Les IST
Dr Isabelle Alcaraz et Dr Thomas Huleux
Service Universitaire des Maladies Infectieuses CH DRON Tourcoing
15 mars 2019
Infections sexuellement transmissibles
(IST hors VIH/hépatites virales)
Formathon mars 2019
Les infections sexuellement transmissibles sont en très nette recrudescence depuis les années 2000. Hormis l'infection à VIH qui est à déclaration obligatoire, celle des autres IST se fait de manière volontaire par les cliniciens et les médecins biologistes.
Très contagieuses et fréquentes, la plupart d’entre elles peuvent rester silencieuses initialement ou alors se manifester dans un contexte clinique trompeur et entraîner des complications parfois lourdes si elles ne sont pas traitées à temps (stérilité tubaire et infection à chlamydia, atteinte neurologique - ophtalmique - otologique - foetale et syphilis, HPV et cancer..)
Cette épidémie des IST est essentiellement due à un relâchement de la prévention, mais aussi à une mésinformation, un manque de communication auprès des populations cibles.
Elle concerne :
La syphilis surtout chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) mais des femmes sont touchées également ce qui doit faire craindre un retour de cas de syphilis congénitale (sérologie obligatoire au cours de la grossesse).
Les rectites à Chlamydia y compris les formes LGV (lymphogranlomatose vénérienne) en grande majorité chez les HSH
Mais également les infections génitales à chlamydia et gonocoque chez les jeunes de 15-24 ans. L’arrivée de la PCR a permis d'ailleurs un dépistage plus large en mettant en évidence des formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques qui doivent être traitées.
Les infections herpétiques et à papillomavirus (HPV) restent les plus fréquentes. L’oncogénicité de certains types d'HPV explique une augmentation des cancers anaux chez les HSH en particulier dans la population infectée par le VIH. Elle explique également une augmentation de certains cancers ORL chez des sujets plus jeunes.
Dépister, traiter, prévenir l’ensemble des IST est une des recommandations nécessaires pour lutter aussi contre l’épidémie de VIH/SIDA!
I- Principales Infections sexuellement transmissibles
1- HERPES (Herpes simplex 1 et 2):
Diagnostic :
Le plus souvent la clinique suffit
Sinon CULTURE sur prélèvement local (seule technique remboursée par sécurité sociale, la PCR ne l’étant pas)
PAS DE SEROLOGIE !
Traitement :
VALACICLOVIR (ZELITREX)500 mg x 2/ j
> Primo infection: 10 jours
> Récurrence: 5 jours
Prophylaxiesi au moins 6 épisodes/ an:
VALACICLOVIR 500 mg/j, essayer sur minimum 6 mois, plutôt un an et évaluer réduction du nombre et de l’intensité des poussées.
2- SYPHILIS (Treponema pallidum) :
Diagnostic :
- Le dépistage repose sur un test tréponémique : TPHA de plus en plus supplanté par les tests ELISA
- La confirmation est faite par un test non tréponémique quantitatifVDRL ou RPR qui peut être demandé directemetn en cas de forte suspicion de syphilis primaire.
Attention aux sérologies encore négatives au stade primaire du chancre
Fond noir abandonné.... Futur = PCR sur prélèvement local?
Traitement : PENICILLINE G = traitement de référence ! pas de résistance
Benzathine benzylpenicilline 2,4 MUI
- une seule injection si syphilis précoce (= de moins de 1 an), qu’elle soit primaire, secondaire ou latente
- une injection hebdomadaire durant 3 semaines si syphilis tardive ( = de plus d’un an ou de date indéterminée), .
Si Allergie à la Pénicillinesans atteinte neurologique: DOXYCYCLINE 200mg/j –14j (syphilis récente) ou 28 jours (syphilis tardive)
Chez la femme enceinte, il n’y a aucune alternative : Pénicilline G après désensibilisation
Si atteinte neurologique : PL + examen OPH (+/- ORL selon clinique)
PENICILLINE G IV 20 MUI (5MUI X 4) / jour – 15 jours
Dépister et TraiterSYSTÉMATIQUEMENTle(S) partenaire(S) de moins de 6 semaines
Surveillance : VDRL/RPR quantitatif uniquementdans le même laboratoire (lecture subjective) : à 3 mois, 6 mois, un an puis tous les ans jusqu’à négativation.
VDRL/RPR divisépar 4 (2 dilutions) à3-6 mois.
Négativation à :
- à un an pour les syphilis primaires,
- àdeux ans pour les syphilis secondaires
- rarement obtenue pour les syphilis tardives même correctement traitées.
Avenir : PCR sur lésions cliniques etLCR
3- LYMPHOGRANULOMATOSE VENERIENNE (LGV) ou Maladie de Nicolas et Favre (Chlamydia trachomatis sérovars L1 L2 L2a L3)
Actuellement il s’agit essentiellement de rectites touchant les HSH. Il existe aussi des rectites à Chlamydia non LGV moins symptomatiques (sérotypes D à K)
Diagnostic :
PCR chlamydia anale par auto-prélèvement
+/- sérologie Chlamydia très positive (indication de la sérologie chlamydia réservée aux infections profondes)
Traitement :
DOXYCYCLINE 100 mg x 2/j 21 jours
Ou ERYTHROMYCINE 500mg x 4/j 21 jours
Dépister et traiterle(s) partenaire(s) des 2 mois qui précèdent
Surveillance : Contrôle PCR > 4 semaines après traitement
4- GONOCOCCIE non compliquée (Nesseiria gonorrheae) : urétrite, épididymite, cervicite, anorectite, atteinte pharyngée
Diagnostic
PCR duplex (Chlamydia-gonocoque) pour le dépistage
- 1er jet d’urines chez l’homme
- autoprélèvement vaginal,
- autoprélèvement anal si rapports anaux
- prélèvement pharyngé
et Examen direct + culture avec ANTIBIOGRAMME en cas d’écoulement
Traitement
CEFTRIAXONE 500mg IM ou IV DU (toujours associé au traitement anti-Chlamydia en traitement probabiliste)
Si allergie : sur données de l’antibiogramme
- AZITHROMYCINE haute dose unique de 2gr (mais mauvaise tolérance et risque de résistance)
- GENTAMYCINE 240gr IM (mais mauvaise diffusion pharyngée)
- CIPROFLOXACINE 500mg PO (mauvaise diffusion pharyngée, risque de résistance)
➢ référer à un centre spécialisé
Dépister et traitersystématiquement le/la/les partenaire(s) récent(s)
5- CHLAMYDIA non compliqué (Chlamydia trachomatis sérovar D à K): urétrite, épididymite, cervicite, atteinte pharyngée
Diagnostic :
PCR - 1er jet d’urines chez l’homme,
- autoprélèvement vaginal,
- autoprélèvement anal si rapports anaux
- prélèvement pharyngé
Traitement
Urétrite, cervicite, atteinte pharyngée : DOXYCYCLINE 200 mg X 2/j , 7j
en 1er choix
AZITHROMYCINE 1g p os DU
si doute sur l’observance
Epididymite : DOXYCYCLINE 100 mg X 2/j , 10j
Anorectite non LGV DOCYCYCLINE 100 mgX2/j, 7j
(Ou AZITHROMYCINE 1g P os DU si doute sur l’observance)
Dépister et traiter systématiquement le/la/les partenaire(s) récent(s)
Contrôlepar PCR > 1 mois après le traitement
II - Approche syndromique = (faire) réaliser les prélèvements et traiter sans attendre les résultats
1 -CAT face à une ulcération génitale
Herpès culture (si doute diagnostic)
Syphilis TPHA ou ELISA + VDRL ou RPR
VIH Sérologie VIH, PCR VIH (sisigne de primoinfection récente)
Chlamydia PCR locale
Chancre mou ? Donovanose? LGV ?… > contexte tropical
Traiter par :
Benzathine benzylpenicillin 2,4 MUI devant toute ulcération génitale++
Valaciclovir = ZELITREX 500MG X 2 /j pendant 5 j (récurrence) ou 10 j (primoinfection) si diagnostic évocateur d'une lésion herpétique
2 - CAT face à une urétrite :
Chlamydia trachomatis+++
Nesseiria gonorrheae++
Puis en seconde intention :Mycoplasma genitalium , Trichomonas vaginalis
PCR duplex Chlamydia/gonocoque+ Culturegonocoque
Traitement de première intention :
CEFTRIAXONE 500mg IM/IV + DOXYCYCLINE 200mg/j 7j
(ou AZITHROMYCINE 1g si doute sur l’observance)
car on traite toujours simultanément gonocoque etchlamydia
Si échec, après avoir éliminé une nouvelle contamination :
AZITHROMYCINE : J1,500mg, J2 à J4 , 250mg /j (pour Mycoplasma genitalium) + METRONIDAZOLE 2G DU (pour Trichomonas vaginalis)
Surveillance : contrôle clinique à J7, attendre > 6 semaines après traitement pour la PCR de contrôle
Rq : devant l’augmentation spectaculaire des résistances AB à Mycoplasma genitalium ,
> le traitement est réservé aux infections symptomatiques à Mycoplasma genitalium symptomatiques
3. – CAT face à une cervicovaginite:
Suspecter les mêmes agents que pour les urétrites :
- même traitement,
- +/- associer des ovules imidazolés pour éviter le développement d’une candidose sous traitement (si patiente prédisposée)
- les prélèvements de routine PCR se feront par auto-prélèvement vaginal pour Chlamydia trachomatis et Nesseiria gonorrheae (plus sensible que prélèvement d’urines).
- Mais s’il y a un doute pour une gonococcie, (faire) réaliser un prélèvement de l’endocol (frottis et culture gono)
Les vulvovaginites ne sont généralement PAS des IST, mais en lien avec un déséquilibre de la flore vaginale :
- candidose (Candida albicans)
- vaginose bactérienne (anaérobies, Gardenerella vaginalis…)
4 – CAT à une orchiépididymite
Si suspicion d’ IST forte et/ou si < 35 ans
DOXYCYCLINE 100mg x 2/j , 10 j + CEFTRIAXONE 500MG IM OU IV
5 - CAT face à une anorectite
Chlamydia > PCR anus, (+urines, gorge +/- sérologie)
Herpès > culture (PCR non encore remboursée)
Syphilis > Elisa/TPHA + VDRL/RPR
Gonocoque > PCR (+ examen direct + culture si écoulement)
Condylomes > examen proctologique
VIH > sérologie (PCR si suspicion de primoinfection)
Giardia > parasito selles (méthode de Baerman)
Salmonelle, shighelle > copro selles
Traiter :
si ulcération : Syphilis++++ devant toute ulcération (+/-herpès si notion de récurrence)
si pas d’ulcération : LGV et gonocoque
III - Dans tous les cas devant une IST ou suspicion d’IST
- Dépister « sous la forme d’un package »: sérologies VIH, syphilis, hépatite B (sauf si déjàvacciné/immunisé avant les prises de risques), hépatite C, PCR Chlamydia urines ou auto-prélèvement vaginal / anal / pharyngé, rechercher condylomes à l‘examenanogénital et buccal, FCV…
- Dépister et traiter le/la/lespartenaires récents
- Contrôles sérologiques et PCR locales (si positives initialement), 6 semaines après le risque. Attention au phase de séroconversion !
- Vaccinations préventives (hépatites B, A, HPV). Pour la vaccination HPV, tenir compte de l’élargissement des indications prises en charge par la sécurité sociale chez les hommes de moins de 26 ans HSH
Le dépistage: un acte simple et efficace qui s’inscrit dans le domaine de la santé sexuelle !