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Conduite à tenir devant un écoulement génital.

Conduite à tenir devant un écoulement génital

Au féminin et au masculin

 

 

Dr Isabelle Alcaraz (dermatologue) & Dr Thomas HULEUX (médecine générale)

Service Universitaire des Maladies Infectieuses et du Voyageur du Pr SENNEVILLE

Centre Hospitalier G. DRON de TOURCOING

 

 

On assiste depuis les années 2000 à une augmentation épidémique de l'ensemble des infections sexuellement transmissibles (IST). Le dépistage des différentes IST est envisagé par le clinicien dans plusieurs situations. Cette démarche de dépistage est évidente lorsque le motif de consultation est une prise de risque sexuelle ou une pathologie génitale. Mais, la plupart des IST sont souvent asymptomatiques avec des conséquences et des complications à plus ou moins long terme pouvant être graves. Le dépistage doit donc pouvoir être également effectué chez les consultants asymptomatiques dans certaines situations lors de recours aux soins en médecine générale !

 

Nous développons dans cette présentation les pathologies pouvant entraîner dans leur forme symptomatique des écoulements génitaux, urétraux ou vaginaux qu'ils soient liés ou non à une IST.  Mais il ne faut pas oublier qu'une IST pouvant faciliter et entraîner une autre, un dépistage de l'ensemble des IST devra être systématiquement proposé, sans oublier de dépister et de traiter le/la/les partenaires récents !

 

L'ensemble de ces données ont été réactualisées en 2016 et sont disponibles en ligne sur le site de la Société Française de Dermatologie: http://www.sfdermato.org/recommandations-scores-et-echelles/recommandations.html

 

 

 

 

 

LES URETRITES :

 

L’urétrite est une inflammation de l’urètre le plus souvent d’origine infectieuse et sexuellement transmissible. Les 3 microorganismes les plus fréquemment responsables d’urétrite sont : Neisseria gonorrhoeae, Chlamydia trachomatis et Mycoplasma genitalium., sachant que les urétrites mixtes représentent 10 à 50 % des urétrites. La problématique pour les urétrites gonococciques est l’évolution constante de la sensibilité du gonocoque aux antibiotiques nécessitant une actualisation régulière des recommandations thérapeutiques. Pour le Chlamydia trachomatis, le problème est tout autre, avec d’une part une fréquence élevée du portage asymptomatique et d’autre part la diffusion chez les sujets jeunes et l’association forte entre Chlamydia trachomatis et la stérilité tubaire et le risque de grossesse extra-utérine. Enfin, Mycoplasma genitalium serait impliqué dans près de 20 % des urétrites et serait plus fréquemment associé aux urétrites chroniques ou récidivantes.

 

Les urétrites gonococciques

Clinique chez l’homme

Les manifestations surviennent après une période d'incubation silencieuse et contagieuse de 2 à 7 jours. On distingue globalement trois types d’atteintes :

L'urétrite antérieure aiguë est la manifestation clinique la plus typique. Elle est responsable de brûlures mictionnelles, d'un écoulement urétral purulent, classiquement jaune verdâtre et d'une méatite inflammatoire (avec parfois une balanite). Une infection gonococcique non diagnostiquée et non traitée peut entraîner des complications locorégionales : abcédation, prostatite et épididymite

 

Diagnostic

Examen direct et culture

Les prélèvements sont effectués avant émission d'urine et sans toilette génito-urinaire avec un écouvillon de coton chez l’homme à partir de l’écoulement urétral, chez la femme à partir des sécrétions cervicales ou par écouvillonnage endo-urétral. Un prélèvement pharyngé et anal doit être systématiquement associé chez la femme et l'homosexuel masculin. L’examen direct met en évidence après coloration par le bleu de méthylène ou le Gram, des diplocoques intracellulaires Gram négatif «en grain de café». La sensibilité de cet examen par rapport à la culture est proche de 100 % chez l’homme symptomatique. La sensibilité de l’examen direct est très faible pour les prélèvements pharyngés, ano-rectaux et cervico-vaginaux.

La culture permet un antibiogramme obligatoire ainsi que la recherche de la production d’une pénicillinase pour évaluer les résistances.

Tests d’amplification des acides nucléiques (TAAN)

Ils ne sont pas encore à la nomenclature mais de plus en plus utilisés ; particulièrement intéressants chez la femme (col utérin et auto-écouvillonnage vulvo-vaginal) et dans les sites pharyngé et anal où la culture est peu sensible. La plupart des tests sont duplex NG/CT, voire triplex avec MG. Chez les sujets asymptomatiques les TAAN sont effectués sur le 1er jet d’urine chez l’homme et par auto-écouvillonnage vulvo-vaginal chez la femme. En cas de test positif une culture doit être pratiquée pour effectuer un antibiogramme.

Traitement des gonococcies uro-génitales basses

               La ceftriaxone : une injection unique IM (ou IV) de 500 mg, antibiothérapie de choix, les C3G orales devant être abandonnées du fait des résistances croissantes décrites et du manque de diffusion pharyngée !

               Un traitement anti-chlamydien doit être systématiquement associé

               Un contrôle clinique est nécessaire à J7. Un contrôle bactériologique à J7 est recommandé en cas d’échec clinique.

En cas d'allergie aux bétalactamines :

      azithromycine : 2g - dose unique ou. gentamicine : 240 mg IM dose unique ou ciprofloxacine : 500 mg per os - dose unique CONTRôLE absolument AVEC ANTIBIOGRAMME

      Le spectinomycine n'est plus disponible

      Un contrôle clinique ET bactériologique à J7 est obligatoire dans ce cas !

 

Les urétrites à Chlamydia trachomatis

Clinique chez l’homme

Chlamydia trachomatis (CT) est le principal agent des urétrites non gonococciques (entre 20 % et 50 %). L'incubation est très variable, de quelques jours à quelques mois, le plus souvent impossible à préciser. Il est le plus souvent asymptomatique et la présence de signes cliniques (gêne urétrale voire écoulement) n'est retrouvée que dans moins de 50 % des cas. Il s'agit le plus souvent d'un écoulement clair, modéré et intermittent. Du fait de son caractère souvent asymptomatique, la complication la plus fréquente des urétrites à CT est l'épididymite aiguë mais peut également être responsable de localisations extra-génitales telles que des kérato-conjonctivites ou des arthrites ou le syndrome oculo-urétro-synovial  En dehors des urétrites, CT peut être isolé dans des prélèvements pharyngés (avec ou sans pharyngite) et également sur des prélèvements anorectaux.

 

 

Diagnostic des urétrites à CT

Détection des acides nucléiques (TAAN)

Les techniques de biologie moléculaire (TAAN tests d’amplification des Acides nucléiques) et PCR se sont développées et sont actuellement les techniques de référence pour le diagnostic d’infection à CT. La plupart des techniques permettent la recherche combinée de CT et du gonocoque.

Chez l’homme ayant une urétrite, un TAAN est effectué sur l’écoulement (s'il est symptomatique) ou le premier jet urinaire au moins 1 heure après la dernière miction et sur un volume suffisant de 10 à 20 ml d’urine.

Chez la femme ayant une cervicite, le TAAN est réalisé à l’endocol associé au mieux sur les pourtours du méat urétral (si elle est symptomatique) ou par auto-prélèvement vulvo-vaginal.

Le dépistage est recommandé et peut-être pratiqué lors d’un dépistage anonyme et gratuit du VIH chez les jeunes femmes de moins de 25 ans et les hommes de moins de 30 ans.

Dans les deux sexes, un TAAN peut être pratiqué à l’anus et au pharynx.

La sérologie dans le diagnostic des infections uro-génitales basses à CT est nulle et à abandonner !

Traitement des urétrites à CT

      doxycycline per os : 100 mg x 2/jour pendant 7 jours (diminution du risque de résistance à MG et coût plus faible)

      ou azithromycine : 1 g par voie orale en dose unique (simplification et observance, grossesse)

      dépistage/traitement des partenaires récents

      contrôlé d'éradication à 6 semaines

 

 

LES LEUCORRHEES :

 

Les leucorrhées  pathologiques sont secondaires à une inflammation vaginale (vaginite), le plus souvent d'origine infectieuse et peuvent être associées à une irritation vulvaire (vulvo-vaginite). Les trois affections principales qui provoquent des leucorrhées sont : la trichomonose, IST, la vaginose bactérienne et la candidose qui ne sont pas des IST. Les cervicites gonococciques et chlamydiennes peuvent aussi s'accompagner de leucorrhées.

 

Les causes les plus fréquentes de leucorrhées ne sont pas des IST :

 

 

Vaginose bactérienne (VB)

Elle est la conséquence d'un déséquilibre de la flore vaginale avec remplacement des lactobacilles (flore de Döderlein) par des microorganismes commensaux principalement anaérobies dont la prolifération entraîne des leucorrhées malodorantes (Mobiluncus sp, Gardnerella vaginalis…)

Elles sont favorisées par les toilettes intravaginales, le nombre élevé de partenaires sexuels et l'homosexualité féminine. Le partenaire masculin est très rarement atteint (balanite)

On retient le terme de vaginose car l’atteinte est peu inflammatoire et des formes sans leucorrhées sont possibles.

Le diagnostic repose sur les critères d'Amsel (3 des 4 suivants sont nécessaires) : 1)leucorrhée homogène - 2)présence de clue cells (cellules indicatrices) - 3)pH vaginal > 4.5 - 4) odeur de poisson avarié lors du test à la potasse à 10

La VB favorise la transmission du VIH au même titre que les IST et les vaginites non

infectieuses. Au cours de la grossesse, elle est associée à la rupture prématurée des

membranes, à la prématurité et à des endométrites.

 

 

Candidose vulvo-vaginale(CVV)

Elle résulte également d'un déséquilibre de la flore vaginale avec prolifération de levures saprophytes. Elles sont très fréquentes, puisque près d’une femme sur deux est concernée par un épisode au moins une fois dans sa vie. Il s’agit dans 85 à 90% des cas de Candida albicans, moins fréquemment de C glabrata ou C:tropicalis. Le tableau est habituellement très inflammatoire : vulvite érythémateuse et prurigineuse avec des leucorrhées adhérentes blanchâtres, caillebottées qui ne sont pas malodorantes

Le diagnostic de candidose génitale est souvent posé par excès, également par les femmes elles-mêmes sur la seule existence d’un prurit, symptôme qui a une très mauvaise valeur prédictive positive. L’interrogatoire ne suffit pas et l’examen clinique est indispensable. En cas de doute, le diagnostic doit être étayé par la présence de nombreuses levures avec pseudo-filaments à l'examen direct et de nombreuses colonies en culture sur milieu de Sabouraud. Le pH vaginal est normal.

Les candidoses génitales féminines se développent le plus souvent en l’absence de pathologie intercurrente. Les facteurs favorisants sont les périodes menstruelles, la grossesse, certaines pilules contraceptives (climat progestatif dominant), une antibiothérapie orale large, tous les facteurs d’immunodépression (diabète, VIH, corticothérapie générale…). Il n’est pas justifié de traiter le partenaire masculin qui tout au plus présentera une irritation très transitoire du gland. Une candidose génitale chez un homme doit faire rechercher systématiquement une pathologie sous-jacente, en premier lieu un diabète.

Les vulvo-vaginites candidosiques (au moins 4 épisodes avec culture positive) concernent près de 10% des femmes. Il convient d’écarter devant des épisodes récidivants un autre diagnostic (vaginose, eczéma, psoriasis…), de rechercher un facteur favorisant (immunodépression…), un candida non albicans (résistance fréquente aux imidazolés et au fluconazole) en particulier chez les femmes en période post-ménopausique (sécheresse vaginale) ou sur terrain diabétique .

 

Trichomonose

Chez la femme, le développement de T. vaginalis est favorisé par le déséquilibre en œstrogènes. Il est fréquemment associé aux vaginoses bactériennes. L’incubation dure entre 4 et 28 jours. Dans 15 à 20 % des cas, l’infection est asymptomatique.

Les formes subaiguës sont les plus fréquentes et représentent 60 à 70 % des cas.

Elles donnent des tableaux de vaginite qui associent des leucorrhées, souvent des

signes d’urétrite, un prurit et sont alors inconfortables. Les leucorrhées sont plus ou

moins abondantes, parfois spumeuses. Les formes aiguës sont rares, moins de 10 % des cas. Les leucorrhées sont alors très abondantes, mousseuses et aérées, jaunâtres, blanchâtres ou verdâtres, avec une odeur de plâtre frais. Le prurit est intense associé à une dyspareunie, des troubles urinaires (cystalgies, brûlures, pollakiurie...). Une cervicite est alors possible.

Chez l’homme, l’infection est dans 90 % des cas asymptomatique. Le diagnostic est établi sur le prélèvement des leucorrhées et au cul de sac postérieur à l’urètre qui est colonisé dans presque 100 % des cas. L’examen direct à l’état frais a une sensibilité de 60 à 80 %. La culture - technique de référence  - nécessite d’attendre 3 à 7 jours (milieux de cultures spécifiques type Diamond ou Roiron).

Elle sera supplantée petit à petit par les techniques de PCR qui commencent à être commercialisées en France mais peu de laboratoires encore en disposent (spécificité

proche de 100%). Certains kits offrent une PCR combinant recherche de

Nesseiria gonorrhoeae, Chlamydia trachomatis et Trichomonas vaginalis

 

 

Gonococcie

L’infection gonococcique est le plus souvent asymptomatique (70 % des cas). Lorsqu’elle est symptomatique, elle se manifeste le plus souvent par un tableau de cervicite discrète avec un col d’aspect normal ou parfois enflammé avec du pus provenant de l’orifice cervical. Elle peut entraîner une pesanteur pelvienne, des leucorrhées purulentes volontiers associées à une urétrite (brûlures mictionnelles, dysurie, oedème et rougeur du méat).

En l’absence de traitement, l’infection gonococcique peut être responsable de complications sur le haut appareil génital avec notamment les salpingites, les stérilités tubaires, les algies pelviennes inflammatoires et les risques de grossesse extra-utérine.

 

 

 

Infection basse à Chlamydia

La cervicite est la manifestation la plus fréquente des infections génitales basses à CT et se traduit par des leucorrhées jaunes ou blanches, parfois peu différentes en aspect et quantité des pertes physiologiques, remplacées par des cystalgies, un syndrome urétral, une dyspareunie, un "spotting" ; elle est dans 50 à 90 % des cas totalement asymptomatique. Il faut signaler le risque de transmission pendant la grossesse avec la survenue de pneumopathies et de kérato-conjonctivites chez le nouveau-né.  La complication majeure est la salpingite, beaucoup plus souvent subaiguë ou chronique qu’aiguë, de diagnostic tardif avec à terme un risque de stérilité tubaire et de grossesse extra-utérine. CT est responsable de 50 % des salpingites chez les femmes jeunes et de 70 % des stérilités tubaires. Enfin, elle est aussi responsable de péri-hépatites (Fitz-Hugh-Curtis).

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Diagnostic biologique des leucorrhées:

 

- Etat frais

> test à l potasse 10%

>  pH :  (supérieur à 4.5 (trichomonose, vaginose)

>  examen direct sur prélèvement dans un cul de sac vaginal,

dilution dans une goutte de sérum physiologique, examen entre lame et lamelle :

 

- Culture

> mycologique : pseudo filaments/ candidose

> Roiron, Diamond,  trichomonas

 

- PCR chlamydia gonocoque (cf supra)

 

- Examen au spéculum du col

> Si PCR gonocoque  positive

> PV / spéculum pour culture et antibiogramme

 

- Lorsque les signes vulvaires prédominent, une dermatose vulvaire, une vulvite

caustique, mécanique ainsi qu'une candidose sont possibles.

- Lorsque le tableau est typique (c'est souvent le cas de la VB et de la candidose),

aucun prélèvement local n'est indispensable mais l'examen du col au spéculum est

nécessaire.

- Sauf circonstance particulière (grossesse et VB ...), il n'est pas utile de

traiter les femmes ayant une VB ou une candidose sans signe clinique

 

Traitement des leucorrhées:

 

Vaginose bactérienne

- Métronidazole : 500 mg x 2/jour per os pendant 7 jours

- CI : alcool

- Au cours de la grossesse, la VB peut provoquer une prématurité mais un traitement systématique n'est pas consensuel, à réserver en cas de prématurité antérieure. Le métronidazole n'est pas contre-indiqué chez la femme enceinte

 

Candidose

- Ovule ou capsule imidazolé (Gyno-pévaryl LP ,  Lomexin,  Gyno-daktarin/ 3j…)

- + crème imidazolée  2 à 4 semaines1

- Savon doux , alcalin

 

CVV confirmée:

- Ovules imidazolés LP: 1 tous les 3 j > total de 4

- + crème imidazolée 14 j

- +/ - Fluconazole: 150 (200mg)/j ,  7 j

 

Puis pour prévenir les récidives:

-1ovule + Fluconazole 150 mg à 200mg  DU

-1 fois / cycle , 3 à 6 mois

-Si très récidivante: 1 fois / semaine pendant 3 à 6 mois +/- probiotiques

 

Trichomonose

- métronidazole per os : 2g dose unique

- ou secnidazole (sachet à 2g) per os: 2g dose unique

- ou métronidazole : 500 mg x 2/jour per os pendant 7 jours

 

Chez la femme enceinte

On traite seulement si l’infection est symptomatique car il existe alors un risque

d’accouchement prématuré et de contamination du nouveau-né. On préconise

soit le métronidazole à raison d’un ovule matin et soir pendant 14 jours et en

cas d’échec du traitement local on peut prescrire du métronidazole per os en

dose unique de 2g.

 

Allaitement

Métronidazole per os dose unique 2 g, arrêt de l’allaitement 24 h

 

 

Chlamydia et gonocoque : cf supra

 

 

 

 

 

Les écoulements génitaux sont très souvent liés à des IST chez l’homme, liés ou non à des IST en cas de leucorrhées chez la femme. Malgré tout, ce motif de consultation reste un moment privilégié pour discuter sexualité, prévention et proposer un dépistage de l’ensemble des IST. Dans ce contexte épidémique, nous nous devons de proposer également ce dépistage au(x) partenaire(s) récents mais aussi chez le patient complètement asymptomatique !