Prise en charge d'un résultat de TSH anormal.
Que faire en cas d’un taux de TSH "anormal" ?
Jean-Louis
Wémeau1, Jean-François Claerbout
1 Professeur émérite, Université de Lille ll, 765 Domaine de
la Vigne, 59910 Bondues, jl-wemeau@hotmail.fr
L’hypophyse, productrice de la TSH,
est exquisément sensible au rétrocontrôle par les hormones thyroïdiennes. Les
taux de TSH sont corrélés à ceux de T4 libre (FT4) selon une courbe
exponentielle : une réduction de moitié de FT4 multiplie la concentration de
TSH par un facteur 100, son doublement la réduit au centième de sa valeur.
Cette corrélation explique pourquoi FT4 et TSH représentent le même paramètre,
au point que leur dosage conjoint est habituellement redondant. De plus, TSH
apparaît nettement plus informative que FT4 : une petite modification de
l’imprégnation par les hormones thyroïdiennes, encore inscrites dans les
valeurs normales des dosages, est déjà manifeste sous forme d’une augmentation
ou d’un abaissement de la TSH. Quatre-vingt-dix pour cent des dysfonctions
thyroïdiennes sont actuellement repérées, du seul fait de l'abaissement ou de
l'augmentation isolés de TSH.
L'utilisation exclusive du dosage de
TSH comporte toutefois des limites. L’évaluation présuppose l'intégrité
fonctionnelle hypophysaire : la TSH est normale ou légèrement accrue dans
les très rares hyperthyroïdies centrales (par adénome thyréotrope ou résistance
aux hormones thyroïdiennes), ou lors des hypothyroïdies centrales (en raison de
la réduction de l’activité biologique de l’hormone). De plus la mesure doit
être effectuée en état d’équilibre : si la TSH est accrue, sa valeur ne
peut valablement être réévaluée qu’au-delà de la 6ème semaine
après l’augmentation de la posologie d’un traitement substitutif ; à l’inverse
au décours d’un état thyrotoxique, la TSH reste basse durant des semaines ou
des mois, alors que l’hyperfonctionnement a disparu, spontanément ou sous
l’influence d’un traitement.
Ordinairement les valeurs
"normales" (c’est-à-dire usuellement observées chez les sujets
jeunes, sains, ambulatoires, indemnes d'affection aiguë ou chronique, et non
soumis à des prises médicamenteuses) sont proches de 0,4 à 4 mU/L. Cependant les
valeurs normales s’accroissent légèrement avec le poids (jusqu’à 6 ou 8 mU/L), indépendamment
de toute hypothyroïdie, et sans bénéfice de la substitution hormonale. De plus
la TSH s'élève avec l'âge, et la valeur supérieure des normes avoisine la valeur
de 7 vers 70 ans, excède 10 chez les centenaires….. Fait important, la TSH ne
constitue pas un paramètre fixe : la surveillance individuelle, tous les
mois durant un an, a montré chez les mêmes individus de significatives
fluctuations des taux de la TSH, par exemple entre 1,8 et 5,4 mU/L. Enfin la
grossesse réduit par elle-même les taux de TSH, ce qu’explique l’activité
thyréostimulante de l’HCG placentaire : chez 20% des femmes enceintes, la
TSH est isolément basse lors du premier trimestre et jusqu'au 4ème
mois ; à ce stade, une valeur de TSH supérieure à 2,5 mU/l doit sans doute
être considérée comme excessive, en faveur d’une déficience hormonale qu’il est
mieux de corriger.
Il faut garder en mémoire les
différents facteurs généraux ou médicamenteux qui peuvent rendre compte de
l'augmentation ou de l'abaissement de la TSH (tableau 1).
Tous ces éléments apparaissant
exclus ou improbables, on retiendra en faveur d’une dysfonction thyroïdienne "infraclinique" l’accroissement ou
l’abaissement isolé de TSH, lorsque cette constatation persiste à plusieurs
reprises à quelques semaines d’intervalle.
Si la TSH est accrue isolément ("hypothyroïdie subclinique"), l’auto-immunité en
constitue l’étiologie la plus fréquente. Cette origine est ordinairement confirmée
par l’accroissement du titre des anticorps antithyroperoxydase (antiTPO) :
thyroïdite auto-immune du postpartum, thyroïdite à forme atrophique notamment à
distance des accouchements ou postménopausique, en réservant le nom de
thyroïdite de Hashimoto aux seules formes hypertrophiques avec goitre. C’est
seulement en l’absence d’anticorps antiTPO que l’origine auto-immune peut être
étayée par la détection d’anticorps antithyroglobuline ou l’aspect
échographique du parenchyme (hypoéchogène, finement hétérogène, légèrement
hypervasculaire). Mais des causes iatrogènes, génétiques (en raison de
particularités du récepteur de la TSH, de troubles de l’organogénèse ou de la
biosynthèse hormonale) ou liées à l’environnement (perturbateurs endocriniens)
sont aussi à évoquer. Faut-il traiter ? Le bénéfice sur le confort de vie est
réel au-delà de 10 ou 12 mU/L, mais équivalent à celui d’un placebo en deçà. En
dessous de 10 mU/L, l’opportunité de la substitution hormonale est établie en quelques
circonstances (dont le projet de grossesse, le goitre, l’hypercholestérolémie
et le diabète sucré), et sans doute pour la prévention d’un risque cardiaque et
vasculaire chez les sujets jeunes (moins de 60 ans). Le traitement apparaît plutôt
inopportun au-delà de 70 ans (figue 1).
Si la TSH est basse isolément ("hyperthyroïdie subclinique"), la cause en est plus souvent
la présence de nodules fonctionnels, isolés ou plus souvent constitués au sein
de dystrophies plurinodulaires du parenchyme thyroïdien dont la prévalence
s’accroit avec l’âge. Les maladies de Basedow sont en effet ordinairement rapidement
évolutives, et les thyroïdites sont responsables d’états thyrotoxiques transitoires.
Le risque de troubles du rythme cardiaque, d’ostéopénie est favorisé. Si bien
qu’on convient de traiter (Iode 131, chirurgie) particulièrement les sujets à
risque cardiaque ou osseux, et lorsque la TSH est chroniquement < 0,1 mU/L.
Références
Maladies de la Thyroïde, JL Wémeau
– Elsevier Masson 2010, 189 pages
Endocrinologie, Diabète,
Métabolisme et Nutrition pour le Praticien. JL Wémeau, B Vialettes, JL
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