L'asthénie.
L’asthénie
Introduction1
C’est la deuxième plainte (5 à 7%) après la toux en consultation de médecine générale.
Dans 25% des cas, elle ne donnera pas lieu à une deuxième consultation : l’épisode isolé correspond le plus souvent à une infection.
Dans moins de la moitié des cas, elle n’aboutira à aucun diagnostic
La rentabilité du bilan biologique est faible : anémie ou hypothyroïdie dans moins de 3% (qui sont les plus fréquents !)
Sex ratio : prédominance féminine (62%)
Eliminer ce qui n’est
pas une asthénie
La fatigue : sensation souvent agréable de lassitude physique ou psychique réversible après un effort
La fatigabilité : idem mais pour un effort moins intense qu’à l’accoutumée
L’interrogatoire2
Il permet souvent de distinguer différents groupes :
- Asthénie physique, récente, qui prédomine le soir, sans trouble du sommeil ; le discours est construit, net, sans fioriture. « J’ai envie mais je n’y arrive pas »
- Asthénie psychique : parfois très ancienne, présente dès le matin, avec troubles du sommeil (difficultés d’endormissement ou réveil précoce) ; le discours est riche, « les petits papiers », avec beaucoup de généralités. « Je n’ai pas envie »
- Ashénie sexuelle qui peut être physique ou psychique
- Asthénie réactionnelle ou trouble de l’adaptation aigu ou prolongé avec conflit professionnel, conjugal (voire violences), de voisinage… Hypersomnie non réparatrice.
La qualité du sommeil doit donc être systématiquement cherchée et peut permettre d’évoquer un syndrome d’apnée du sommeil : somnolence diurne, surpoids, ronflement, apnées nocturnes.
La quête d’une étiologie organique doit faire rechercher :
- un saignement (digestif ou gynécologique),
- des signes digestifs (diarrhées, glaires, amaigrissement…),
- des signes fonctionnels urinaires (polyurie, polydypsie),
- une fièvre,
- une infection récente (syndrome pesudo-grippal, angine…),
- des douleurs,
- des oedèmes
- des troubles du comportement (difficultés de concentration, baisse de motivation, événements stressants, troubles de l’humeur)
Enfin, faire préciser la possible consommation de toxique (alcool, cannabis…) et les médicaments consommés (iatrogènie)
L’examen clinique
Cet interrogatoire est complété par un examen clinique complet avec prise de la tension artérielle et réalisation d’une bandelette urinaire.
Ces éléments peuvent permettre d’identifier des situations nécessitant d’emblée la réalisation d’un bilan, ce sont les « red flags » ou signaux d’alarme :
- un amaigrissement
- des adénomégalies (> 2 cm), dures, indolores
- des signes de malignité potentielle (hémoptysie, dysphagie, rectorragie, nodule mammaire, métrorragies)
- des signes neurologiques focaux,
- un contexte inflammatoire (arthrite, connectivite, vascularite)
- symptômes cardio-respiratoires
- une suspicion de syndrome d’apnée du sommeil
Sinon, un bilan ne sera réalisé que si les patients ne sont pas rétablis après 4 semaines.
Néanmoins, un bilan sera réalisé parfois d’emblée soit en présence de signe clinique faisant évoquer d’emblée un diagnostic (syndrome polyuro-podypsique), ou si la présentation est atypique (patient ne consultant que très rarement, personne âgée) et c’est « l’intuition clinique » du médecin de famille qui connait bien son patient qui prévaudra !
Quel bilan
prescrire ?
De nombreuses études ont montré qu’un bilan ciblé était aussi rentable qu’un bilan exhaustif.
- systématiquement : NFS, TSHus et VS
- glycémie : si patient obèse ou si signes évocateurs (polyuro-podypsie…)
- CRP : si une infection est suspectée
- anticorps anti-gliadine : si symptomatologie digestive ou en deuxième intention
- ionogramme sanguin, urée, créatininémie : si âge > 60 ans ou si symptômes
- bilan hépatique : si âge > 60ans, consommation d’alcool ou toxicomanie
- calcémie : si constipation, vomissements, douleurs osseuses…
- ferritinémie : si femmes en âge de procréer
- sérologie EBV : si âge < 40 ans et contexte infectieux
- échelle d’évaluation de la dépression : si le contexte si prête.
Si ce bilan est normal, attendre une période d’observation et si l’asthénie persiste après 3 mois, le renouveler en le complétant (anticorps anti-gliadine).
Une asthénie persistante après 4 mois sans explication doit faire évoque un syndrome de fatigue chronique.
Le syndrome de
fatigue chronique3
Fatigue invalidante et inexpliquée évoluant depuis plus de 6 mois
Sex ratio : 4 femmes/1 homme, prévalence : 0.2 à 2.6%
Concerne majoritairement l’adulte jeune (20-40 ans)
Amélioration ou guérison en 3 à 5 ans
Anciennement : fatigue associée à un fébricule, des adénopathies, un trouble du sommeil.
Nouvelle classification (IOM) :
- fatigue > 6mois, intense, nouvelle, ne résultant pas d’un effort excessif conintu et non améliorée par le repos avec réduction substantielle ou altération du niveau des activités personnelles, professionnelles ou sociales auparavant réalisées
- malaise post-effort
- sommeil non réparateur
- 1 critère parmi : altération cognitive (trouble de l’attention, de la concentration, ralentissement moteur) ou intolérance orthostatique.
Traitement : exercice physique gradué et thérapies cognitivo-comportementales
Physiopathologie ; post infection EBV, maladie de Lyme chronique, baisse des cellules NK, sensibilité au gluten sans maladie coeliaque associée mais améliorée par le régime d’exclusion, dysfonction mitochondriale musculaire…
1 : Hamilton W, Watson J, Round A. Investigating fatigue in primary care. BMJ,2010;341:c4259
2 : Asthénie : orientation diagnostique. Pavic M, Cathebras P, Debourdeau P. in Diagnostiques difficiles en médecine interne, Maloine, 3ème édition : 111-119
3 : DeKorwin JD, Chiche L, Banovic I, Ghali A, Delliaux S et col. Le syndrome de fatigue chronique : une nouvelle maladie ? La Revue de médecine Interne,2016 ;37 :791-862
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts