise en charge des pathologies cardio-vasculaires ont été très importants au cours des dernières décennies mais la morbi-mortalité demeure néanmoins élevée. Même si l’infarctus du myocarde est maintenant associé à une mortalité faible dès lors que le patient est hospitalisé, la situation est différente lorsque l’on prend en compte la mortalité pré-hospitalière qui reste très importante.

 

Prévenir l’accident cardio-vasculaire est donc la voie d’avenir pour obtenir un impact satisfaisant en terme de santé publique. L’une des approches consiste à réduire globalement le niveau des facteurs de risque en population (lutte contre le tabagisme, modifications des habitudes alimentaires, etc.) ; l’autre approche est de repérer les patients à haut risque et de concentrer les efforts sur ce sous-groupe. Ces deux stratégies ont fait la preuve de leur efficacité et sont complémentaires ; il faut insister sur le fait que ne s’intéresser qu’au haut risque serait moins efficace et que les approches en population sont aussi nécessaires.

 

L’évaluation du risque cardio-vasculaire est souvent simple. Les logiciels et grilles de risque comme la grille SCORE sont néanmoins utiles (Tableau ci-dessous). En effet, l’évaluation purement intuitive du risque cardio-vasculaire peut parfois être prise en défaut. La grille SCORE prend en compte l’âge, le sexe, le tabagisme, la pression artérielle, et le niveau de cholestérol. Une version online est accessible à http://www.heartscore.org, elle incorpore aussi le HDL cholestérol.


 

 

 

Ce score qui est proposé par la Société Européenne de Cardiologie, rapporte le risque absolu de mortalité cardiovasculaire à 10 ans. Il faut bien intégrer le fait que le risque d’accident coronarien utilisé dans les scores plus anciens comme celui de Framingham est nettement plus élevé (un risque SCORE à 5-10% correspond à un risque d’accident coronarien >20%). Certains patients peuvent d’emblée être classés dans le haut risque comme les patients ayant déjà une atteinte vasculaire (prévention secondaire), les diabétiques, ou les patients présentant une insuffisance rénale. Le tableau ci-dessous résume la classification proposée par la Société Européenne de Cardiologie.

 

Très haut risque

·         Prévention secondaire

·         Diabète avec autre facteur de risque ou atteinte d’un organe cible

·         Insuffisance rénale < 30 ml/min

·         Risque SCORE > 10%

Haut risque

·         Elévation majeure d’un fdr unique : hypercholestérolémie familiale et hypertension artérielle sévère

·         Diabète sans autre fdr ni atteinte d’organe cible

·         Insuffisance rénale 30-60 ml/min

·         Risque SCORE 5 – 10%

Risque modéré

·         Risque SCORE 1 – 5%

Bas Risque

·         Risque <1%

 

 

Déterminer qu’un patient est à haut risque cardio-vasculaire permet d’envisager une attitude préventive (comme illustrée dans le tableau ci-dessous pour la prise en charge de l’hypercholestérolémie). 



Déterminer qu’un patient est à haut risque peut aussi aider au diagnostic. Ainsi, face à une douleur thoracique, la connaissance du niveau de risque peut aider à orienter le diagnostic étiologique et à interpréter les examens complémentaires. Les deux exemples qui suivent illustrent ce propos :

·         Michel X, 25 ans, technicien de laboratoire, réalise une épreuve d’effort afin de servir de « témoin » pour la thèse que prépare un interne en cardiologie. Au maximum de l’effort apparaît un sous-décalage horizontal du segment ST de – 2 mm (épreuve d’effort « positive »). A l’interrogatoire (réalisé a posteriori), on note la survenue (peu fréquente) de précordialgies atypiques. Michel n’a pas de facteur de risque notable, son risque cardiovasculaire est très bas.

·         Jean B, 65 ans, est fumeur actif, hypertendu et diabétique. Son risque cardiovasculaire est très élevé. Il se plaint d’oppressions rétrosternales à l’effort depuis 3 mois. L’épreuve d’effort est maximale et ne montre pas de sous-décalage significatif du segment ST (épreuve d’effort « négative »).

 

 

Dans le premier cas, le risque de maladie coronaire étant quasi nul, aucun examen complémentaire n’a été réalisé et il a été conclu à un faux positif de l’épreuve d’effort. Le plus dur a été d’en convaincre Michel (qui a maintenant 50 ans et qui va bien …)

 

Dans le 2ème cas, le risque de maladie coronaire étant important, le caractère rassurant de l’épreuve d’effort a été mis en doute. Une coronarographie a été réalisée montrant des lésions tritronculaires. Il s’agissait d’un faux négatif de l’épreuve d’effort …

 


Les scores de risques sont construits sur l’estimation du risque absolu. Il existe néanmoins des cas dans lesquels une intervention thérapeutique peut être proposée pour des niveaux de risque absolu faibles. C’est le cas en particulier du sujet jeune pour lequel le risque relatif (Tableau ci-dessous) est aussi à prendre en considération. Une autre méthode pour aborder ce problème difficile est de déterminer le risque absolu qu’aura ce jeune patient 10 ou 15 ans plus tard si les facteurs de risques restent inchangés.



 

 

 

La prise en charge du haut risque cardiovasculaire repose donc sur le contrôle des facteurs de risque. Il importe de rappeler qu’il s’agit d’un objectif très ambitieux potentiellement associé à un bénéfice majeur pour le patient. Mais doit-on proposer quelque chose de plus ? Le constat d’un haut risque cardio-vasculaire chez un patient asymptomatique peut pousser à un dépistage des atteintes vasculaires éventuelles. Un exemple fréquent est celui du dépistage de la maladie coronaire chez le patient diabétique. Comme dans d’autres disciplines, cette attitude va poser la question de l’attitude thérapeutique optimale en cas de dépistage positif. Dans le cas du diabétique asymptomatique, les preuves manquent pour justifier une revascularisation systématique en cas de découverte d’une sténose coronaire « significative » (sauf cas très particulier comme la découverte de lésions tritronculaires sévères, situation qui est peu fréquente dans le contexte du dépistage systématique). Il existe toutefois des avantages théoriques au dépistage d’atteintes vasculaires, la plus évidente d’entre elles étant que le sujet « dépisté » devient alors candidat à une prévention « secondaire » et plus particulièrement à la prescription d’un traitement antiagrégant plaquettaire.

 


 

 

Pour conclure, le constat d’un haut risque cardio-vasculaire et la définition d’un programme thérapeutique ne constituent que la première étape de la prise en charge. Il reste à sensibiliser, accompagner … Même si certains outils (comme le calcul de l’âge cardiovasculaire (ci-dessous)) existent et méritent d’être connus, aider un patient à adopter une attitude de prévention cardio-vasculaire sur le long terme est difficile.