Oncogénétique
Une faible proportion de cancers est héréditaire
La
grande majorité (95%) des cancers ne sont pas héréditaires : il s’agit avant tout de maladies que
l’on dit « multi-factorielles », c’est-à-dire liées à plusieurs
facteurs qui vont s’additionner au cours de la vie (ex : vieillissement
naturel des cellules + facteurs environnementaux + facteurs hormonaux + autres
facteurs…). Le cancer étant une maladie fréquente dans la population
générale, plusieurs personnes peuvent en être atteintes au sein d’une même
famille, alors même qu’aucune prédisposition génétique au cancer n’est
présente.
On
estime donc que seulement 5% des cancers sont génétiquement déterminés : le
(la) patient(e) qui en est atteint(e) est porteur(se) dans son génome d’une altération
génétique (que l’on appelle « mutation »), responsable en grande
partie de la survenue de ce cancer. Cette anomalie génétique se transmet en général selon un mode
autosomique dominant avec un risque de transmission de ½, pour les filles comme
pour les garçons.
Quelle prise en charge pour les familles touchées par une
prédisposition aux cancers ?
L’oncogénétique est la discipline médicale qui
a pour buts le dépistage, l’information et la prise en charge de ces familles à risque héréditaire de cancer.
Les mesures de dépistage et/ou de prévention sont différentes de celles
recommandées en population générale et varient selon les pathologies : examens de dépistage plus fréquents et/ou
différents et/ou plus précoces, voire chirurgie préventive dans certains cas. Cette activité s’est beaucoup
développée grâce à la mise en évidence de gènes de prédisposition aux cancers
de l’adulte et de l’enfant. Elle est régie par la loi 2008.321 encadrant la
médecine dite « prédictive », c'est-à-dire la recherche chez un sujet
non malade d’une anomalie génétique identifiée dans sa famille. Les analyses
génétiques réalisées dans ce cadre ne peuvent être prescrites que lors
d’une consultation avec une équipe comportant un généticien et déclarée à
l’agence de la Biomédecine. Un protocole prend en compte les implications
personnelles, médicales et psychologiques de ce nouveau type de pratique
médicale.
Quand penser
qu’un cancer est peut-être héréditaire ?
On suspectera qu’un cancer est héréditaire dans trois situations principales:
- Lorsque l’histoire familiale est très évocatrice : au moins 3 personnes ayant eu le même cancer dans une branche parentale (maternelle ou paternelle)
-
Lorsque le cancer atteint un sujet plus jeune que l’âge
habituel d’apparition de ce type de cancer dans la population générale (< 35
ans pour les cancers du sein, < 40 ans pour les cancers du colon).
-
Lorsque
l’on retrouve des associations caractéristiques de cancers dans la
famille (exemple : cancers du sein et de l’ovaire ; cancers du colon
et de l’endomètre)
Dans ces situations le caractère héréditaire du cancer est une hypothèse, qui nécessite une prise en charge par une équipe d’oncogénétique : la consultation d’oncogénétique sera demandée par le médecin généraliste, par le médecin spécialiste ou par le patient lui-même.
Comment se
déroule une consultation d’oncogénétique ?
Dans un premier temps, il est préférable qu’un malade (ayant eu un cancer) soit le premier reçu en consultation. L’établissement de l’arbre généalogique et le recueil de toutes les données médicales permettent d’établir ou de réfuter le diagnostic de prédisposition familiale au cancer. Si celle-ci est affirmée ou fortement suspectée, elle est expliquée au patient et il lui est proposé un prélèvement sanguin pour l’analyse génétique, dont les difficultés, les limites et l’utilité pour ses proches lui sont exposées. Les résultats sont rendus et expliqués au patient en consultation par le généticien, qu’une mutation ait ou non été identifiée. Si une mutation a été trouvée le patient est incité à avertir toutes les personnes potentiellement à risque de sa famille.
Dans un second temps, les apparentés qui en font la demande, sont
alors reçus dans les mêmes conditions. Une période de réflexion aidée par le
psychologue leur est proposée avant le « test » (recherche de la
mutation identifiée dans leur famille à partir d’une prise de sang). Le
résultat est rendu en consultation multidisciplinaire. Si le patient est
porteur de la mutation, des mesures de dépistage et de prévention sont
proposées et le suivi médical est instauré avec les médecins du patient.
Chez les mineurs l’analyse n’est réalisée qu’en cas de recours
possible à des mesures préventives dans l’enfance, après une période d’aide
psychologique systématique.
Implications médicales
Pour le patient malade, l’identification d’une mutation génétique confirme
le diagnostic de prédisposition familiale au cancer. Cela a souvent des
implications sur sa prise en charge : adaptation du rythme de surveillance,
parfois prévention du risque de second cancer. L’absence d’identification de
mutation génétique n’écarte pas toujours le diagnostic car les techniques actuelles
ne permettent pas d’identifier toutes les anomalies en cause, et tous les gènes
de prédisposition au cancer ne sont pas encore connus.
Pour les apparentés, ce résultat est capital : il permet de
distinguer parmi eux ceux qui peuvent être rassurés, car non porteurs de
l’anomalie, et ceux qui, porteurs de la mutation, se voient proposer les
mesures de prévention selon les recommandations établies pour chaque pathologie.
Implications psychologiques et éthiques
Les conséquences psychologiques de ce type
de démarche doivent impérativement être prises en compte d’où l’importance du
rôle du psychologue.
Pour le malade s’ajoute, aux difficultés liées
à la maladie et les traitements souvent lourds qui lui sont associés, la notion
de transmission familiale et le risque de culpabilité vis-à-vis de sa
descendance. Pèse aussi sur ses épaules la charge de prévenir les membres de sa
famille de ses résultats génétiques.
Pour les apparentés les principes éthiques
de la médecine prédictive doivent être respectés : liberté de chacun de choisir
s’il veut ou non connaître son statut vis-à-vis de la mutation familiale,
confidentialité, droit au secret.
Les problèmes posés par chaque type de
cancer et leurs implications psychologiques et éthiques sont cependant très divers
car les modalités de surveillance et de prévention diffèrent d’une pathologie à
l’autre.