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Le suivi après chirurgie bariatrique

Chirurgie bariatrique de l’Adulte

L’accompagnement du Médecin Généraliste à court et moyen terme sur la plan organique et psychologique.

 

Docteur Antoine LAMBLIN

Chirurgie Générale, Viscérale et Digestive

Chirurgie Bariatrique.

69 rue de La Louvière.

59800 LILLE

Tel : 03 20 06 42 31

Mail : antoine-lamblin@nord-chirurgie.com

 

1.  Introduction : 

L’obésité n’est pas un état mais une Maladie Chronique. Elle a pour définition un  « excès de masse grasse ayant des conséquences néfastes pour la santé » et est définie par un indice de masse corporelle supérieur à 30 kg/m2.


Tableau 1 : Score d’Indice de Masse Corporelle

 

La dernière grande étude de prévalence de l’Obésité remonte à 2012 avec l’enquête nationale sur l’Obésité et le Surpoids, ObEpi20121. En 2012, c’était 15% de la population Française qui présentait une obésité soit près de 7 millions d’habitants et 32,3% un surpoids (Tableau 2) {1}.

Cette étude rapportait également une prévalence de l’obésité qui augmente régulièrement depuis des années avec possiblement une stagnation ces dernières années. Elle est plus fréquente chez la femme et dans les niveaux socio-économiques plus faibles et augmente avec l’âge. Il existe également un gradient Nord – Sud avec le Nord Pas de Calais qui détient le triste record de 21,3% d’Obésité de sa population.


Tableau 2 : Répartition des Niveau d’IMC en 2012, ObEpi, 2012 {1}.

 

Ces conséquences néfastes dues à l’obésité sont responsables d’une diminution de l’espérance de vie au long cours et donc comme toute maladie chronique, l’Obésité doit être soignée. 

Une prise en charge nutritionnelle permet à l’échelle de la population d’enrayer la prise de poids, ce qui est déjà une première victoire mais ne permet pas d’obtenir un amaigrissement suffisant sur le plan médical. 

Le concept du traitement chirurgical de l’obésité est né il y a plus de 60 ans en Suède avec les premières résections intestinales à visée malabsorptive avec initialement une perception d’un traitement agressif et exclusivement symptomatique. Depuis avec le raffinement des techniques successives et l’avènement de la coelioscopie, la chirurgie bariatrique s’est affirmée comme la seule prise en charge permettant une perte de poids importante et durable, et une diminution de la mortalité des obèses sévères. 

Mais elle n’est en aucun cas, une solution miracle grevée de succès systématique. Elle doit être considérée comme une aide, temporaire à la perte de poids et doit donc s’accompagner d’une modification du comportement alimentaire pour pérenniser les résultats.

Après avoir défini les indications, les interventions, leurs complications et les résultats, nous nous focaliserons sur la place du Médecin généraliste aux différents stades de la prise en charge. 

2.  Les indications et prise en charge pré-opératoire.

La pratique de la chirurgie bariatrique doit impérativement respecter les recommandations en vigueur concernant ses indications et ses contre-indications. 

En France, ces recommandations ont été définies par l’Haute Autorité de Santé en 2009 {2}et la chirurgie est encore aujourd’hui sous entente préalable des caisses de Sécurité Sociale.

La chirurgie bariatrique est indiquée par décision collégiale, prise après discussion et concertation pluridisciplinaire chez des patients adultes réunissant l’ensemble des conditions suivantes : 

·     Patient avec un IMC supérieur ou égal à 40 kg/m2 ou bien un IMC supérieur ou égal à 35 kg/m2 associé à au moins une comorbidité susceptible d’être améliorée après la chirurgie :           

o   Maladies cardio-vasculaires dont HTA

o   Syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil et autres troubles respiratoires sévères,

o   Désordres métaboliques sévères, en particulier diabète de type 2,

o   Maladies ostéo-articulaires invalidantes

o   Stéatohépatite non alcoolique.

·     En deuxième intention après échec d’un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychothérapeutique bien conduit pendant 6 -12 mois ;

·     En l’absence de perte de poids suffisant ou en l’absence de maintien de la perte de poids ;

·     Patient bien informé au préalable, ayant bénéficié d’une évaluation et d’une prise en charge préopératoires pluridisciplinaires ;

·     Patient ayant compris et accepté la nécessité d’un suivi médical et chirurgical à long terme ;

·     Risque opératoire acceptable. 

 

L’élément le plus important est donc la prise en charge pré-opératoire. Elle doit être d’une durée de 6 à 12 mois selon les recommandations de l’HAS et nécessite une équipe pluridisciplinaire avec :

·     un chirurgien

·     un anesthésiste

·     un nutritionniste

·     un psychologue / psychiatre

·     des diététiciennes,

·     un éducateur sportif.

 

Elle permet de vérifier l’adhésion à un cadre de suivi, avec le maintien de changement de comportementaux simples. Un patient incapable de changer avant, a peu de chance de changer après la chirurgie. Elle permet de rechercher et prendre en charge les troubles psychologiques,  les comorbidités, et de corriger d’éventuels déficits vitaminiques.

3.  Les interventions 

Quatre interventions sont actuellement pratiquées et reconnues en France reposant sur trois principes simples et éventuellement combinés{3}. Ces principes induits par une modification de l’anatomie digestive sont : 

·     la restriction alimentaire, 

·     la malabsorption intestinale, et

·     la modification des signaux hormonaux ou neurologiques régissant la satiété et le métabolisme.

a.   L’anneau gastrique ou cerclage gastrique.

Le principe de l’anneau gastrique repose sur la confection d’un premier compartiment gastrique de 15 ml aux dépens du fundus(segment supérieur de l’estomac) limité par un bandage circulaire réalisé à l’aide d’un anneau de silicone rempli de sérum physiologique. L’anneau étant connecté à un cathéter relié à un réservoir accessible par ponction percutanée, il est possible de faire varier le diamètre de la filière gastrique responsable de la restriction alimentaire du patient {3}.

Le ralentissement du bol alimentaire est ajusté au mieux pour limiter la sensation de faim par remplissage complet de la poche gastrique et une satiété précoce mais aussi pour prévenir les vomissements. Le cerclage gastrique est la seule technique chirurgicale ne comportant ni agrafage ni anastomose digestive. Elle est donc associée à une morbi-mortalité postopératoire plus faible. 

Il s’agit aussi d’une technique complètement réversible et l’ablation de l’anneau ne laisse quasiment aucune séquelle même s’il expose à une reprise de poids quasi systématique. 

L’intervention est aujourd’hui menée le plus souvent en ambulatoire. 


Figure 1 : Anneau Gastrique ajustable.

 

b.  La Sleeve gastrectomy.

Egalement appelée Gastrectomie longitudinale ou Gastrectomie en manchon, la Sleeve Gastrectomie (SG) consiste en une gastrectomie partielle le long de la petite courbure sans interrompre la continuité digestive, préservant le plus souvent l’intégralité de l’antre. Le manchon ainsi réalisé est calibré par un tube dont le diamètre varie de 50 à 36 french {3}.

Elle était initialement prévue comme le premier temps d’une stratégie nécessitant une première perte de poids afin de préparer des interventions plus complexes chez des patients super-obèses ou présentant d’importantes comorbidités. Elle est devenue depuis quelques années, une intervention indépendante qui est aujourd’hui la plus réalisée en France. 


Figure 2 : Sleeve gastrectomy

 

 

c.   Le gastric By Pass.

Le Gastric By Pass (GBP) dit en Y, dont la traduction Française est le Court Circuit Gastrique, associe une restriction gastrique à une malabsorption induite par le court-circuit d’une portion d’environ 150 cm d’intestin grêle. Il est créé le long de la petite courbure une petite poche gastrique d’environ 30 ml par section. L’estomac restant est abandonné, borgne dans la cavité péritonéale. L’anastomose gastro-jéjunale est effectuée sur une anse montée en Y (anse alimentaire ou anse de Roux) dont la longueur qui peut être adaptée au poids du patient, conditionne le niveau de malabsorption {3}. Dans le GBP, il n’y a pas de résection digestive au sens propre du terme mais le circuit de l’alimentation est modifié.


Une variante au GBP est aujourd’hui régulièrement effectuée. Il s’agit du GBP en Oméga ou Mini-by pass où une seule anastomose est effectuée. Cette intervention n’est pas à ce jour recommandée par l’HAS mais régulièrement faite en France avec une prévalence difficile à connaître étant donnée que cette intervention a le même codage CCAM que le GBP classique dit en Y. Dans cette variante, le risque de reflux biliaire est majeur avec un risque également de dénutrition. 

 

d.  La duodénal Switch.

Le duodénal Switch ou dérivation bilio-pancréatique (DBP) débute comme une gastrectomie en manchon, le duodénum est ensuite sectionné 5 cm en aval du pylore. Le segment proximal est anastomosé aux derniers 2,5 m d’intestin grêle et est appelé anse alimentaire. Le segment distal, correspondant à une longue anse en Y est anastomosé à l’intestin grêle distal, 1 m avant la valvule iléocæcale pour former l’anse biliopancréatique. C’est une technique de réalisation plus difficile et moins pratiquée en raison surtout de l’importante dénutrition qu’elle entraîne.


Figure 5 : Duodénal Switch

 

4.  Les résultats

Il est nécessaire pour évaluer les résultats de différencier les attentes des patients et les résultats purement médicaux. En effet, plus que la perte de poids, les raisons médicales de cette prise en charge, sont l’amélioration des comorbidités liées à l’obésité et de la qualité de vie en privilégiant les résultats à long terme. Certes, ces résultats passent par une perte de poids et c’est surtout ce dernier élément qui intéresse le patient et est reste l’élément concret et facile à appréhender. Ces deux éléments seront donc traités séparément. 

 

a.   Perte de poids

L’objectif en terme de poids n’est pas le même chez un homme de 180 kg et chez une femme de 90 kg. Il n’est donc pas possible de fixer un objectif chiffré en kilo et le résultat s’apprécie plus facilement en pourcentage de perte de poids voir de perte d’excès de poids par rapport à un poids normal à un IMC à 25 kg/m2.

La principale étude sur le sujet est déjà ancienne mais elle reste une référence car en plus d’être prospective (non randomisée) et contrôlée, elle a été réalisée sur une longue période. Cette étude suédoise SOS a étudié les résultats d’une cohorte de plus de 4 000 patients obèses répartis en deux bras (traitement chirurgical ou traitement médical) pendant 10 ans {4}. Elle a permis de démontrer l’efficacité du traitement chirurgical sur la perte de poids permettant une diminution de 16,7 % du poids initial après 10 ans de suivi en intention de traiter, contre 1,1 % par le traitement médical.


 

Figure 6 : Résultats de l’étude SOS{3-4}.

˜ : Traitement Médical, p : Anneau Gastrique,™GBP ou BDP.

 

 

La figure 6 compare la perte de poids exprimée en pourcentage du poids initial après traitement médical, et après chirurgie restrictive pure (anneau gastrique) ou comprenant une dérivation intestinale (GBP ou BDP) {3-4}. Les résultats de la SG n’étaient pas encore connus à l’époque mais ils se situent globalement assez proches de ceux du GBP à un an, pour se dégrader légèrement plus rapidement ensuite.

Qu’elle que soit la technique opératoire, l’objectif est la perte d’au moins la moitié du surpoids à deux ans de la chirurgie, et de maintenir cette perte sur le long terme. 

 

b.  Amélioration des comorbidités et de la survie

Les résultats doivent donc également s’évaluer sur la correction des comorbidités. L’analyse des facteurs de risques cardio-vasculaires et métaboliques dans l’étude SOS a également permis de confirmer l’effet bénéfique du traitement chirurgical {3-4}. Les taux de guérison de la plupart de ces facteurs et le taux d’incidence lorsqu’ils n’étaient pas présents initialement, étaient plus favorables dans le groupe chirurgie (tableau 3) {3-5}. Le suivi à long terme a également permis d’objectiver le bénéfice en terme de survie essentiellement par la diminution des complications cardiovasculaires {3-4}


Tableau 3 : Résolution ou amélioration des principales comorbidités liées à l’obésité sévère après chaque intervention chirurgicale {3-5}.

 

L’un des résultats les plus spectaculaires concerne le diabète et plusieurs études contrôlées ont même conforté l’intérêt de la prise en charge chirurgicale des diabètes sévères même chez des patients dont l’IMC est inférieur à 35 kg/m2

De même que dans l’étude SOS, la SG n’était pas encore développée pour permettre d’intégrer les résultats mais on sait aujourd’hui, qu’en terme de résultats, il s’agit d’une intervention se rapprochant du GBP.

5.  Les complications

Les taux de complications immédiates de la chirurgie bariatrique ne sont pas plus importants que dans les autres chirurgies du même type. Ils sont même nettement plus faibles lorsqu’ils sont comparés à ceux de la chirurgie du pancréas voire du colon. Globalement, le risque de décès post-opératoire (dans les 30 jours) peut-être estimé aujourd’hui en France entre 0,1 et 1% et dépend principalement du type d’intervention, de l’expérience de l’équipe chirurgicale et des comorbidités des patients. 

La principale cause de décès reste l’infection intra-péritonéale secondaire à une perforation digestive ou à une fuite anastomotique dont le diagnostic n’a pu être effectué rapidement. D’ailleurs, la plupart des embolies pulmonaires, qui restent exceptionnelles, surviennent dans un contexte septique. 

Concernant la morbidité, chaque technique possède ses propres complications rapportées dans le tableau 4. 

La principale difficulté de ces complications reste le dépistage précoce chez des patients dont l’examen clinique est parfois modifié et d’interprétation difficile. Il est pourtant  indispensable de pouvoir les dépister au plus vite car leur évolution peut être rapidement dramatique du fait du contexte général des patients. La fistule digestive, exceptionnelle dans l’anneau gastrique, est la complication la plus fréquente dans la SG et le GBP. Son diagnostic est fait devant l’apparition d’une tachycardie, de douleurs puis d’un syndrome inflammatoire. L’hyperthermie est souvent un signe tardif. Elle nécessite un drainage soit par une reprise chirurgicale précoce soit par des gestes endoscopiques. La mise en place d’une jéjunostomie est également fortement recommandée dans ce contexte afin d’obtenir en post-opératoire une nutrition entérale satisfaisante et lutter contre la dénutrition empêchant la cicatrisation. 

 


Tableau 4 : Principales complications en fonction des différentes techniques {3}.

 

D’autres complications peuvent aussi survenir parfois très à distance de l’intervention. L’amaigrissement rapide augmente le risque de lithiase vésiculaire et les modifications anatomiques peuvent induire des perturbations métaboliques et des carences nutritionnelles. 

Enfin, l’amaigrissement majeur peut également être à l’origine de troubles psychiatriques parfois sévères qu’il est nécessaire de dépister précocement. Le suivi psychologique est donc également primordial même à distance de l’intervention.  

 

6.  Place du médecin généraliste

 

a.   Avant la prise en charge : savoir en parler.

L’obésité est une maladie chronique au même titre que l’HTA, le diabète ou la sclérose en plaque. La prise de la tension artérielle lors d’une consultation de médecine générale est régulièrement faite de même que le dosage de la glycémie. Par contre, il est plus difficile d’amener la discussion sur le problème du poids et pourtant le problème est visible dès le premier regard. 

L’obésité est une pathologie qui ne nécessite pas d’examen complémentaire pour en parler et en discuter.  Mais il s’agit encore en France d’une maladie honteuse, « un sujet toujours tabou » {6}, ressenti par les patients aussi bien dans leur milieu professionnel que personnel et au sein d’un couple {7}.

Même si le système d’assurance maladie n’est pas comparable, des études aux Etats Unis ont montré que la plupart des médecins de soins primaires et des médecins surspécialistes ne discutaient pas de la chirurgie bariatrique en tant qu'option de traitement, bien que la majorité indiquait une attitude positive à l'égard de cette chirurgie {8}.

Beaucoup de patients après s’être renseignés sur internet à l’abri des regards, viennent en consultation de chirurgie sans être adressés par un médecin, parce qu’ils n’ont pas « osé en parler » à leur médecin généraliste. 

Il est donc important de pouvoir évoquer cette pathologie avec les patients et le rôle du médecin généraliste intervient dès le début de la prise en charge permettant de faire tomber les barrières et de renouer la confiance du patient avec son médecin. 

 

b.  Avant la chirurgie et le choix de l’intervention.

Une fois le diagnostic fait, le patient peut nous être adressé. Il me semble important que le patient puisse être adressé directement au chirurgien. C’est au cours de cette première consultation que sera expliqué le principe de la chirurgie mais également l’intérêt de la préparation. Lorsque le contexte dans lequel cette chirurgie est indiquée, a été expliqué, nous adresserons le patient à notre centre de préparation, le CELIOBE (Centre Libéral de Prise en charge de l’Obésité) où la prise en charge devient, pluridisciplinaire : nutritionnelle et chirurgicale mais aussi en rapport avec toutes les comorbidités : pneumologique, cardiologique, endocrinologique…

Le médecin généraliste intervient comme coordinateur de la prise en charge avec la nécessité d’expliquer l’intérêt de la prise en charge dans les différents domaines. 

Il est difficile de pouvoir créer des liens médicaux et d’intégrer le médecin généraliste dans la prise des décisions. Selon les recommandations, il serait souhaitable que le médecin généraliste puisse être présent lors de la réunion de concertation pluridisciplinaire où il est effectué une synthèse du dossier et validé l’intervention. Mais en pratique, il est parfaitement compréhensible que le médecin traitant du patient ne puisse venir à ces réunions que ce soit lors de la prise en charge de l’obésité mais également dans d’autres spécialités telles que la cancérologie. 

Concernant le choix de l’intervention, dans notre pratique et en dehors de cas particulier, ce choix revient au patient. Nous sommes là essentiellement pour l’orienter en fonction de son comportement alimentaire et des résultats des examens.  Par exemple, pour un patient d’une quarantaine d’année, IMC 45 kg/m2, diabétique de type II, hypertendu, le choix d’un anneau gastrique est peu approprié car les chance de correction du diabète et de l’hypertension à long terme sont plus faibles. Nous l’orienterons plus facilement vers une SG voire un GBP. De même, pour une patiente de 35 ans, IMC 45 kg/m2 ayant un reflux clinique et radiologique, le choix d’une SG risque de majorer ce reflux en post-opéraroire avec un risque à long terme de transformation carcinomateuse du bas œsophage. Le choix d’un GBP sera plus approprié, afin d’augmenter les chances de supprimer le reflux et ses conséquences.

L’objectif principal est de ne recourir qu’à une seule, voire deux interventions par patient la vie durant. Mieux vaut donc une bonne intervention du premier coup que de proposer une escalade thérapeutique avec d’abord un anneau gastrique puis une SG et proposer ultérieurement un GBP en cas d’échec. 

Le rôle du médecin traitant est de ne pas orienter son patient vers l’intervention la moins agressive ou la plus facile au regard d’une mauvaise expérience et de complications chez un autre patient et il nous semble opportun que le médecin généraliste reste assez neutre quand au choix de l’intervention.

En cas de complications, quel que soit le professionnel concerné, un décès est d’autant plus dramatique dans ce contexte de sujet pouvant être jeune, souvent parent d’enfant en bas âge, dont il est gardé l’impression d’un « intervention d’ordre esthétique ». Il s’agit pourtant d’une vraie intervention ayant pour but de rétablir une espérance de vie identique à celle d’un patient du même âge avec un poids considéré comme normal. 

Beaucoup d’informations sur cette pathologie sont également véhiculées par les réseaux sociaux et internet et il me semble important de les laisser vivre mais de pouvoir les contrôler et les démystifier au besoin. 

Concernant la préparation, elle est parfois considérée pour les patients comme une contrainte, une énième perte de temps avant la chirurgie. Nombre de patients nous répondent à la première consultation qu’ils ne voient pas l’intérêt de faire cette préparation puisqu’ils sont déjà suivis depuis des années par un nutritionniste ou qu’ils ont fait de multiples régimes. Le message à leur rapporter lors des premières consultations est qu’il ne s’agit pas d’une même préparation et qu’en l’occurrence, au CELIOBE nous ne leur parlerons jamais de régime. Ce message est difficilement audible au départ mais les opinions changent au cours de la préparation et régulièrement lorsque nous revoyons les patients avant la chirurgie, ils nous disent spontanément qu’ils comprennent ce que nous leur avions dit initialement, et qu’ils se sentent maintenant prêts pour envisager la chirurgie.  

Sur le même esprit, il est plus difficile de préparer un patient sur le plan nutritionnel lorsqu’il a déjà été opéré d’une intervention et qu’il est en échec avec une reprise de poids.  La vision à tord de la chirurgie comme « solution magique » prend le dessus. 

Toute cette période de préparation est très spécialisée et nous laissons nos collègues nutritionnistes la gérer avec les psychologues et les diététiciens. Par contre, tout échange est possible au sein de l’équipe mais également avec son corps médical et paramédical de ville.  

 

c.   Prise en charge en post-opératoire à court et moyen terme. 

Les techniques chirurgicales se sont aujourd’hui extrêmement standardisées depuis des années et les durées moyennes d’hospitalisation (DMS) deviennent maintenant très courtes.

La contre partie de cette standardisation et ce raccourcissement des DMS est le fait que l’on déplace vers la ville, les problèmes postopératoires qui, avant, se déroulaient en hospitalisation. 

Le rôle du médecin généraliste est de pouvoir dépister une complication, en différenciant une simple douleur post-opératoire d’un problème sous-jacent plus important qui nécessite un avis et une prise en charge rapides.

Voici quelques règles simples qu’il faut savoir pour dépister une complication post opératoire en chirurgie de l’obésité : 

·     la douleur post-opératoire est souvent faible après chirurgie bariatrique et doit progressivement diminuer, sous réserve de la prise des antalgiques,

·     la tachycardie au-delà de 100/min est un élément très précoce de complication,  

·     les diagnostics de phlébite et embolie pulmonaire sont exceptionnels et ne doivent être évoqués qu’en dernier recours après avoir éliminé une complication du foyer opératoire,

·     les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont de très bons antalgiques mais empêchent l’organisme de lutter contre les infections, ils doivent donc être contrindiqués en post-opératoires immédiats en dehors de prise très courte et très contrôlée,

·     une douleur dorsale se majorant en post-opératoire doit faire évoquer une fistule digestive de même qu’une douleur de l’épaule, des vomissements, et/ou une tachycardie…

·     la CRP est un très bon élément biologique de surveillance d’un foyer infectieux et ne dépasse généralement pas les 50 à 100 mg/l.

 

Les prescriptions post-opératoires immédiates ont également des particularités chez ces patients opérés d’une chirurgie bariatrique. Tout d’abord, concernant les anticoagulants préventifs, il est recommandé d’effectuer une double injection d’HBPM sans dépasser les 10 000 UI par jour {8}. Les prescriptions de sortie sont donc généralement de INNOHEP 4500 x 2/j ou du LOVENOX 4000UI x 2/j. Il est utile de pouvoir prévenir les patients de cette particularité. Nombres d’infirmières et de pharmacies s’étonnent de ces prescriptions et régulièrement nous recevons des appels nous demandant de confirmer ces traitements. 

Dans les prescriptions post-opératoires, la prescription de Chélateur des sels biliaires est donc également recommandée en post-opératoire immédiat et dans les premiers mois postopératoires. En effet, l’amaigrissement rapide dans les premiers mois peut également provoquer l’apparition de calcul vésiculaire. Il est donc habituel que la prescription postopératoire comporte de l’Acide Urso Desoxycholique qui en dehors de cette indication avait presque disparu du fait de son efficacité limitée et surtout temporaire.

Les prescriptions postopératoires comportent également : 

·     des antalgiques

·     une protection gastrique par inhibiteurs de la pompe à protons qui  sont systématiquement prescrits en post-opératoires quel que soit l’intervention et pendant plusieurs mois voire au long cours lorsqu’il existe du reflux dans la SG. 

·     les supplémentations vitaminiques dont la vitamine B12 qui ne peut plus être réabsorbée par voie intestinale dans toutes les interventions en dehors de l’anneau gastrique étant donné la disparition ou l’absence de contact avec le facteur intrinsèque sécrété par l’estomac. 

Dès les premières semaines post-opératoires, les résultats sur le poids apparaissent. Il n’est pas rare de voir une perte de 10 à 15 kg dès le premier mois. Il s’en suit une période de fatigue parfois importante. Cette fatigue est surtout secondaire à la perte de la masse musculaire qui est due à l’inactivité. Il est donc important d’encourager dès le post-opératoire la reprise d’une activité physique adaptée : marche à pied, reprise des activités physiques personnelles mais également professionnelles. Il est donc nécessaire d’encourager nos patients à maintenir cette activité même devant une asthénie importante. Plus ils signalent une asthénie, plus il faut les encourager à reprendre leur activité physique. 

Une autre particularité de ces interventions particulièrement après la SG et le GBP, est l’action métabolique qui est très rapide. Dès les premiers jours post-opératoires, il peut y avoir une diminution des besoins en thérapeutiques hypoglycémiantes et des antihypertenseurs. Il est nécessaire de contrôler chez ces patients la glycémie et de réévaluer rapidement leurs traitements. 

Enfin il est important de se rappeler que ces patients opérés d’une chirurgie de l’obésité peuvent également faire une sigmoïdite, une appendicite, une cholécystite comme toutes les autres pathologies abdominales ou pelviennes. 

 

d.  Prise en charge à distance. 

De la même façon qu’un patient hypertendu effectue régulièrement un bilan cardiaque plus approfondi ou un diabétique une exploration oculaire, il est important de pouvoir suivre contrôler, surveiller régulièrement ces patients opérés d’une chirurgie bariatrique.

Tout d’abord, il est important de dépister d’éventuelles carences vitaminiques particulièrement pour les interventions malabsorptives tel que le GBP ou le DBP : fer, folates, vitamine B12. Au delà de la première année, il est recommandé un contrôle biologique annuel. 

Il est important de pouvoir effectuer un suivi nutritionnel et psychologique afin de dépister des situations déviantes ou une reprise de poids par reprise de mauvaises habitudes alimentaires. 

Il est aussi important de soutenir et accompagner les changements morphologiques avec parfois des séquelles cutanées. Une chirurgie réparatrice peut être envisagée lorsque la perte de poids s’est stabilisée, soit habituellement après une période de deux ans. 

Enfin, il est également nécessaire d’effectuer des contrôles morphologiques dépendant essentiellement du type d’intervention. Un contrôle régulier par endoscopie du bas œsophage, la vie durant semble indispensable suite à une SG devant le risque de reflux et donc de transformation carcinomateuse du bas œsophage à très long terme. Nous proposons un bilan morphologique à 1 ans, 2 ans puis 5 ans de façon systématique associant un TOGD, une échographie abdominale et une fibroscopie. Au delà de 5 ans, la fréquence de réalisation de ces examens dépend des anomalies retrouvées.

7.  Conclusion

La chirurgie bariatrique est en plein essor depuis les vingt dernières années. Elle a été responsable d’un changement de l’ensemble des habitudes dans les services de chirurgie digestive mais également aux urgences. Il s’agit de patients jeunes qui viennent spontanément et volontairement pour se faire opérer dont la prise en charge avant et après la chirurgie n’est pas la même. Elle nécessite une certaine adaptation aussi bien à l’hôpital mais également en ville afin de pouvoir la faire en tout sécurité 

8.  Références : 

1 : ObEpi 2012, Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité. Enquête INSERM / KANTAR HEALTH / ROCHE, Pr BASDEVANT.

2 : Obésité : Prise en charge chirurgicale chez l’adulte. Synthèse des recommandations de bonne pratique. HAS, Janvier 2009.

3 : Principes du traitement chirurgical de l’obésité sévère. Pr François PATTOU, Médecine des Maladies Métabolique. Octobre 2008, Vol 2, N°5.

4 : Lifestyle, diabetes, and cardiovascular risk factors 10 years after bariatric surgery. Sjostrom L, Lindroos AK, Peltonen M, et al. N Engl J Med 2004; 351: 2683-93.

5 : Bariatric surgery : a systematic review and meta- analysis. Buchwald H, Avidor Y, Braunwald E, et al. Jama 2004; 292 : 1724-37

6 : Auchy-Lés-Hesdin : Mieux comprendre l’obésité, un sujet toujours tabou. Thesse A. La Voie du Nord, 26 mars 2017.

7 : Surpoids et obésité : les kilos en trop, un sujet tabou dans le couple ? Corinne G. Feminactu, 6 juin 2018. 

7 : Reasons fo underutilizaton of bariatric surgery : The rôle of insurance benefif design. Gasoyan H. et al. Surg Obes Relat Dis 2018 Oct 13

8 : Prévention de la maladie thromboembolique veineuse postopératoire. Actualisation 2011. Texte court. Samama C.M. Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation, 2011, 30 : 947-951