L'insuline chez le diabétique de type 2.
L'insuline chez le
diabétique de type 2
Dr Marc S.LEPEUT
Endocrinologie Maladies Métaboliques Nutrition
Praticien Hospitalier Chef de Service
Centre Hospitalier de Roubaix BP 359
59056 ROUBAIX CEDEX 1
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Diagnostiquer l'insulino-nécessité
Initier
l'insulinothérapie basale
Adapter les
doses
Borner le
protocole et les objectifs
Évaluer le
résultat
Transformer
en basale plus
Équiper le
patient et ses soignants
Le diabète de type 2
représente 92%des diabétiques. C'est une maladie éminemment génétique dont
l'apparition est favorisée par un
environnement d'abondance alimentaire grasse et sucrée et de sédentarité.
L'hyperglycémie
est secondaire à la perte du pic précoce de l'insulino-sécrétion lors des repas
puis petit à petit à une insulinopénie de base entraînant l'hyperglycémie à
jeun qui résulte de la production hépatique de glucose (50% du glucose
circulant). En effet l'insuline est l'hormone anabolisante qui permet au
glucose alimentaire d'être capté par le muscle (70%) , le tissu adipeux mais
aussi par le foie qui va faire des stocks et arrêter sa production.
L'importance
de la masse grasse viscérale ainsi que le manque d'activité musculaire et tout
ce qui représente un stress et une production excessive d'adrénaline, de
glucagon et de cortisol vont
entraîner une insulino-résistance, c'est-à-dire qu'il faudra plus d'insuline
pour fermer le robinet du foie et ouvrir la porte du muscle.
L'association
de cette insulinorésistance et des anomalies génétiques de la sécrétion
d'insuline puis de son épuisement progressif vont aboutir à l'apparition d'une
hyperglycémie qui lorsqu'elle est
supérieure au seuil rénal du glucose (2,20g/l chez le diabétique de type
2) va entraîner une glycosurie.
Lorsque il n'y a vraiment plus assez d'insuline, va alors s'installer un catabolisme avec une
libération d'acides aminés des muscles et d'acide gras du tissu adipeux, qui
vont abonder la néoglucogénèse et la cétogénèse ; le malade va commencer à
maigrir. L'association d'une glycosurie massive, bien supérieure à 20g/l, donc d'une perte calorique importante, entraîne un syndrome polyuro-polydypsique avec un amaigrissement et un appétit
augmenté. Ce sont les signes de l'insulinopénie.
Par
précaution, devant tout syndrome polyuro-polydypsique chez un patient que l’on
ne connait pas, si la mesure de la glycémie en capillaire est au-dessus de 2,5
g/l la mesure de la cétonémie en capillaire ou à la bandelette urinaire est
indispensable, et toujours en cas
de vomissements pour dépister une évolution vers la céto-acidose.
Des signes d'altération de
l’état général et de la conscience associés à une déshydratation intense
doivent faire rechercher un coma hyperosmolaire : hyperglycémie avec
natrémie élevée.
Le
dépistage et la prise en charge précoce du diabète sucré par l'interrogatoire
sur les antécédents familiaux, les antécédents de diabète gestationnel ou
d'infections à répétition associés à une surcharge pondérale, voir déjà à des
complications, facilite grandement le passage sous insuline à domicile car l'on
n'est pas sous la pression d'un tableau clinique et biologique inquiétant qui
pousse le malade vers les Urgences. Tant qu'un malade boit et mange l'urgence
est relative. L'enquête étiologique sur le diabète (++ si pas d'antécédents
familiaux ni de surpoids) et les raisons de son déséquilibre restent cependant
d'actualité, ce d'autant plus que le passage sous insuline lors d'une affection
surajoutée peut n'être que transitoire.
L'insulinothérapie,
quand elle devient nécessaire dans le cadre d'une aggravation progressive et
normale de la carence en insuline (on découvre un diabète en moyenne 10 ans après
son début et l'insulinothérapie est nécessaire en moyenne 10 ans après sa
découverte) va se décider sur un échec répété à atteindre les objectifs en terme d'HbA1c en fonction du
patient (recommandations des 7, 8, 9%) alors même que l'on est au maximum du
traitement non insulinique permis par la tolérance et les éventuelles
contre-indications: metformine + analogue du GLP1 ou IDPP4 + sulfamide ou glinide.
À
ce propos on se souvient que si les complications microangiopathiques sont
générées par l'hyperglycémie chronique et prolongée, les complications
macroangiopathiques se développent déjà
de façon bien antérieure dans le cadre du syndrome métabolique
(surcharge graisseuse viscérale/abdominale à insulinorésistanceà HTA, dyslipidémie, hypo fibrinolyse .…) avec maintenant, en plus,
les apnées du sommeil, la stéatose hépatique, certains cancers et leur cortège de complications, sans
parler du tabagisme et de la sédentarité, le tout enrobé dans une alimentation
grasse, sucrée et salée, peu variée, pauvre en légumes. Cette hyperglycémie
aggrave les complications macroangiopathiques et les conséquences du syndrome
métabolique aggravent les complications microangiopathiques (ex: HTA/rein et
œil). Les insulino-sécréteurs (sulfamides et glinide) et l'insuline, dès que le
niveau glycémique se rapproche de la normale, sont presque toujours générateurs d'hypoglycémies, mis en
cause dans la mort prématurée des malades fragiles sur le plan cardiaque, et de
prise de poids qui aggrave le syndrome métabolique et la macroangiopathie.
L'amélioration glycémique se fait alors au détriment du système
macro-vasculaire (et autres). Le passage à l'insuline ne doit pas être différé
trop longtemps mais il signe en général une reprise de poids progressive si le
patient est bien équilibré. C'est pour cela que l'association de l'insuline aux
médicaments qui ne donnent pas d'hypoglycémie et qui favorisent une modération
alimentaire (metformine et analogues du GLP1 et dans une moindre mesure les
inhibiteurs de la DPP4) est à discuter.
L'initiation
de l'insulinothérapie par une insuline basale, lente doit se faire à domicile,
aidée par la présence d'un IDE qui appliquera le protocole que vous lui aurez
fourni, et qui évaluera au fur et à mesure du temps et de l'éducation
thérapeutique du patient (ETP) les possibilités d'autonomisation du patient
et/ou de sa famille à prendre en charge efficacement en toute sécurité ce
traitement. Il faut si nécessaire faire appel à une structure d'ETP pour
permettre la formation, l'autonomisation du patient et son évaluation. On
débute le traitement par 0,2 UI par kg et par jour d'une insuline lente qui est
susceptible de donner la moindre prise de poids car associée à une moindre
fréquence des hypoglycémies. Le traitement final est en moyenne de 0,4 UI/kg/j
, les risques d'hypoglycémies sont donc au départ peu importants. Cette
insuline ayant pour but de normaliser la glycémie à jeun, et même si par-là
elle permet de diminuer l'ensemble
des glycémies de la journée, y compris les glycémies post prandiales, elle,
n'est pas liée à la prise des repas et peu donc être faite à n'importe quel
moment de la journée ; cependant cela n'est vrai que pour les insulines
qui couvrent bien tout le nycthémère, sinon il faut préférer l'injection du
soir (bed time). Le bed time est plus logique au début avec de petites doses
d'insuline, mais comme l'adaptation des doses se fait sur la glycémie à jeun du
matin cela nécessite aussi le passage de l'IDE le matin et l'autonomisation
rapide du patient.
Sinon l'IDE fait la glycémie et l'injection
dans la foulée, le matin avant le petit déjeuner.
La chose la plus importante à noter est que
l'adaptation des doses se faisant sur les glycémies du matin, si le patient
mange ou fait une hypoglycémie
avant la réalisation de cette glycémie à jeun il y a un risque d'incrémentation
abusive et dangereuse des doses d'insuline. Si par accident une telle situation
se produisait la glycémie ne doit pas être notée sur le relevé/carnet pour ne
pas être pris en compte dans le protocole d'augmentation des doses.
Quels sont les autres conséquences possibles de
cette mise sous insuline. L'insuline est une hormone hypoglycémiante qui réduit
de fait la diurèse osmotique liée à la glycosurie et la perte ionique qui
l'accompagne, est entraîne également, par son action propre, une rétention
hydro-sodée et un transfert intra cellulaire du potassium. Accessoirement dans
ces conditions elle augmente la voie de l'oxydation du glucose avec
consommation de phosphore et de vitamine B1 dont il faut se préoccuper activement en cas de dénutrition et/ou
l'alcoolisme chronique. La normalisation trop rapide des glycémies est
susceptible d'aggraver une rétinopathie non maîtrisée.
L'adaptation des doses d'insuline doit être
prescrite précisément avec la dose de départ, l'incrémentation et les objectifs
ainsi que la dose à ne pas dépasser et les transmissions que vous souhaitez
avec leurs fréquences
>
Une Injection d'insuline de tel type
débutée à la dose de xx unités dans la soirée sans tenir compte de l'heure du
repas (le malade mange à l'heure
qu'il veut) Tous les jours y compris dimanche et fêtes (éviter les horaires de
nuits pour éviter les contrôles de
CPAM)
>
Faire la glycémie le matin uniquement
à jeun, si trois jours successifs
la glycémie est supérieure à xx g/l augmenter la dose d'insuline du soir
de 2 unités (10%).
>
Si une glycémie à jeun est inférieure
à x g/l ou si une hypoglycémie (malaise avec sueur et fringale) survenait
réduire la dose du soir de 2 unités (10%) et ne plus l'augmenter sans mon avis.
>
Ne pas dépasser 50 unités d'insuline
lente par jour.
Si
les glycémies du matin sont trop variables, c'est que les glycémies post
prandiales de la journée sont trop variables, la solution est diététique, les
repas doivent être mieux calibrés, l'intervention d'un diététicien est
nécessaire.
Quand
la glycémie du matin s'améliore grâce à l'insuline lente, il est possible (comme le patient a encore une
insulino-sécrétion résiduelle et si le patient est sous sulfamides ou
sous glinide) , que des hypoglycémies surviennent en fin d'après-midi. Les
hypoglycémies du matin sont dues à l'insuline, celles du soir aux sulfamides.
Leur dose doit être diminuée et la dose d'insuline doit continuer à être
adaptée. L'ETP sur les hypoglycémies
est indispensable pour qu’il puisse en cas de malaise dans faire éventuellement
une glycémie capillaire et surtout se resucrer efficacement et en tenir compte
pour l’adaptation des doses et des sulfamides/glinide.
Une
fois les glycémies du matin stabilisées sans hypoglycémie, l'évaluation de
l'équilibre global de la journée pourra commencer en faisant réaliser des
glycémies capillaires supplémentaires d’abord avant le repas
de midi.
Si les
glycémies de la journée sont correctes vous attendrez deux mois pour refaire
l'HbA1c.
Si les glycémies
sont trop élevées il faudra introduire de l'insuline rapide. C'est en général
la glycémie de midi qui est la plus élevée, sauf si le malade ne petit-déjeune
pas. Cependant la glycémie du matin à naturelle tendance à augmenter. C'est
donc en général avant le petit déjeuner que l'on introduira l'analogue
rapide. La première dose d'insuline analogue rapide du
matin sera débutée avec l’équivalent
d’un quart de la dose d'insuline lente ou moins, cela n'a pas
d'importance, ce qui compte c'est l'adaptation des doses. On réduira d'autant
(¼) la dose de lente pour éviter
les hypoglycémies.
On adapte la dose de rapide du matin par
rapport aux glycémies du midi. Tous les trois jours on augmente la dose de
rapide d'une unité (ou 10%) pour atteindre l'objectif défini individuellement
et qui sera éventuellement réajusté au fur et à mesure, en fonction des
résultats obtenus.
> Si la glycémie du midi avant le repas, sans collation ni hypoglycémie intercurrente, est supérieure à 1,30 g/l 3 jours consécutifs, augmenter la dose de rapide du matin de 10 %.
>
Si une glycémie est inférieure à 0,90
sans explication (défaut d'alimentation, surcroît d'activité physique) réduire
de 10% la dose de rapide du matin et ne plus l'augmenter sans m'en parler.
>
Par précaution on continue à réduire
l'insuline lente en particulier si les glycémies du matin à jeun sont <
0,90g/l (on fixe ce seuil selon
nos objectifs qui sont un mixte entre la maîtrise de l'hyperglycémie et la
limitation des hypoglycémies) ou si surviennent dans la deuxième partie de la
nuit des hypoglycémies.
>
En cas de traitement par sulfamide il
doit être arrêté.
Quand les
glycémies du matin et du midi sont dans les objectifs, sans hypoglycémies,
évaluer votre équilibre avant le repas du soir sans goûter (+++). Introduire éventuellement
une insuline analogue rapide avant le repas de midi en commençant par ¼ de la dose de lente qui sera diminuée
d'autant...
On rappelle
que si les glycémies sont trop variables, c'est que les repas sont trop
variables, la solution est diététique, les repas doivent être plus calibrés,
l'intervention d'un diététicien est nécessaire. Attention aux lipodystrophies.
L'adaptation
des doses d'insuline lente doit se
faire essentiellement à la baisse. Augmenter une insuline lente sur la seule
glycémie du matin est en général une source d'erreurs importantes car celle-ci
est la résultante de beaucoup de facteurs bien plus que le simple manque
d'insuline lente.
Toute
hypoglycémie qui survient plus de 4 heures après une injection de rapide (en
dehors de la présence de sulfamides ou de glinide) est due à l'insuline lente,
sauf activité physique inhabituelle, la dose d'insuline lente doit alors être
immédiatement diminuée.
L'adaptation
des doses d'insuline rapide se fait à partir de trois principes simples
Si une hypoglycémie survient dans les 3 ou
4 heures qui suivent une injection d'insuline rapide et qu'aucune raison n'est
trouver, la dose d'insuline rapide du lendemain à la même heure doit être
immédiatement diminuée.
Si la
glycémie avant l'injection de rapide est trop élevée on ajoute à la dose de
base liée au repas un "+" (plus), une dose correctrice, qui sera
proportionnelle aux besoins des patients. On calcul cette correction: 1500 /
dose totale d'insuline des derniers 24 heures = XY . Ce qui se traduit par le
fait que 1 unité d'insuline fait baisser théoriquement la glycémie de 0,XY g/L
Exemple : 1500/50 = 30. Donc 1unité fera baisser la glycémie de 0,30g/L
On fixera les objectifs pour chaque patients
par exemple si l'objectif est de 1g/L on écrira pour ce cas là : si la glycémie
est > 1,30g/L on fera +1 unité , si > 1,60. +2. , si > 1,90. +3 etc....
Enfin si la
glycémie post prandiale 3 ou 4 heures après l'injection de rapide ou avant le
repas qui suit ou au coucher, est
supérieure à l'objectif plusieurs jours de suite on augmentera la base qui la
précède de la valeur du plus petit correctif fait pendant ces 3 ou 4 jours.
Exemple si le midi on fait +1 +1 +2 +3 on augmentera la dose de base du matin
de 1 unité. Si +0 +1 +2 +1 +0 +2 +3 on ne pourra pas augmenter la dose.
Dans les cas de malade capable de comprendre et
de calculer simplement les quantités et qualité de ce qu'il va manger, on fera de l'insulinothérapie
fonctionnelle: la dose d'insuline rapide de base est proportionnelle à la
quantité d'aliment consommé et en grande partie à la quantité et la qualité de
la part glucidique du repas
Exemple: 3 tartines 15 unités à 1 tartine 5
unités.
Une ETP est nécessaire pour permettre au
patient de ne pas prendre de poids voir de maigrir si il le souhaite.
Les prescriptions
Une insuline lente moderne, LEVEMIR, LANTUS,
ABASAGLAR, TOUJEO. Stylo jetable Un analogue rapide: NOVORAPID, APIDRA, HUMALOG
et HUMALOG 200 stylo jetable Aiguille de plus en plus courte quelque soit le
poids du malade 4 ou 5 mm, plus jamais de 12 mmm Un lecteur glycémique avec des
bandelettes et un autopiqueur très confortable et bien règlé pour ne provoquer
aucune douleur. Une ETP est nécessaire pour autonomiste le patient.
+ les protocoles