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Amyloses cardiaques.
Les amyloses cardiaques : quand et pourquoi y penser ?
Pr Nicolas LAMBLIN
Cardiologie CHU LILLE
«Amylose» est un terme général.
Il définit toutes les maladies caractérisées par la présence de dépôts dits «amyloïdes», dans un tissu et un (ou plusieurs) organe(s). Ces dépôts sont formés à partir de différentes protéines (dites «amyloïdogènes»), dont le changement de conformation les rend propices à la formation de feuillets, qui vont s’agglomérer progressivement pour former des fibrilles, qui vont s’accumuler dans les tissus, formant ces amas ou dépôts.
Ces dépôts sont acellulaires (contrairement à la prolifération des processus tumoraux), inertes (sans composante inflammatoire) et ont des caractéristiques physico-chimiques uniques: une coloration ocre-orangé par le rouge Congo et une biréfringence jaune-vert par une lumière polarisée. Ainsi, chaque amylose se définit par la protéine source des dépôts et le, ou les, organes touchés (cœur, reins, foie, nerfs, tendons, etc…).
Plus d’une vingtaine de protéines ont été décrites pouvant être la source de dépôts amyloïdes. Deux protéines sont très nettement majoritaires en fréquence:
1) les chaines légères kappa et lambda des immunoglobulines qui, à l’état libre, sont sources de l’amylose à chaine légère (ou AL);
2) la transthyrétine, qui n’est autre que la sérumalbumine, qui lorsqu’elle est mutée ou au cours du vieillissement, est source de l’amylose à transthyrétine (ATTR) héréditaire ou non mutée, appelée anciennement sauvage ou «sénile».
Si pendant de nombreuses années le diagnostic des amyloses a été exclusivement histologique (sur biopsies), l’amylose cardiaque ATTR, à laquelle sera consacrée la suite de ce résumé, peut sous certaines conditions être diagnostiquée de façon non invasive.
Facteurs favorisants ou pouvant/devant alerter.
Il n’existe pas de facteur de risque connu à ce jour (en dehors de la présence d’une mutation dans le gène TTR pour les formes héréditaires) d’amylose cardiaque ATTR.
Facteurs favorisants ou pouvant/devant alerter.
Il n’existe pas de facteur de risque connu à ce jour (en dehors de la présence d’une mutation dans le gène TTR pour les formes héréditaires) d’amylose cardiaque ATTR.
En revanche, il est maintenant bien confirmé que des atteintes tendineuses et ostéo-articulaires peuvent précéder l’atteinte cardiaque de nombreuses années auparavant. Ces atteintes constituent des points d’appels ou «drapeaux rouges» en cas de manifestations cardiaques inexpliquées.
Les principales atteintes sont :
- Le canal carpien, surtout si bilatéral et/ou persistant ou récidivant après une chirurgie de décompression du nerf médian.Le syndrome du canal carpien précède souvent de 5 à 10 ans l’atteinte cardiaque ; le canal lombaire rétréci (qui comporte des dépôts d’amylose ATTR dans un grand nombre de cas sans qu’il s’agisse d’une ATTR systémique);
- Les ruptures tendineuses, en particulier le tendon du long biceps, de la coiffe des rotateurs, doit en ressaut, la maladie de De Dupuytren;
- Plus récemment, les arthroses et/ou ostéonécroses prématurées des hanches ou des genoux.
- Les autres manifestations extracardiaques qui peuvent faire évoquer une amylose ATTR sont: une neuropathie sensitive, d’abord distale (peu différente de celle liée à un diabète ancien; une surdité rapide (peu spécifique); une dysautonomie digestive et surtout du système nerveux autonome avec apparition d’hypotension orthostatique.
Signes fonctionnels et diagnostic.
Signes fonctionnels et diagnostic.
Du point de vue cardiaque, les circonstances de découverte sont essentiellement la dyspnée d’effort progressive, parfois associée à un angor qui lorsque les douleurs sont «typiques», peut être très trompeur, surtout chez des personnes vieillissantes avec une probabilité élevée de trouver des anomalies coronaires qui peuvent retarder le diagnostic de façon importante.
A un stade plus avancé, les circonstances de découvertes sont :
En premier lieu, l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection (FE) du ventricule gauche (VG) préservée, dont 13 à 15% des cas sont liés à l’amylose ATTR; l
La sténose aortique serrée (associée dans 8 à 16% à une amylose cardiaque ATTR, voire 20% en cas de sténose à «bas débit-bas gradient); les troubles de conduction de haut grade (syncopes sur bloc atrio-ventriculaire paroxystique).
L’électrocardiogramme montrera souvent des anomalies assez discrètes au départ. Le classique microvoltage des QRS devient plus rare avec des diagnostics plus précoces: il est absent dans plus de 50% des cas. Les principales anomalies sont la déviation axiale gauche par hémibloc antérieur gauche, responsable d’un rabotage de l’onde R voire d’un aspect QS pseudo-infarctus dans les dérivations antéro-apicales. Un bloc atrio-ventriculaire du 1er degré est très fréquent. Dans les formes plus avancées, le PR continue de s’allonger, les QRS s’élargissent (bloc incomplet, puis complet, de banche gauche) et un aspect de surcharge systolique du ventricule gauche est habituel dans les dérivations antéro-latérales.
L’échocardiographie est surtout dominée par un épaississement circonférentiel des parois ventriculaires. Une amylose doit être suspectée dès une épaisseur ≥ à 12 mm (peut-être moins encore chez la femme). Cet épaississement s’accompagne d’une anomalie de la fonction systolique et de la déformation du myocarde, touchant d’abord les segments de la base du VG et la fonction longitudinale.
Ainsi, les paramètres à rechercher sont la diminution des vélocités S’ à l’anneau mitral en mode «tissue doppler» et la réduction du strain global longitudinal, plus marquée sur les segments de la base, moins sur les segments médians et préservant très longtemps les segments de l’apex. L’ensemble réalise un aspect en cocarde, non spécifique mais évocateur. Beaucoup plus tardivement, l’aspect est celui d’une cardiomyopathie modérément hypertrophique (14-15 mm) et restrictive, avec des parois brillantes, un flux mitral restrictif et une dilatation biatriale (moins marquée que d’autres cardiomyopathies du fait de l’infiltration amyloïdes des parois atriales).
En cas de doute quant à une amylose cardiaque sur les données échographiques, l’IRM cardiaque est très précieuse. L’IRM montre les aspects morphologiques cités ci-dessus mais elle permet surtout la caractérisation tissulaire qui, quand elle est complète, est très spécifique des amyloses cardiaques (AL ou ATTR).
Rôle du MG et examens complémentaires.
Le rôle du médecin traitant est surtout d’évoquer le diagnostic d’amylose cardiaque ATTR non mutée car beaucoup plus fréquente avec le vieillissement de la population.
Le rôle du médecin traitant est surtout d’évoquer le diagnostic d’amylose cardiaque ATTR non mutée car beaucoup plus fréquente avec le vieillissement de la population.
L’ATTR cardiaque peut être évoquée dans tous les «syndromes cardiovasculaires», surtout après 75-80 ans, plus chez l’homme que chez la femme et surtout en cas de mauvaise tolérance des traitements habituels à visée cardiovasculaire : malade hypertendu ne tolérant plus les médicaments anti-HTA du fait d’une fatigue excessive et/ou d’une tension artérielle qui diminue avec des épisodes d’hypotension orthostatique fréquents.
Ce tableau cardiovasculaire doit être relié aux antécédents rhumatologiques de canal carpien et autres.
En cas de suspicion d’amylose cardiaque, l’urgence absolue est d’éliminer une amylose AL, secondaire à la présence de chaines légères d’immunoglobulines (kappa ou lambda), libres dans le sérum. Cette amylose AL est ainsi une complication d’une gammapathie monoclonale, qui semble au départ totalement bénigne ou de signification «indéterminée» (la «MGUS» des anglo-américains).
b car, sans traitement spécifique, les malades atteints d’une amylose cardiaque AL ont une espérance de vie médiane de 18 mois…
Tout retard au traitement est donc extrêmement péjoratif.
Pour cela, le médecin traitant peut d’emblée demander les 3 paramètres suivants indispensables pour écarter cette étiologie d’amylose:
1) une électrophorèse des protéines sériques avec immunofixation (indispensable à repérer un pic monoclonal de chaines légères libres et non d’une immunoglobuline complète);
2) la recherche de chaines légères libres dans les urines (ou protéinurie de Bence Jones);
3) un dosage pondéral des chaines légères libres dans le sang (qui malheureusement ne bénéficie pas encore d’un remboursement par l’assurance maladie).
En l’absence de composant monoclonal de chaine légère kappa ou lambda, le diagnostic pourra alors se faire par une scintigraphie aux radiotraceurs osseux (identique au bilan d’extension de néoplasie) qui montre une fixation myocardique de grade 2 ou 3 (classification semi-quantitative de Perugini).
En cas de composant monoclonal, seules des biopsies (d’abord périphériques puis éventuellement cardiaques) feront la différence entre des dépôts d’origine AL ou TTR.
Ce diagnostic précis est indispensable pour débuter une thérapeutique spécifique, qui dépend exclusivement de la protéine source.
En effet, ces amyloses (AL et ATTR) ont bénéficié d’importants progrès thérapeutiques permettant un profond changement du pronostic des malades.
Seul un diagnostic précis peut allonger de plusieurs années l’espérance de vie des malades.