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Soins de bouche en fin de vie.

Soins de bouche et autres astuces en fin de vie.
Dr Camille LARNAUDIE
Soins palliatifs - Antibes

Plan :
  • Introduction
  • Alimentation et hydratation en fin de vie
  • La bouche en fin de vie
  • La bouche sèche
  • La bouche sale
  • La bouche mycotique
  • La bouche douloureuse
  • La bouche hémorragique
  • Conclusion
  • Bibliographie

1) INTRODUCTION

DÉFINITION SOINS PALLIATIFS :

«approche globale pour améliorer la qualité de vie des patients et de leur famille, confrontés aux problèmes liés à des maladies potentiellement mortelles. Les soins palliatifs préviennent et soulagent les souffrances grâce à la reconnaissance précoce, l’évaluation correcte et le traitement de la douleur et des autres problèmes, qu’ils soient d’ordre physique, psychosocial ou spirituel» (OMS, 2002).
=> modèle bio-psycho-social-logistique-spirituel
=> centré sur le patient
=> prise en soins dans la globalité

ANTICIPATION = mot clé n°1 des soins palliatifs
figure 1 : les différentes phases de la maladie incurable


2) Alimentation et hydratation en fin de vie

ALIMENTATION
= XII ème siècle
= emprunté du latin alimentum, dérivé de alere, «nourrir»
= action d’alimenter un organisme, de pourvoir en nourriture un organisme vivant

NUTRITION
= XIV ème siècle (nuctricion)
= emprunté du bas latin nutritio, «action de nourrir»
= ensemble des fonctions organiques par lesquelles les aliments sont transformés, assimilés, utilisés et dégradés par un être vivant

L’alimentation pour l’individu est source de vie, symbole de croissance, de force, d’énergie.
Elle constitue également un moyen de se relier aux autres humains, des points de vue social, économique, identitaire et même spirituel.
Ne jamais oublier que le patient et son entourage évoluent dans une culture, une religion, des croyances.
C’est à la faveur de la domestication du feu, il y a environ 400 000 ans, que les comportements sociaux relatifs à l’alimentation se sont généralisés : les membres d’une même communauté ont pu se rassembler autour du foyer qui éclaire, réchauffe et permet de cuire la nourriture.
La «commensalité», qui vient du latin commensalis (cum «avec» et mensa «table, nourriture), désigne le fait de «manger ensemble».
Il est important de recherche les valeurs et représentations de la nourriture pour le patient et son entourage.
Aider un homme en situation de faiblesse à s’alimenter est un devoir de solidarité des biens portants envers le proche malade.

En fin de vie, l’alimentation orale peut être source de plaisir ou au contraire de déplaisir.

Avec les progrès de la médecine et l’émergence de méthodes diverses de nutrition et hydratation artificielles, de nouveaux questionnements éthiques ont émergé.
L’obstination déraisonnable (anciennement appelée acharnement thérapeutique) est le fait de pratiquer ou d’entreprendre des actes ou des traitements alors qu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.
La loi Claeys-Léonetti interdit l’obstination déraisonnable et les professionnels de santé ont pour devoir de ne jamais faire preuve d’une obstination déraisonnable.
La loi Claeys-Leonetti précise que l’hydratation et la nutrition artificiellessont des traitements susceptibles d’être limités ou interrompus au titre du refus de l’obstination déraisonnable.

Forcer un patient à se nourrir artificiellement peut être source :
  • d’inconfort digestif (météorisme, nausées, RGO, diarrhées si nutrition trop riche en fibres),
  • de satiété précoce («effet bézoard»),
  • de complications infectieuses (pneumopathie d’inhalation, infection de la voie parentérale)
  • de complications mécaniques (escarre de narine sur SNG, douleur de l’orifice de GPE, GPE bouchée…)
  • de iatrogénie (OAP sur nutrition parentérale…)

A contrario, un arrêt de l’alimentation artificielle peut inspirer un sentiment d’abandon et d’une mort imminente : pédagogie indispensable…

L’anorexie («absence de désir» en grec) voire le dégoût de la nourriture en fin de vie est FRÉQUENTE et MULTIFACTORIELLE :
  • processus tumoral envahissant, parfois compressif sur les voies digestives
  • iatrogénie (chimiothérapie, antibiotiques, morphiniques, sevrage en corticoïdes…)
  • troubles métaboliques (nausées sur hypocalcémie…)
  • troubles psychologiques (syndrome dépressif…)

Le plus souvent, en fin de vie, la personne a une perception très réduite de la faim et de la soif.

Astuce pour expliquer les mécanismes naturels de fin de vie au patient et son entourage :
«On ne meurt pas car on n’a plus faim, c’est parce qu’on est mourant qu’on n’a plus faim»

Tout apport glucidique (CNO, bains de bouche avec boissons sucrées, sérum glucose en IV….) vient «casser» la cétogénèse qui est un processus NATUREL de fin de vie.
Vigilance également avec la corticothérapie très utilisée notamment pour les douleurs tumorales et/ou sur métastases osseuses => effet orexigène, hyperglycémiant

Pour les nausées réfractaires en fin de vie :
  • ZOPHREN® 8mg IV ou SC, jusqu’à 32 mg/24h
  • attention au PRIMPÉRAN® car syndrome occlusif fréquent en fin de vie
  • si ZOPHREN® insuffisant : HALDOL® SC ou SAP de LARGACTIL® IV ou SC (plus sédatif que l’HALDOL®)
  • stick nasal d’aromathérapie (si patient éveillé) ou diffusion d’huiles essentielles en chambresoins de bouche fréquents
  • penser à traiter une éventuelle mycose oesophagienne (FLUCONAZOLE® IV)
  • penser au RGO chronique (adapter installation du patient, IPP per os ou IV, GAVISCON®…)Quand la prise orale est devenue impossible, proposer au patient des soins de bouche «plaisir» (ex : bain de bouche au Champagne…)

De même, toute hydratation artificielle (notamment la fameuse hydratation SC à domicile maintenue jusqu’à la fin…) vient contrer l’insuffisance rénale aigüe fonctionnelle qui est un processus NATUREL de fin de vie.
De plus, la mise en place d’hydratation artificielle ne réduit pas la sensation de sécheresse buccale.
Pire, l’hydratation artificielle risque de provoquer un encombrement bronchique lui-même responsable des râles bronchiques de fin de vie, souvent traumatisant pour l’entourage…
Une fois l’encombrement installé, on «court après»…

Dans la phase terminale, il faut limiter les apports hydriques artificiels au maximum pour éviter cet encombrement:
  • pas d’hydratation artificielle
  • si possible arrêt des traitements IV responsables d’un apport supplémentaire (ex: pour chaque PERFALGAN® IV, 100mL de Nacl…)

Si apparition d’un encombrement bronchique malgré la baisse des apports, thérapeutiques conseillées:
  • SCOBUREN® (SCOPOLAMINE BUTYLBROMURE) IV ou SC (hors AMM): commencer par 1 ampoule, si insuffisant à 1h: SAP de SCOBUREN® 3 amp/24h (à augmenter par palier de 3 amp toutes les 4h jusqu’à 12 amp/24h maxi)
  • FUROSEMIDE (LASILIX®) IV 60 mg toutes les 4h
  • SANDOSTATINE (OCTREOTIDE®) (hors AMM) (prescription hospitalière): SAP 300µg/24h, à augmenter par palier de 300µg toutes les 4h jusqu’à 1200µg/24h
  • SCOPODERM®: aucun intérêt en phase terminale (délai action > 12h une fois le patch posé), non remboursé, en rupture en villeMalheureusement, les traitements anti-sécrétoires sont pourvoyeurs de sécheresse des muqueuses.

Les soins de bouche très réguliers sont alors indispensables pour éviter la souffrance liée à la sécheresse de la bouche et l’inconfort de l’entourage devant une haleine nauséabonde.

3) La bouche en fin de vie


Caractéristiques de la bouche de la phase terminale :
- respiration bouche ouverte
- fausses-routes quasi systématiques => penser au badigeonnage à la place du bain de bouche
- historique iatrogénique (traitements anti-cancéreux, antibiothérapie…)

Clés de la réussite des soins de bouche :
- FRÉQUENCE ÉLEVÉE (minimum toutes les 3h)
- TRANSMISSION entre les équipes pour assurer la continuité
- PROTOCOLES prescrits, expliqués, argumentés, systématisés, reproductibles facilement

Deux sortes de soins de bouche :
- préventifs : soins d’hygiène quotidiens, maintien d’une humidité satisfaisante
- thérapeutiques : se fait TOUJOURS SUR BOUCHE PROPRE et HUMIDE

BIEN-ÊTRE BUCCAL = AFFAIRE DE TOUS +++
- soignants
- entourage : moyen de les impliquer dans les soins
- médecins : on viendra nous solliciter devant toute complexité ou doute diagnostique

Rôles multiples de la bouche : respirer, manger, boire, communiquer, rire, crier, embrasser ….

Traumatisme +++ des proches, honte du patient devant des odeurs nauséabondes, une altération physique notamment des lèvres ….

Astuce odeurs nauséabondes dans la chambre du malade : disposer du marc de café dans des petites coupelles

«Soigner la bouche c’est soigner la communication, c’est accepter que le patient puisse ouvrir la bouche et ainsi lui redonner la parole, c’est accepter aussi qu’il ne l’ouvre pas»
B. PREVOT, IDE Soins palliatifs CHU Lille

Consentement INDISPENSABLE +++
informer du déroulé et de l’objectif du soinpréserver l’intimité (gestes doux, parole bienveillante)
préférer un soin partiel à un soin complet forcé mal vécu
- ne pas s’arrêter à un 1er refus : ré-expliquer
- favoriser l’autonomie du patient (meilleure adhésion)
utiliser le mimétisme pour convaincre (notamment chez les patients déments)
antalgique en prévention (ex : gel buccal XYLOCAÏNE® 5 minutes avant, gouttes d’ORAMORPH® 1h avant, bolus de morphine IV 15min avant…)
anxiolyse en prévention (ex : OXAZEPAM 1h avant, bolus de MIDAZOLAM IV 15min avant…)

Installation :
- patient conscient et capable de cracher : position assise
- patient inconscient et/ou tendance à serrer les mâchoires : décubitus latéral si possible gauche (pour éviter la remontée de liquide gastrique)

Évaluation globale : abaisse-langue et lampe

Matériel :
privilégier le matériel personnel du patient s’il est adapté
brosse à dents :
- en 1ère intention
- doit être souple
- modèle pédiatrique : plus fine, s’enfile au doigt
- modèle chirurgical : pour gencives fragiles

bâtonnets :
- en 2e intention
- jetables
- en coton, en mousse, pré-imprégnés (bof)
- alternatives «bricolage» : brosse à dents entourée d’une compresse, coton-tige…

prothèses dentaires :
- brossage quotidien au savon neutre (pas de dentifrice) avec brosse adaptée
- rincer, sécher et entreposer au sec : NE JAMAIS LAISSER TREMPER LES PROTHÈSES
- 1 fois / semaine : 20 min dans une solution antiseptique

règles de conservation des produits :
- conservation hermétique
- date d’ouverture marquée sur le flacon
- tout bain de bouche (produit pur ou en mélange) doit être conservé maximum 48h

Principes généraux :
- moment idéal : après les repas
- fréquence idéale : toutes les 4 à 6 heures
- les traitements médicamenteux se font sur bouche humide

=> objectif numéro 1 : lutter contre la xérostomie et l’hyposialie

- ne pas mélanger les produits entre eux

4) La bouche sèche

ASPECT :
langue : pâteuse, plissée, cartonnée
salive : visqueuse, épaisse OU absente (soif intense, patient qui boit toute la journée)
lèvres : sèches, craquelées (chéilite), douloureuses +/- saignantes (fissures)
autre : halitose, dysphagie, dysphonie

CAUSES :
morphiniques, psychotropes, benzodiazépines, anti-cholinergiques, diurétiques
oxygénothérapie
radiothérapie 

THERAPEUTIQUES :
* favoriser la salivation :
- sans trouble de la déglutition : sucer des glaçons, bâtons de glace et des bonbons acidulés, boire des tisanes à la racine de guimauve et de l’eau gazeuse
- avec trouble de la déglutition : pincer le bout de la langue entre ses dents
- traitement per os (en cas d’échec des autres mesures) : SULFARLEM® 1 à 2 cp 3 fois/jour OU SALAGEN® (NR) 1 à 2 cp/jour si glandes salivaires non fonctionnelles.

hydrater la bouche :
- sans trouble de la déglutition : garder toute boisson en bouche 2-3min, manger des fruits riches en eau (melon, pastèque, ananas, fraises), brumiser (attention le gaz présent dans le flacon peut assécher la bouche), GUM HYDRAL® (NR), BIOXTRA® (NR), ARTISIAL® spray (NR)
- avec trouble de la déglutition : eau gélifiée, tamponner dans la bouche des compresses ou bâtonnets humectés du produit choisi

* lubrifier et protéger les muqueuses avec un corps gras :
- bouche : tapisser avec une huile alimentaire (ex : huile d’olive) +/- parfumée à la menthe poivrée (aromathérapie), badigeon avec LANSOYL ® (hors AMM) (NR) OU du beurre OU Aequasyal ® gel huileux (NR)
- lèvres : vaseline OU pommade ophtalmique à la vitamine A OU lubrifiant pour sonde urinaire (GELCAT®, KY®…)

* lutter contre l’halitose :
- l’absence ou la diminution de la salive modifie le pH de la bouche et induit l’halitose
- tamponner le pH avec du bicarbonate 1.4% en bain de bouche ou badigeon (solution toute prête OU BICAROME® OU poudre (1 c à c dans un verre d’eau )) +/- aromatisé avec de l’alcool de menthe
- 3 fois par jour pour être efficace

PIÈGES :
glycérine : assèche les muqueuses
éviter les boissons acides en cas de lésions
corps gras (ex : vaseline) + O2 = brûlure
=> Si O2 : BIOXTRA ® (NR) gel non glycériné OU KY® gel lubrifiant (lèvres et face interne des joues)

5) La bouche sale
ASPECT
langue : pâteuse, cartonnée, mucosités épaisses
* salive : épaisse, visqueuse
* lèvres : croûtes
* autre : halitose, altération du goût +/- anorexie, dysphagie, nausées

CAUSES
* vomissements
* défaut d’hygiène (perte d’autonomie, douleurs…)

THÉRAPEUTIQUES

ramollir les croûtes :
- vaseline, LANSOYL® (hors AMM) (NR), beurre, huile alimentaire +/- parfumée à la menthe poivrée
- appliquer au moins pendant 4-5 min
- puis frotter délicatement avec compresse au doigt OU bâtonnet (coton, mousse)

détersion de la langue :
- si absence de trouble de déglutition : eau gazeuse, boisson éventée à base de cola, ananas (action de la papaïne enzyme), eau oxygénée (1 c à c dans un verre d’eau puis rincer) pendant 2 jours
- si trouble de la déglutition : badigeonner

* soins d’hygiène classiques : brossage des dents avec dentifrice, nettoyer appareil dentaire

* lutter contre l’halitose :
- bain de bouche OU badigeon (selon dysphagie)
- 3 fois par jour
- ne rien manger ni boire dans les 30 min qui suivent
- en l’absence de lésion (ulcération OU mycose)
- bicarbonate de sodium 1.4% : 3 fois / jour (solution toute prête (NR) OU BICAROME® (NR) OU poudre (NR) (1 c à c dans un verre d’eau )) +/- aromatisé avec de l’alcool de menthe
- BÉTADINE® bain de bouche (1à 2 c à c, max 4 x/j) (NR)
- PAROEX® (sans alcool, s’utilise pur) : attention coloration jaune des dents
- GEL DE BUCCA ® (NR)
- huiles essentielles de menthe ou citron (15 gouttes dans un verre d’eau)
- bain de bouche au MÉTRONIDAZOLE : diluer 1/2 flacon dans 250mL de bicarbonate de sodium 1.4%
- si suspicion de RGO chronique : envisager un traitement par GAVISCON ® +/- IPP ?

* odeurs nauséabondes dans la chambre :
- marc de café
- diffuseur d’huiles essentielles
- coton imbibé d’huiles essentielles positionné près du patient
- coton imbibé de METRONIDAZOLE

6) La bouche mycotique

ASPECT
langue : framboisée (stade 1), blanchâtre (stade 2), noirâtre ou villeuse (stade 3)
salive : visqueuse, épaisse
autre : dysphagie, sensation de brûlure, dysgueusie

CAUSES
antibiothérapie, corticothérapie
chimiothérapie

THÉRAPEUTIQUES
soins d’hygiène : - brossage des dents 3 fois par jour au dentifrice après les repas
- tremper la brosse à dents 20min dans solution anti-fongique (chlorhexidine <3 semaines, nystatine) puis rincer et sécher
- brosser la langue
- décontaminer les prothèses ++++ : brosser au savon neutre, tremper 20min dans solution antifongique (chlorhexidine <3 semaines, nystatine) puis rincer et sécher
- ne pas porter les prothèses la nuit

tamponner le pH de la bouche :
- bain de bouche OU badigeon (selon dysphagie)
- après les soins d'hygiène
- 3-4 fois par jour
- ne rien manger ni boire dans les 30 min qui suivent
- bicarbonate de sodium 1.4% (solution toute prête (NR) OU BICAROME® (NR) OU poudre (NR) (1 c à c dans un verre d’eau )) +/- aromatisé avec de l’alcool de menthe
- boisson éventée au cola

traitements anti-fongiques :
- si tamponnage du pH est insuffisant après quelques jours
- protocole aroma (gel aloe vera, tea tree, laurier) : actions hydratante & antifongique
- FUNGIZONE ® ou MYCOSTATINE ® : avaler (attention aux troubles de la déglutition), goût désagréable, coloration orange de la langue
- LORAMYC® : comprimer à placer sur la gencive (au-dessus d’une incisive) et à garder pendant 6h (!), patient doit être autonome, bouche humide pour bonne diffusion
- DAKTARIN® : forme gel adaptée aux patients en fin de vie (bouche ouverte)
- TRIFLUCAN® : 100mg en IV le matin, AMM pour mycose réfractaire, forme IV intéressante en fin de vie et/ou si suspicion atteinte oesophagienne associée

* autre : si récidive, penser au RGO chronique et/ou à la iatrogénie …

PIÈGES

* vérifier que le patient ne vient pas de prendre quelque chose qui peut simuler une mycose !
éviter les aliments et boissons acides et/ou très sucrés
stopper l’usage de bain de bouche antiseptique
* évaluer tous les 2 jours : une amélioration doit être visible
si persistance au-delà de 10 jours de traitement : penser au mésusage OU revoir le diagnostic

7) La bouche douloureuse

ASPECT
érythème inflammatoire +/- ulcérations (mucites stade 1 à 4)
stomatite aphteuseherpès : stomatite +/- vésicules péri-buccales
autres : tumeur sphère ORL, plaie traumatique (appareillage inadapté …)

CAUSES

* antiseptiques
radiothérapie, chimiothérapie

THÉRAPEUTIQUES
Traitement antalgique local
    • - ASPÉGIC® 1g (NR) dilué dans 1 verre d’eau OU dans 500mL de bicarbonate de sodium en bain de bouche 3 fois par jour
    • - SOLUPRED® orodispersible 5mg dans 1 grand verre d’eau en bain de bouche (en l’absence de lésion herpétique) : se garde 24H au frigo
    • - XYLOCAÏNE® visqueuse 2% en badigeon (ne pas mettre sur voile du palais, attendre 2h avant de boire ou manger en raison du risque de fausse route)
    • - mélange en bain de bouche : SOLUMEDROL® 40mg + LIDOCAÏNE 1% 1 flacon de 200mg/20mL => à diluer dans 500mL de bicarbonate de sodium
    • - MORPHINE en bain de bouche 3 fois par jour, à espacer de minimum 4h, à garder 2min en bouche puis recracher : 10mg à diluer dans 30mL de NaCl, à garder au frigo

Traitement antalgique par voie générale
- selon les 3 paliers de l’OMS
- en association avec SOLUMEDROL® 1 à 2 mg/kg/jour si inflammation majeure responsable de dysphagie (attention en cas d’aplasie…)

* Traitement local des ulcérations
- SUCRALFATE (KÉAL® 1g) (NR) 8 fois/jour en bain de bouche (1 sachet dilué dans 1 verre d’eau) OU en tamponnage sur les lésions (1 sachet pur)
- HYALUGEL® (spray buccal ou gel buccal) (NR) à volonté

Traitement par voie générale des ulcérations
- ACICLOVIR susp buvable
- VALACICLOVIR comprimé
- ACICLOVIR IV ….

RÉFLEXIONS PLUS LARGES :
- penser à associer une anxiolyse aux antalgiques, y compris en protocole anticipé
- alimentation orale impossible = pronostic vital engagé
- discussion interdisciplinaire pour une sédation transitoire pour réaliser les soins bucco-dentaires en cas de douleurs réfractaires

PIÈGES
éviter les aliments durs/acides, les épices, les alcools, le tabacéviter tout matériel souvent blesser les muqueuses
préférer les repas fractionnéspréférer les aliments et boissons à température ambiante
privilégier la paille pour éviter le contact direct des boissons avec les muqueuses lésées
ne rien manger ni boire dans les 2h qui suivent l’usage d’un anesthésiant local (risque accru de fausse-route)

8) La bouche hémorragique

ASPECT :
saignements actifs
croûtes
pétéchies palatines
lésions douloureuses

CAUSES :
dent malade, prothèses non adaptées (perte de poids)
hémopathies malignes, chimiothérapie
traitements anticoagulant/antiagrégant

THÉRAPEUTIQUES :
ramollir les croûtes
- vaseline, LANSOYL® (hors AMM) (NR), beurre, vitamine A, huile alimentaire +/- parfumée à la menthe poivrée
- laisser en place 4-5min minimum
- puis frotter délicatement avec compresse au doigt ou bâtonnet (coton OU mousse)

* action cicatrisante
- protocole aroma avec HE de myrrhe
- HYALUGEL® (gel buccal ou spray buccal) (NR)

* hémostase
- tamponner 20min avec un sachet de thé noir (riche en acide tannique) humide
- bains de bouche à l’eau oxygénée (1 c à c dans 1 verre d’eau froide)
- EXACYL® sur compresse OU en bain de bouche (1 ampoule dans un verre d’eau)
- compresses d’alginate (COALGAN® ou ALGOSTERILE®)(NR) sur zone externe
- XYLOCAÏNE adrénalinée® sur bâtonnet
- traitement systémique par EXACYL® (4 à 8 comprimés ou 2 à 4 ampoules buvables par jour, à répartir en 2 ou 3 prises)

alimentation
- aliments froids, non irritants, mous
- boissons froides, non acides, non alcoolisées
- sucer des glaçons pour stopper les saignements

PIÈGES :
* utiliser compresse humide au lieu d’une brosse à dent pour les soins d’hygiène
* rassurer +++ patient et proches
éviter les prothèses quelques jours en accord avec patient / famille
éviter de frotter les croûtes sans les ramollir au préalable
éviter de faire cracher le patient
éviter les bains de bouche alcoolisés
éviter la glycérine qui assèche les muqueuses

RÉFLEXIONS PLUS LARGES :
si risque hémorragique majeur (tumeur intra-buccale) : mise en place anticipée d’un KTO, discussion avec patient sur sédation en urgence pour hémorragie massive …
si anémie chronique mais tarissement des saignements grâce aux soins locaux et/ou traitements systémiques : discuter transfusion pour soulager les symptômes d’anémie ?

9) Conclusion
Les soins de bouche sont l’affaire de tous.
Ils contiennent une dimension profondément humaine.

10) Bibliographie
https://www.sfap.org/app/uploads/2025/05/BRO_CNASI_SFAP_Soin-bouche.pdf
https://www.parlons-fin-de-vie.fr/wp-content/uploads/2022/10/focus_hydratation-1.pdf
https://onconormandie.fr/wp-content/uploads/2017/10/Reco_soins_de_bouche_bucco_dentaire.pdf
https://www.omedit-centre.fr/medias/Candidoses-buccales-oesophagiennes.pdf
https://palli-science.com/content/quand-lappetit-va-tout-va