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Troubles de l'oralité alimentaire chez l'enfant

TROUBLES DE L’ORALITÉ ALIMENTAIRE

Que faire quand ils mangent mal ?

Les troubles de l’alimentation constituent un motif fréquent de consultation : entre 20 et 25 % des consultations entre 0 et 3 ans selon les études.

Parmi ceux-ci, la fréquence des troubles de l’oralité alimentaire est probablement sous-estimée car peu d’études ont été publiées sur le sujet.

Deux risques en consultation de ville

- Minimiser le problème et passer à côté d’un trouble de l’oralité ;

- Surestimer la fréquence des troubles de l’oralité du fait de l’effet de « mode ». Tous les enfants ayant des difficultés alimentaires n’ont pas un trouble de l’oralité !

I. Rappels sur l’oralité et son développement

Oralité = « ensemble des fonctions dévolues à la bouche » (Abadie, 2008) :

C’est-à-dire « l’alimentation, la ventilation, le cri, l’exploration tactile et gustative, la communication et le langage »

On distingue deux oralités :

- L’oralité alimentaire qui se développe in utero puis continue à la naissance ;

- L’oralité verbale qui apparaît dès la naissance.

 

Le développement de l’oralité alimentaire est indissociable du développement de l’oralité verbale : que ce soit dans l’alimentation ou dans le langage, les mêmes organes sont impliqués.

 

Développement de l’oralité :


Le développement de l’oralité s’inscrit dans le cadre du développement psychomoteur global de l’enfant.


II. Troubles de l’oralité

A. Définition

Trouble de l’oralité (« dysoralité ») : trouble développemental des fonctions orales alimentaires.

Il peut s’agir de troubles par absence de comportement spontané d’alimentation, ou par refus d’alimentation avec pour résultante que manger n’est pas ou plus un plaisir.

Ce trouble s’accompagne de troubles sensoriels (toucher, odorat, goût, ouïe, système proprioceptif et vestibulaire) et/ou de troubles des fonctions oro-motrices (succion, praxies, malaxage, mastication…).

On note régulièrement des répercussions sur le développement psychomoteur, langagier, psycho-affectif…

 

Deux types de cas de figure :

- difficultés alimentaires souvent de façon très précoce : dès les premières mises au sein ou les premiers biberons ;

- différentes étapes alimentaires sont difficiles à passer : passage à la cuillère et passage aux morceaux.

 

Importance de la notion de trouble développemental : il s’agit d’enfants chez qui les difficultés alimentaires sont apparues au cours du développement de l’alimentation.

B. Étiologies des troubles de l’oralité

Les troubles de l’oralité peuvent avoir différentes origines et résultent le plus souvent de la rencontre de plusieurs de ces situations/facteurs de risque : l’objectif de la consultation est d’orienter vers une ou plusieurs origines afin de proposer les bilans et prise en charge adéquats.

- Causes organiques :

. Secondaires à une pathologie digestive ;

. Secondaires à une pathologie extra-digestive ;

. Malformations congénitales ;

. Anomalies acquises de la déglutition.

- Causes neurologiques :

. Encéphalopathies congénitales ;

. Encéphalopathies acquises.

- Causes psycho-comportementales :

- Causes post-traumatiques :

. Douleurs oro-digestives (RGO, oesophagite…) ;

. Sphère oro-faciale sollicitée négativement (sonde nutrition, aspiration, nausées, vomis­sements, fausses routes) ;

. Alimentation artificielle prolongée ;

. Privation d’expériences orales et sensorielles – manque de stimulation de la succion ;

. Perturbation du rythme faim-satiété ;

. Manque de dimension relationnelle et affective autour du repas.

- Causes sensorielles :

. Troubles du traitement de l’information sensorielle = difficulté à interpréter les stimuli sensoriels et à y répondre de façon adaptée.

C. Signes d’appel évocateurs de dysoralité sensorielle

- Signes pendant le repas :

. Exploration orale peu importante ;

. Introduction des premiers aliments difficile (persiste au-delà de 8 mois) ;

. L’enfant n’accepte que des textures lisses (au-delà de 16 mois) ;

. Fréquents haut-le-cœur, vomissements ;

. Réflexe nauséeux important, avancé sur la langue ;

. Répertoire alimentaire < 20 aliments (à 18 mois) ;

. L’enfant ne prend aucun plaisir à s’alimenter ;

. Temps de repas anormalement long (> 1/2 heure) ;

. L’enfant stocke la nourriture longtemps dans la bouche sans l’avaler ;

. L’enfant présente des « aversions sélectives » (aliment, texture, odeur, température…) ;

. Le repas est devenu un moment de conflit et de négociations permanentes.

- Ces signes sont à compléter par des observations en dehors des repas :

. Absence d’exploration orale chez le tout-petit (0-24 mois) ;

. Hypersensibilité/Hyposensibilité de la sphère oro-faciale ;

. Hypersensibilité des mains, des pieds ;

. Haut-le-cœur, vomissements, nausées ;

. Anomalie des praxies bucco-faciales (mimiques, articulation, langage).

 

Ces éléments ne permettent pas à eux seuls un diagnostic. Plusieurs de ces éléments peuvent se retrouver dans différents tableaux cliniques, mais incitent à demander l’avis d’un orthophoniste et un bilan orthophonique.

III. Que faire en consultation ?

A. Penser aux troubles de l’oralité :

Plusieurs situations :

- Patients consultant pour des troubles de l’alimentation ou de croissance : facile !

- Dépistage de troubles de l’alimentation chez des patients présentant une situation à risque de troubles de l’oralité : moins facile !

. ancien prématuré

. pathologie « à risque »

- Dépistage de troubles de l’alimentation chez des patients consultant pour un autre motif lors de l’interrogatoire systématique : plus difficile mais utile !

B. Préciser la plainte des parents

- Difficultés d’alimentation :

. difficultés à la prise des biberons ;

. difficultés au passage à la cuillère ;

. difficultés à la prise des morceaux ;

. repas trop longs ou absence de plaisir ;

. alimentation sélective.

- Alimentation insuffisante ;

- Difficultés de croissance et de prise de poids.

C. Reprendre l’histoire du trouble de l’alimentation

- Séjour en maternité

- Déroulement des principales étapes de l’alimentation :

. allaitement et sevrage / prise des biberons ;

. déroulement de la diversification ;

. passage aux morceaux.

- Date et mode d’apparition du trouble :

. existence d’un facteur déclenchant ;

. évolution depuis les débuts du trouble.

D. Évaluer l’alimentation actuelle

- Évaluation quantitative :

. relativement facile chez le nourrisson ;

. plus compliquée chez l’enfant plus grand : discuter dans un second temps une évaluation précise par une diététicienne.

- Évaluation qualitative plus difficile : apports en fruits et légumes (vitamine C), produits laitiers (calcium), …

- Contexte des repas.

E. Évaluer la croissance

- Prise des mesures et réalisation des courbes ;

- Calcul IMC, rapport poids/taille, PB/PC.

F. Au terme de cette évaluation

Deux diagnosics différentiels :

- Néophobie alimentaire :

. étape normale du développement de l’enfant ;

. refus de goûter et réduction du registre alimentaire chez un enfant chez qui les différentes étapes du développement de l’alimentation se sont faites normalement ;

. croissance normale.

- Petit mangeur :

. enfant mangeant globalement de tout mais en petites quantités, vomit si on force ;

. quantités variables selon les jours ;

. croissance régulière (souvent associé à maigreur constitutionnelle) ou retour au couloir génétique ;

. antécédents familiaux chez un des deux parents ;

. rassurer pour éviter l’installation d’une anorexie d’opposition.

 

Troubles de l’oralité : deux cas de figure :

- Difficultés alimentaires sans difficultés de prise de poids ;

- Difficultés alimentaires avec difficultés de prise de poids et/ou hypotrophie.

G. Que faire ensuite en cas de suspicion de troubles de l’oralité

- Adresser en consultation d’orthophonie pour bilan orthophonique ;

- Demander une consultation médicale spécialisée.

Rapidement (parallèlement au bilan orthophonique) si anomalies de la croissance ou suspicion de cause organique pour prise en charge nutritionnelle +/- examens complémentaires.

Les troubles de l’oralité étant le plus souvent multifactoriels, la prise en charge sera le plus souvent multidiscplinaire. Suite à la première évaluation, d’autres professionnels de santé pourront être amenés à intervenir (psychomotricien, ergothérapeute, kinésithérapeute, psychologue, pédo­psychiatre, …)

IV. Perspectives d’avenir

Pathologie fréquente MAIS a la mode.

Besoin d’études plus complètes concernant la fréquence et les facteurs de risque.

Besoin d’une standardisation des outils de diagnostic pour que tout le monde ait le même discours.

The Montreal Children’s Hospital Feeding scale: a brief bilingual screening tool for identifying feeding problems, Ramsay et al Paediatre Child Health Vol 16 N3 March 2011.

Importance de la prévention : quelques pistes pour développer la sensorialité avec des stimulations tactiles, olfactives et gustatives :

- Privilégiez les manipulations tactiles (alimentaires ou non), avec des textures variées (douces, rugueuses, collantes…) ;

- Impliquez l’enfant dans la réalisation du repas (lui faire sentir les aliments, les toucher…), ce qui pourrait le motiver à goûter ce qu’il a préparé ;

- Proposez des aliments ludiques (confettis en sucre, en chocolat) ;

- Proposez des jouets à mâcher, des hochets et brosses à dents de dentition pour développer l’exploration buccale ;

- Instaurez des comptines rituelles et jeux de bouche ;

- Favorisez les jeux symboliques comme la dînette où l’enfant donne à manger à sa poupée ou à l’adulte.