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Endométriose
Endométriose : le point sur la prise en charge
Pr Chrystèle RUBOD Dit GUILLET
Cheffe de service de chirurgie gynécologique
Toute utilisation de ce texte, en entier ou en extrait, doit faire référence à sa source.
Introduction:
L'endométriose, maladie inflammatoire chronique définie par la présence de tissu endométrial en dehors de l'utérus, est responsable de douleurs pelviennes et d’infertilité́. Touchant 10 à 15% des femmes, cette pathologie ayant un impact majeur sur la qualité de vie des patientes avec un coût socio-économique important doit être considérée comme un véritable problème de santé publique.
Définition, physiopathologie, épidémiologie :
L’endométriose est une pathologie chronique fréquente de la femme jeune, touchant 10% des femmes en âge de procréer. Les mécanismes physiopathologiques restent mal connus, multifactoriels et impliquent des facteurs génétiques et environnementaux. Le processus initial le plus communément retenu est le reflux menstruel par voie tubaire. Quel que soit le système de santé, le délai entre la survenue des premiers symptômes et le diagnostic de l’endométriose est très long et se compte en années (3 à 10 ans).Caractérisée par la présence et la diffusion de cellules de l’endomètre en dehors de son site naturel (cavité utérine), l’endométriose est définie par différents morphotypes (pouvant ou non être associés) aux conséquences et traitements spécifiques :
- Adénomyose quand elle gagne le myomètre- Endométriose pelvienne profonde (EPP) si elle siège en sous péritonéal (histologiquement supérieure à 5 mm en profondeur) ou envahit les organes pelviens- Endométriose pelvienne superficielle pour l’atteinte péritonéale (non profonde)- Endométriome pour l’atteinte ovarienne- Endométriose extra pelvienne pour les autres sites (pariétale, diaphragmatique...)
Symptômes et diagnostic :
En dehors de ses aspects topographiques, qui bien que bénins, rappellent le processus de diffusion des cancers; l’endométriose se manifeste par des symptômes très évocateursdont la typologie est corrélée à la localisation des lésions : dysménorrhée (volontiers sévère et résistante aux antalgiques de pallier I), dyspareunie profonde, symptômes urinaires ou digestifs d’exacerbation cataméniale et l’infertilité. L’intensité des symptômes n’est pas corrélée à l’importance des lésions.En présence de ces symptômes évocateurs, un examen gynécologique orienté est recommandé (après consentement). Celui-ci peut permettre la palpation de lésion nodulaire au toucher vaginal (+/- rectal) ou visualiser une atteinte vaginale au spéculum. La prévalence de l’endométriose asymptomatique n’est pas connue en population générale. Il n’y a pas, en l’état actuel des connaissances, de recommandations pour un dépistage en population générale ou à risque.Les mécanismes de l’infertilité dans l’endométriose sont nombreux et très souvent intriqués. Ils peuvent être mécaniques, utérins, liés à l’altération du capital ovocytaire ou à l’inflammation intra péritonéale et sa toxicité sur les gamètes. L’impact mécanique est rapporté aux lésions tubaires par le biais d’adhérences, de rétractions fibreuses ou d’hématosalpinx... L’utérus est impliqué par l’altération de la réceptivité endométriale avec une résistance à la progestérone ou peut-être par le biais de l’adénomyose. Enfin, les dyspareunies peuvent expliquer également l’infertilité du fait de la raréfaction ou de l’absence de rapports sexuels.Il est établi que le diagnostic d’endométriose pelvienne repose désormais sur un faisceau d’arguments cliniques (interrogatoire et examen clinique) et paracliniques fournis par l’imagerie. L’échographie par voie vaginale doit être l’examen radiologique à réaliser de première intention, l’IRM ne devant être proposée qu’en seconde intention en cas de difficultés diagnostiques et/ou si une intervention est envisagée, notamment dans un contexte de lésions multifocales d’endométriose profonde. Lorsque l’imagerie objective une endométriose sur des éléments caractéristiques et spécifiques, la réalisation d’une cœlioscopie dans le seul but de confirmer le diagnostic n’est plus recommandée. La preuve histologique n’est donc plus nécessaire à la mise en place d’un traitement médical ou à la décision de prise en charge chirurgicale.
L’endométriose peut avoir des conséquences majeures sur la qualité de vie des patientes en lien avec les symptômes et ses conséquences (professionnelles, sociales, psychologiques, sexologiques, conjugales …). L’impact des symptômes peut être évalué par des questionnaires dédiés de qualité de vie et de douleur
Traitements:
Le traitement doit être personnalisé et gradué. Il est recommandé de prendre en charge l’endométriose lorsqu’elle a un retentissement fonctionnel (douleur, infertilité) ou lorsqu’elle entraine une altération de fonctionnement d’un organe.
Les traitements hormonaux de l'endométriose
permettent d'accompagner tout au long d'un parcours long de plusieurs années les femmes souffrant d'endométriose.Ils sont complémentaires des prises en charge médicamenteuses de la douleur.Ils doivent s'adapter à chaque âge de la vie et aux facteurs de risque spécifiques. Ils sont notamment inutilisables en cas de désir de grossesse car anticonceptionnels.L’endométriose est une pathologie oestrogéno-dépendante, un des objectifs principaux du traitement est donc de limiter les effets des estrogènes. Les traitements hormonaux de première intention sont les oestro-progestatifs et les progestatifs, que ces derniers soient prescrits sous forme orale (desogestrel, dienogest) ou intra-utérine (dispositif intra-utérin au levonorgestrel).La tendance actuelle est de privilégier en première intention le dienogest en continu.En cas de «résistance à la progestérone» ou d’effets secondaires mal supportés, il est possible de prescrire en deuxième intention les analogues de la LH-RH (agonistes ou antagonistes) avec une add-back thérapie.
La chirurgie de l’endométriose pelvienne
a sa place en cas d’échec des traitements médicaux. La balance bénéfice risque doit bien sûr être pesée.La chirurgie présente le grand avantage de permettre à la fois de soulager les douleurs et d’offrir aux patientes infertiles 30 à 40% de chances de grossesses dans l’année suivante. Les limites de la chirurgie sont les risques de complications, les cas complexes doivent donc être référés dans des centres spécialisés. L’intervention doit être multidisciplinaire en fonction des organes atteints(chirurgien gynécologique, digestif, urologue) et réalisée par voie minimale invasive de manière systématique.La cœlioscopie est la voie d’abord à privilégier. Il est recommandé de pratiquer une résection des lésions pelviennes objectivées aussi complète que possible. En préopératoire, il convient de réaliser une cartographie la plus précise possible des lésions pour la planification de l’intervention et la présentation du projet à la patiente tout en fournissant des informations complètes sur les risques opératoires.En post opératoire, il est doit être proposer un suivi (sans imagerie systématique).L’instauration d’un traitement hormonal est recommandée afin de limiter le risque de récidive.
L’Aide Médicale à la Procréation (soit la fécondation in vitro [FIV] soit l’injection intracytoplasmique de spermatozoides [ICSI])
est une option thérapeutique pour les patientes endométriosiques infertiles. Elle offre aux patientes 30 à 40 % des chances de grossesses et ce indépendamment du phénotype des lésions. Il est possible, de réaliser une AMP sans effectuer au préalable l’exérèse des endométriomes ovariens ou des nodules d’endométriose profonde.La stratégie thérapeutique (AMP et/ou chirurgie) sera discutée en commission de procréation ou réunion de concertation d’endométriose en fonction des paramètres de la fertilité (du couple), de l’âge de la patiente, de la symptomatologie et de l’étendue des lésions.En dehors d’un projet de grossesse, la préservation de la fertilité par congélation ovocytaire peut être proposée en cas d’atteinte ovarienne avec risque d’altération quantitative du stock folliculaire et discutée au cas par cas pour l’endométriose pelvienne profonde isolée.
Selon le contexte, il peut aussi être proposé un accompagnement psychologique, sexologique ou faire appel aux méthodes holistiques.
La médecine alternative reposant sur les axes rééducatifs (kinésithérapie, gymnastique douce…), psychothérapeutiques et psychocorporels (hypnose, relaxation, thérapies cognitivo-comportementales…) pourraient favoriser une réadaptation progressive à l’effort, une réappropriation du schéma corporel et améliorer la qualité de vie.Ces différentes thérapies n’ont toutefois pas toujours fait l’objet d’une évaluation spécifique dans cette indication et doivent donc être proposées dans le cadre d’une approche interdisciplinaire. Le soutien et l’écoute de l’entourage ou des membres des associations de patientes est une aide précieuse à ne pas sous-estimer.
Stratégie thérapeutique:
Au total, en tenant compte de l’ensemble des sphères qui peuvent être impactées, la prise en charge doit être multidisciplinaire.Si des arbres décisionnels tendent à se dessiner avec l’expérience et les données bibliographiques, certaines situations n’ont pas de réponse standardisée et en particulier: l’adénomyose floride de la femme en âge de procréer, les volumineux endométriomes et l’EPP multifocale associée à une infertilité.La prise en charge doit être envisagée au cas par cas et dans les situations complexes discutée en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) dans des centres de recours.L’information reste essentielle dans tous les cas pour obtenir et garantir l’adhésion des patientes à une prise en charge graduelle ainsi qu’à une surveillance maitrisée et adaptée sans examens itératifs invasifs non productifs.
Filière d’endométriose:
Les enjeux actuels, outre la spécificité de la fertilité, concernent particulièrement l’accessibilité aux soins et la qualité de ceux-ci. Celles-ci vont de pair avec l'instauration d'un parcours de soins labellisé, la création de Centres Spécialisés, en mesure d'offrir toutes les solutions thérapeutiques adaptées validées ouinnovantes, un suivi qualifié, et une stratégie déterminée dans la formation et la recherche fondamentale et clinique. Sous l’impulsion de la stratégie nationale de 2022, les ARS ont eu pour mission d’organiser les filières de soins. L’association ENDHAUTS (endhauts.association@gmail.com) a été retenue pour les Hauts de France pour porter la structuration des soins, renforcer le partenariat des professionnels, proposer une offre graduée et identifier les centres de références en endométriose.
Conclusion:
L’endométriose est devenue au cours de ces dernières décennies une pathologie, non seulement préoccupante parce qu’elle touche les femmes jeunes en âge de procréer, mais aussi en raison de sa prévalence.
Son retentissement sur le plan personnel, physique et psychologique, mais aussi conjugal, familial ou professionnel impose de réels progrès pour aboutir à un diagnostic plus précoce et une prise en charge radicalement adaptée.
La prise en charge de l'endométriose doit être personnalisée et graduée grâce à une approche intégrée, multimodale et multidisciplinaire centrée sur la patiente.
Le médecin généraliste a un rôle clé tout au long de la prise en charge de ces patientes.