Urgences ophtalmologiques (glaucome, décollement de rétine, amaurose, infection …)
« URGENCES »
EN OPHTALMOLOGIE »
Les
signes d'appel des urgences
Avertissement : L'objet de cette présentation est d'apprendre à faire un tri
pertinent, à partir d'un simple examen clinique macroscopique, entre les
situations aiguës où il faut recourir à l'ophtalmologiste et celles où ce recours
n'est pas nécessaire.
Après
un rappel sur la démarche clinique à respecter, nous envisagerons l'attitude
pratique face aux principaux tableaux cliniques aigus : seront précisés
quelques points clés du diagnostic et de la prise en charge en ville et seront
résumés après chaque tableau les éléments qui doivent conduire à requérir un
avis spécialisé.
Cette
présentation est volontairement celle d'un médecin avant d'être celle d'un
ophtalmologiste. Seront laissés de coté, les renseignements fournis par le
matériel de l'ophtalmologiste.
PREAMBULE
L'urgence en ophtalmologie relève souvent d'une situation
qui inquiète le patient ; elle ne revêt pas toujours un caractère de
gravité mais oblige le médecin à donner une réponse rapide.
A l'inverse, certaines situations n'alarment pas le patient
mais le médecin au cours de son examen systématique met en évidence un symptôme
qui révèle potentiellement une pathologie grave et urgente.
Ce qui fait la spécificité de l'examen dans un cabinet
ophtalmologique, c'est l'existence de moyens d'observation performants (lampe à
fente (de plus en plus souvent appelé biomicroscope), la capacité à évaluer
l'acuité visuelle corrigée, la possibilité de mesurer la pression oculaire, et
l'accès facile à différents examens complémentaires).
Soyons clair. Dans de nombreuses situations
ophtalmologiques, l'examen clinique macroscopique ne permet pas d'aboutir à un
diagnostic de certitude.
Certains médecins, respectueux de l'adage « primum non
nocere » ont fait leur cette règle d'orienter systématiquement vers
l'ophtalmologiste tout patient qui se plaint d'un signe aigu de la sphère
oculaire.
Pourtant, même démuni des instruments de l'ophtalmologiste,
l'adoption d'une démarche clinique rigoureuse permet de ne pas recourir
systématiquement à l'ophtalmologiste.
LA DEMARCHE CLINIQUE
D'abord tenter de faire un diagnostic
cliniquement
Un bon examen clinique en ophtalmologie n'est pas
original : il repose sur un bon interrogatoire, une évaluation sensorielle
et un bon examen physique.
=> L'interrogatoire comme toujours en médecine clinique,
est la clé de voûte de nombreux diagnostics
Il requiert de la subtilité car les pièges sont
nombreux :
⁃
La description spontanée des signes perçus par le
patient est polymorphe ; elles vont du laconique à l'hyperdétaillé.
⁃
Les signes rapportés sont parfois très
imprécis et difficiles à appréhender. Ainsi en est-il des patients qui parlent
de ressentir une gêne (sans préciser si elle est d'ordre visuel ou physique).
⁃
Souvent, le patient annonce le seul symptôme
prédominant ou le symptôme qui l'inquiète. Il faut penser systématiquement à
rechercher les symptômes non énoncés spontanément mais dont la présence ou
l'absence est contributive pour le diagnostic.
⁃
Enfin, les descriptions s'accompagnent
souvent d'hypothèses étiologiques plus ou moins plausibles.
Un interrogatoire bien mené permet de passer des allégations
spontanées du patient à un relevé des
symptômes positifs ou négatifs,
qui nous oriente (ou non) vers une pathologie.
=> L'évaluation
sensorielle
Spécificité de l'examen ophtalmologique, l'analyse de la
vision se fait sur deux points:
⁃
l'appréciation de l'acuité visuelle :
les moyens cliniques permettant d'apprécier une baisse d'acuité visuelle
sont envisagés plus loin au chapitre « Face à une baisse d'acuité visuelle
aiguë »
⁃
la recherche d'un trouble du champ visuel : réalisé aux
doigts, c'est un examen très peu sensible.
⁃
Un examen du champ visuel (réalisé aux
doigts) normal n'élimine aucune pathologie (hormis la cécité).
Anormal, il traduit un déficit
majeur telle qu'on peut le voir dans une hémianopsie latérale homonyme ou un
glaucome terminal.
=> l'examen
physique
Le seul examen macroscopique fournit des renseignements
précieux. Il faut être conscient des limites de cet examen, mais la principale
erreur est de ne pas examiner, convaincu qu'on ne verra rien. Or ne rien voir est un signe. Il y a
toujours quelque chose à retirer des signes positifs ou négatifs.
L'examen physique repose
1/
essentiellement sur l'observation
a/
statique : à l’œil nu, ou sous éclairage, ou sous fluo (envisagée plus
loin)
b/
dynamique : mouvements oculomoteurs, réflexes pupillaires, mouvements palpébraux
2/accessoirement,
la palpation.
L'objet n'est pas de revoir ici tous les signes physiques de
l'examen oculaire dans le détail.
Les signes importants seront précisés dans la partie
« Attitudes pratiques face aux principaux tableaux cliniques »
Ensuite,
prendre la bonne décision...
L'interrogatoire et l'examen clinique ont pu
1/ soit permettre de faire un diagnostic : c'est
parfois le cas quand plusieurs signes sont en concordance et convergent vers un
même diagnostic.
2/ soit laisser un doute plus ou moins total sur l'origine
du problème posé par le patient : c'est souvent le cas devant un signe
isolé
Aussi, la décision se présente en général sous la forme
d'un dilemme :
⁃
« mon examen m'a permis de faire
un diagnostic facilement et je suis en mesure de proposer un traitement ».
⁃
« je ne suis pas en mesure de prendre en charge ce problème
ou je n'ai pas fait de diagnostic ; j'oriente donc mon patient vers un
ophtalmologiste »
La difficulté de la prise de décision est augmentée en
situation d'urgence supposée ou réelle, car la décision doit être prise
rapidement.
ATTITUDES PRATIQUES
=> Face une baisse d'acuité visuelle aiguë
isolée ...
Le patient décrit une chute de vision brutale. Les yeux sont
indolores et ne sont pas rouges.
La problématique et la difficulté devant une baisse d'acuité
visuelle est d'affirmer sa réalité, sa profondeur et son caractère médical.
Les deux grandes catégories de baisse d'acuité visuelle
sont :
⁃
les baisses liées à un problème de
réfraction (correction possible par des lunettes). Les mauvaises
acuités visuelles qui se corrigent avec des verres correcteurs adaptés sortent
du champ de la pathologie médicale.
⁃
les baisses d'acuité visuelle
pathologiques : troubles de transparence, troubles de
perception rétinienne, trouble de transmission neurologique.
Comment fait-on la différence ?
Si l'examen réfractif permet d'aboutir à une acuité visuelle
corrigée normale, la baisse d'acuité est d'origine optique. Dans le cas
contraire, elle nécessite la recherche d'une cause médicale.
Tous les ophtalmologistes ont appris cette sentence : «
10/10 ou un diagnostic !»
Le problème est que
l'exploration précise d'un patient qui se plaint d'une baisse d'acuité
visuelle nécessite d'avoir recours à un matériel d'exploration que seul
l'ophtalmologiste possède.
La mesure précise de l'acuité visuelle corrigée est impossible sans matériel adéquat.
Même la manière dont est perçue et exprimée une baisse
d'acuité visuelle est éminemment variable.
Un patient qui dit : « je ne vois plus rien »
arrive parfois à lire ; un autre qui annonce « je vois trouble »
ne sait même plus compter les doigts de la main. Enfin un troisième qui ne se
plaint de rien a perdu l'usage total d'un œil et c'est seulement en l'examinant
qu'on découvre la baisse d'acuité unilatérale !
Il convient donc d'être modeste et prudent pour affirmer et
évaluer une baisse d'acuité visuelle.
Quand on est pas ophtalmologiste , comment évaluer une
baisse d'acuité visuelle et soupçonner son caractère pathologique?
Quelques principes sont à connaitre.
⁃
les tests doivent se faire obligatoirement
avec les lunettes portées quand c'est le cas (mais elles ne sont pas
toujours récentes!)
⁃
il faut pratiquer l'examen un œil à
la fois en cachant alternativement un œil puis l'autre avec la main.
Quels sont les signes
de gravité à prendre en compte :
⁃
L'intensité de la baisse d'acuité
visuelle :
⁃
Comment l'évaluer ?
⁃
Le patient voit-il bouger la
main ? Sait-il compter les doigts que vous lui montrez ? Une réponse
négative à ces deux tests est le signe d'une baisse d'acuité visuelle majeure.
Si le test est positif, faire un test de loin (sur une horloge par exemple) et
un test de près (sur une revue par exemple): si l'une des deux visions est
correcte, on n'est pas face à un baisse d'acuité visuelle majeure.
⁃
Le caractère unilatéral de la baisse
d'acuité visuelle : savoir qu'une chute de vision sur un
seul œil est en général plus préoccupante (en effet la probabilité d'avoir une
pathologie grave aigue le même jour sur les deux yeux est exceptionnelle)
⁃
La prédominance de la baisse d'acuité
en vision de près :Il faut savoir qu'une chute de l'acuité
visuelle corrigée de près est en général plus révélatrice d'une pathologie
grave qu'une chute de vision de loin (ne pas savoir lire les titres d'un
journal est plus en faveur d'un problème sérieux que ne pas lire les titres sur la télé)
⁃
le caractère brutal de la chute de
vision est le critère le plus important.
⁃
c'est le patient qui décide du
caractère aigu de sa baisse de vision, qui n'est parfois que la prise de
conscience brutale d'une baisse d'acuité pas si brutale que cela : tout
ophtalmologiste vous racontera qu'il a déjà vu des patients en urgence pour une
chute d'acuité visuelle brutale qui s'est révélée être … une cataracte évoluée
!
Les causes sont multiples et parfois trompeuses. En faire le détail n'est pas l'objet
de cette présentation (occlusion artérielle rétinienne, thrombose veineuse
rétinienne ; ischémie aiguë de la tête du nerf optique, hémianopsie non
manifeste qui intéresse la macula, hémorragie vitréenne massive, trou
maculaire, hémorragie maculaire, œdème maculaire, décollement rétinien
massif,,..)
Quand faut-il requérir un avis ophtalmologique urgent
face à une baisse d'acuité visuelle aiguë ?
Peu importent les autres données de l'examen ... devant l'allégation par
le patient ou la mise en évidence d'une baisse d'acuité visuelle importante et
brutale (surtout si elle est unilatérale), mieux vaut orienter le patient vers
l'ophtalmologiste.
=> Face à des
troubles visuels inhabituels
La perception
récente et brutale de gros corps flottants mérite un contrôle ophtalmologique du
FO.Ils peuvent par exemple chez un diabétique être en rapport avec une
hémorragie du vitré.
La perception d'éclairs suivie de l'apparition de corps
flottants signe la constitution d'un décollement postérieur du vitré.
La pratique d'un examen de la périphérie rétinienne est conseillée dans les
jours qui suivent.
Le décollement rétinien se manifeste par
l'apparition d'une sensation de rideau noir progressivement croissant. Il succède parfois à une
symptomatologie de décollement postérieur du vitré. L'orientation vers un
ophtalologiste s'impose en urgence.
L'examen clinique dans le cadre d'une diplopie brutale est
difficile. Une consultation ophtalmologique est nécessaire pour faire la différence entre une
décompensation d'hétérophorie et une paralysie oculomotrice qui nécessitera la
réalisation d'un bilan étiologique.
La perception récente de sensations de déformations des
lignes (métamophopsies) indique l'existence d'un oedème
rétinien maculaire. La cause la
plus fréquente est l'existence d'une dégénérescence maculaire exsudative. Un
examen ophtalmologique en urgence s'impose.
Dans tous les cas décrits ci-dessus, votre examen clinique
sera très peu contributif.
La migraine ophtalmique peut se réduire à un seul trouble visuel dont les caractères ci-après sont
absolument caractérisques : extensif à partir de la périphérie, lumineux et scintillant et évoluant vers un scotome. C'est un
diagnostic d'interrogatoire pur. L'avis de l'ophtalmologiste n'est pas
nécessaire.
Quand
faut-il requérir un avis ophtalmologique face à un trouble visuel inhabituel ?
Une
diplopie brutale, la perception brutale de gros corps flottants,la perception
d'éclairs suivis de points noirs, la perception d'un voile noir extensif, la
perception de déformations des lignes requièrent un examen ophtalmologique.
=> Face à une
photophobie douloureuse aiguë
Un patient qui se présente en état de prostration
douloureuse, qui fuit la lumière qui n'est pas capable d'ouvrir l’œil pour se
laisser examiner (blépharospasme) a toutes les chances de poser un problème
cornéen.
Pour mener un examen macroscopique pertinent, il faut
disposer :
⁃
d'une source d'éclairage (otoscope par
exemple) et penser à observer sous différents angles, en particulier en
éclairage rasant +++, et comparer les deux yeux
⁃
d'unidoses d'anesthésiques local :
tétracaine,
⁃
d'unidoses de fluorescéine
Comment
examiner une cornée ?
On pratique une anesthésie cornéenne par une ou deux gouttes
de tétracaine. L'effet est « miraculeux » !
On peut d'abord examiner la cornée en l'éclairant sous
différentes incidences (dont un éclairage rasant).
On peut utiliser une instillation de fluorescéine en collyre
qui permettra de voir les grandes ulcérations (et seulement celles là ).
Le contexte (donc l'interrogatoire) est important :
⁃
traumatisme direct et conscient: coup
d'ongle , etc... penser à l'ulcère de cornée. S'il est vaste, il
apparaîtra après instillation de fluo et en éclairage.
⁃
pratique de la soudure et atteinte bilatérale:
coup d'arc (kératite épithéliale). Les pros connaissent cette pathologie. Les
néophytes amateurs ne pensent pas toujours à dire qu'ils ont soudé et
n'établissent pas obligatoirement le rapprochement, car les symptômes
apparaissent 6h après l'exposition
(comme pour les coups de soleil). Seul le contexte peut vous aider.
L'examen à l'oeil nu ne décèlera rien. Si vous pensez à un coup d'arc, prévenez
le patient que la douleur s'estompera en 24h. Au delà, il faut remettre en
cause le diagnostic.
⁃
Enfin si un patient manuel vous annonce
un coup d'arc sur un seul œil,
méfiez vous et pensez à une autre cause, en particulier un corps
étranger cornéen.
⁃
Enfin sachez que le coup d'arc
n'atteint pas toujours le soudeur mais parfois un voisin qui travaillait à
proximité sans protection.
⁃
travail manuel comprenant perçage ou
meulage : corps étranger cornéen. Attention, souvent la
projection a été indolore et est passé inaperçu. Les signes apparaissent
fréquemment après un intervalle libre est24 ou 48 h. Vous pouvez enlever le
corps étranger prudemment avec une pince seulement si vous être certain de
l'ôter entièrement.
⁃
port de lentilles de contact :rechercher
un abcès cornéen en éclairant la cornée: vous le verrez sous la
forme d'un point blanc. S'il s'agit d'un blessure minime, vous ne verrez rien.
⁃
pensez enfin à regarder le bord des
paupières : une paupière retournée (entropion) ou un cil
frottant peuvent être très douloureux.
⁃
en l'absence de contexte et si on ne
voit rien, il faut savoir retourner la paupière supérieure et on aura parfois
la bonne surprise de découvrir un corps étranger collé sous la paupière. Il
suffit alors de l'enlever en frottant avec l'ongle du pouce. Cela est indolore
sous tétracaine.
⁃
Ensuite il faut faire attendre le
patient en salle d'attente 10mn
que la tétracaine ait cessé son effet avant de laisser partir le patient.
Un cas particulier :
⁃
Devant un tableau de photophobie
douloureuse survenant au réveil,
il faut évoquer une kératalgie récidivante. Le diagnostic est
quasicertain si le patient questionné dans ce sens vous révèle avoir été
victime d'un ulcère de cornée quelques mois auparavant, ou mieux encore vous
dit qu'il a déjà vécu un ou plusieurs épisodes identiques. Il s'agit d'une
ulcération cornéenne qui a cicatrisé mais qui se rouvre périodiquement.
Quand faut-il requérir un avis ophtalmologique face à
une photophobie douloureuse aiguë ?
Une photophobie douloureuse aiguë relève à priori d'une atteinte
cornéenne.
Si on n'a pas identifié la cause ou si on ne peut la traiter, il faut
orienter le patient vers l'ophtalmologiste. L'examen au biomicroscope mettra en
évidence les lésions cornéennes responsables de la photophobie.
=> Face à une
hémorragie sous-conjonctivale
Elle ne pose pas de problème
diagnostique ni thérapeutique.
Même dans le cas où elle revêt un
aspect impressionnant : chémosis hémorragique, elle est bénigne.
Quand faut-il requérir un avis ophtalmologique face à
une hémorragie sous-conjonctivale ?
Une hémorragie sous-conjonctivale ne nécessite un avis ophtalmologique
que dans le cas où existe la notion d'un traumatisme.
=> Face à une
rougeur aiguë bilatérale
Les injections bilatérales aiguës sans signe fonctionnel associé sont en règle générale
bénignes.
⁃
Conjonctivites infectieuses (le
plus souvent virales) : rougeur diffuse, sensation de sable dans les yeux,
larmoiement, sécrétions surtout au réveil
pas de trouble visuel, pas de photophobie :
⁃
Conjonctivites allergiques : le
symptôme majeur est le prurit ; parfois la conjonctive est tellement
oedèmateuse dans les allergies brutales qu'on peut voir un chémosis. C'est
toujours impressionnant mais jamais grave.
Devant une rougeur aiguë brutale sans photophobie , on peut
en plus du traitement supposé de la cause sans crainte utiliser un traitement
corticoïde local de durée brève qui aura un effet spectaculaire sur les
symptômes qu'il s'agisse d'une
conjonctivite infectieuse ou d'une conjonctivite allergique.
⁃
Si le tableau est celui d'une
conjonctivite aiguë bilatérale avec photophobie en plus, il s'agit sûrement
d'une kératoconjonctivite virale
(une kératoconjonctivite aigue virale bilatérale, c'est le tableau d'un
coup d'arc sans la notion de soudure!) Le signe cornéen de la photophobie ne
permet pas que l'on prescrive un corticoïde sans examen cornéen microscopique.
Quand faut-il requérir un avis ophtalmologique face à
une rougeur oculaire aiguë des deux yeux?
Un œil rouge bilatéral aigu est en général bénin.
En cas de photophobie, il est conseillé de confier le patient à
l'ophtalmologiste pour vérifier la cornée.
=> Face à un œil rouge
aigu unilatéral...
Parfois, les signes associés macroscopiques orientent le
diagnostic :
=> une photophobie associée oriente vers une cause
cornéenne : ulcération, corps étranger cornéen ou sous palpébral frottant
sur la cornée, abcès cornéen, herpes cornéen.
=> une rougeur localisée à un secteur du globe oculaire
peut relever d'une épisclérite immunoallergique, d'un corps étranger ou d'un
abcès limbique
=> une chute d'acuité visuelle et une douleur associées
orientent vers un glaucome aigu (semi-mydriase peu réactive) ou une
iridocyclite aiguë (pupille en myosis ou irrégulière et peu réactive).
Souvent, les
signes permettant d'orienter vers un diagnostic ne sont pas visibles à l'oeil
nu.
Il ne faut pas utiliser de corticoïde localement sans
diagnostic de certitude car on peut retarder le diagnostic (corps étranger
cornéen par exemple), masquer une complication (dans une iridocyclite par
exemple), ou provoquer une aggravation (dans un herpes par exemple).
Quand faut-il requérir un avis ophtalmologique face à
une rougeur oculaire unilatérale ?
Devant un œil rouge aigu unilatéral, il faut redouter la possibilité
d'une pathologie urgente.
Si un œil rouge unilatéral s'accompagne d'une photophobie, d'une baisse
d'acuité visuelle, d'une douleur, ou encore s'il n'évolue pas
favorablement 24 ou 48 h après
institution d'un traitement symptomatique, il faut orienter le patient vers un
ophtalmologiste.
=> Face à une
douleur oculaire ou périoculaire brutale
Une douleur oculaire peut être urgente :
⁃
par son intensité :
celle-ci n'est pas toujours
synonyme de gravité (ex : la photophobie très douloureuse du coup
d'arc) mais impose de poser un diagnostic et soulager rapidement le patient.
Les douleurs trigéminales telles les algies vasculaires de la face ont la
particularité d'évoluer par crises violentes qui encadrent des périodes
d'accalmie complète.
⁃
par la pathologie que l'on redoute en
raison de ses conséquences : hypertonie oculaire aiguë,
iridocyclite aiguë
Dans ces deux situations, le recours à l'ophtalmologiste se
décide facilement.
Mais une douleur oculaire ou périoculaire peut avoir un
caractère moins intense et ne pas être accompagnée de signes spectaculaires.
Quand faut-il s'inquiéter d'une douleur orbitaire ou oculaire et considérer qu'elle est une urgence
ophtalmologique ?
Il faut s'inquiéter d'une douleur oculaire :
⁃
si elle s'accompagne d'un brouillard
visuel. Il faut demander si le patient perçoit un halo autour des
lumières ; cela indique un œdème cornéen. Un brouillard visuel douloureux
évoque une hypertonie oculaire subaiguë ( glaucome subaigu ou uvéite
hypertensive). Les hypertonies subaiguës risquent d'être négligées, alors
qu'elles font courir un grand risque au nerf optique.
⁃
si elle survient après une chirurgie de
l'oeil sur globe ouvert : elle peut être la première manifestation d'une
infection endoculaire (endophtalmie)
⁃
si elle s'accompagne d'un ptosis ou
d'une diplopie : elle peut annoncer un problème vasculaire grave telle une
dissection carotidienne : « un CBH douloureux est une dissection
carotidienne jusqu'à preuve du contraire ».
Quand faut-il requérir un avis ophtalmologique urgent?
Face à une douleur oculaire brutale, s'il existe un brouillard visuel,
après une chirurgie récente de l'oeil, si elle s'accompagne d'un ptosis ou
d'une diplopie, il faut demander un avis ophtalmologique.
=> Face à un
risque de mauvaise
occlusion
palpébrale
Certaines pathologies sont susceptibles d’entraîner une
altération oculaire, par exposition anormale de la cornée, en raison d'une
mauvaise couverture palpébrale.
La paralysie faciale
périphérique :
Le traitement consiste à protéger la cornée par
l'instillation de gels visqueux le jour et pommade protectrice la nuit.
L'exophtalmie
aiguë : elle peut être responsable du même
problème.
Tout processus
limitant l'occlusion (ex : chémosis majeur) peut également être en cause
Quand
faut-il requérir un avis ophtalmologique ?
Ce
qui fait l'urgence, c'est l'importance de l'exposition cornéenne. Il faut
orienter en urgence vers l'ophtalmologiste si une partie de la cornée reste
visible à l'occlusion ou s'il existe une gêne fonctionnelle importante ou une
rougeur oculaire associée.
=> Face à une
inflammation aiguë d'une paupière ou des annexes
Le chalazion est l'inflammation aiguë d'une glande
de meibomius dont le canal d'excrétion est bouché . La guérison spontanée est la règle. On calme l'inflammation
satellite par une pommade corticoide.
Quand le chalazion est très volumineux, l'ophtalmologiste
peut accélérer la guérison en pratiquant une incision-évacuation du chalazion.
Mais ce n'est jamais véritablement une urgence.
inciser et évacuer les chalazions volumineux pour accélérer
la guérison.
L' orgelet est un abcès d'une glande qui se
manifeste par un point blanc au niveau du bord libre. Il se traite par une
pommade antibiotique et corticoïde. Le recours à l'ophtalmologiste ne s'impose
pas en dehors parfois de la nécessité de calmer une inquiétude.
La dacryocystite aigue est un abcès du sac
lacrymal. Il existe un gonflement très douloureux avec parfois expression de
pus à la pression du sac lacrymal. Elle se traite par antibiothérapie anti
staphylococcique et incision.
Quand
faut-il requérir un avis ophtalmologique urgent?
Le
chalazion et l'orgelet ne nécessitent pas le recours systématique à
l'ophtalmologiste. La dacryocystite aiguë mérite cette orientation.
=> Face à un zona
ophtalmique
Ne comptez pas sur votre examen macroscopique pour
visualiser une atteinte cornéenne légère.
Alors, faut-il consulter systématiquement?
Si les lésions sont circonscrites à la paupière, que l'oeil
n'est pas rouge et qu'il n'existe aucune gêne fonctionnelle, ni sensorielle
l'examen ophtalmologique n'est pas indispensable.
Toutefois, même en l'absence d'atteinte oculaire initiale,
il faut toujours prévenir le patient que peuvent survenir vers le 8ème jour
alors que les lésions cutanées semblent stables, une rougeur et un trouble
visuel.
La survenue différée de ces symptômes impose absolument un contrôle
ophtalmologique à la recherche d'une uvéite zostérienne.
Quand
faut-il requérir un avis ophtalmologique urgent?
Il
faut adresser un zona ophtalmique précocement dans le cas où une
symptomatologie oculaire existe et surtout secondairement (vers le 8ème jour)
si une symptomatologie anormale se développe.
=> Face à un
traumatisme oculaire
Si l'on excepte les traumatismes absolument bénins et la
projection d'un corps étranger non métallique qu'on a pu retirer de suite, il
faut demander un avis ophtalmologique.
Il faut se méfier particulièrement des situations où le
sujet manipulait des outils qui ont pu projeter des éléments perforants de
petite taille (typiquement marteau sur burin).Le patient peut après sa plainte
initiale et un traitement local symptomatique considérer que tout est rentré
dans l'ordre. Dans les jours qui
suivent s'organise une oxydation du corps étranger sur la cornée puis un abcès
cornéen. Surtout et de façon bien plus grave, la pénétration d'un corps
étranger métallique oxydable peut détruire secondairement la rétine.
Quand
faut-il requérir un avis ophtalmologique ?
Non
seulement tout traumatisme oculaire doit faire l'objet d'un examen
ophtalmologique mais aussi toute situation ayant pu provoquer la projection
d'un copeau métallique perforant.
Conclusion :
Les situations urgentes en
ophtalmologie sont souvent redoutées en raison de la difficulté, sans matériel
adapté, de poser un diagnostic de certitude.
Pratiquer systématiquement un examen
clinique macroscopique et connaître les signes de gravité favorisent les prises
de décisions pertinentes et l'abord serein de ces situations.
Patrick Picque
Médecin ophtamologiste, Tourcoing