Apparition d'un trouble de la marche chez l'enfant.
CONDUITE à TENIR DEVANT UNE BOITERIE DE
L’ENFANT
L’apparition d’une boiterie chez l’enfant
est une situation à laquelle nous serons tous probablement confrontés lors de
notre exercice. Ce n’est qu’un signe d’appel d’une pathologie douloureuse
provoquée, plus rarement indolore, sa cause pouvant se situer à tous les étages
de la chaine motrice.
Les principales causes discutées lors de
ce colloque seront centrées autour de la hanche.
Ce symptome peut être la conséquence
d’une affection dont la gravité est très variable avec la crainte de
méconnaître une affection de pronostic sévère.
Les boiteries de hanche sont de loin les
plus fréquentes. Leur clinique est basée sur une douleur lors des tests des
amplitudes articulaires avec limitation surtout de la rotation interne et de
l’abduction. Toute gonalgie impose la recherche d’une pathologie de la
hanche !
Il est classique de raisonner en premier
lieu sur la présence de signes infectieux A TOUT ÂGE, puis de passer en revue
les causes de boiterie non traumatique et non infectieuses en fonction des tranches
d’âge de l’enfant.
Quels sont les éléments
indispensables à la démarche diagnostique ? :
Interrogatoire
et circonstances de survenue
L’examen
clinique (ne pas négliger l’examen général)
L’imagerie
La
biologie
Les
autres examens complémentaires
L’imagerie : laquelle, sa pertinence
et ses limites [1]
Biologie :
en première intention la NFS et la CRP, éventuellement fibrinogène. La
procalcitonine n’a que peu d’intérêt chez l’enfant pour les infections ostéo-articulaires.
Les
examens de seconde intention : IRM, scintigraphie.. ne seront réalisés
qu’après expertise.
Diagnostic étiologique et
argumenter la conduite à tenir et les examens à demander.
OMA :
ostéomyélite aigue
OPH :
ostéochondrite primitive de hanche
SAT :
synovite aigue transitoire
LCH :
luxation congénitale de hanche
EFS :
épiphysiolyse Fémorale Supérieure
OPG :
ostéochondrite primitive du genou
1.
Avant 3 ans :
Pathologies
infectieuses (Plus fréquentes avant trois ans, mais y penser à tout
âge !!) :
L’
arthrite bactérienne :
c’est le diagnostic qui doit être évoqué devant toute boiterie fébrile avant
tout en raison du risque immédiat de complications septiques (septicémie, choc
septique) et de dégradation rapide des structures ostéo-articulaires.
Le tableau
typique est marqué par la survenue brutale d’une douleur intense nocturne avec
impotence fonctionnelle, raideur et fièvre. La hanche n’est guère mobilisable,
on parle de douleurs « pseudo-fracturaires ».
Il est
souhaitable de disposer de clichés de la hanche pour vérifier qu’il n’y ait pas
déjà d’atteintes osseuses. En règle les clichés seront normaux mais ils
serviront de comparatif lors des contrôles réalisés ultérieurement. Afin de
faire le distingo entre arthrite et ostéomyélite, il faut réaliser une
échographie de hanche qui s’attachera à retrouver un épanchement articulaire ou
bien un décollement sous périosté.
Hospitalisation
en urgence pour ponction articulaire, hémocultures et traitement antibiotique.
L’ostéomyélite
aigue : Le tableau
clinique est superposable à celui de l’arthrite septique.
Là
encore, il faut envoyer l’enfant aux urgences pour réalisation du bilan et
traitement. Le bilan est identique à l’arthrite septique.
Dans
les formes subaiguës, plus torpides, il faut parfois aller jusqu’à a scintigraphie
pour fixer la zone anormale. Cette zone peut alors être analysée finement par
une IRM qui permettra de guider un geste de biopsie chirurgicale, l’objectif
étant d’aller prélever les germes dans le tissu osseux avant traitement
antibiotique.
2.
Entre 3-4 ans et 8-10 ans .
L’ostéomyélite aigue et
arthrite bactérienne.
La synovite aigue
transitoire ou arthrite aigue bénigne ou « rhume de hanche »
Prédominance saisonnière
(hiver, printemps, le facteur viral étant suspecté car survient souvent au décours
d’un épisode ORL mais sans preuve)
Quels sont les
éléments pouvant différencier une arthrite bactérienne d’une synovite aigue
transitoire. Le tableau clinique : seule une présentation brutale
infectieuse sévère peut simplifier le raisonnement mais dans de nombreux cas,
le tableau n’est pas franc avec hanche douloureuse en flexion abduction et rotation interne mais pas vraiment enraidie,
il y a de la fièvre mais pas très élevée… en fait, rien n’est sur. Un élément
anamnestique fréquemment retrouvé dans les SAT est la survenue brutale de la
boiterie au réveil le matin ! Cela tranche avec les autres causes de
boiterie, notamment à cet âge les ostéochondrites primitives de hanche.
L’échographie de
hanche n’est pas un examen discriminant ne montrant qu’un épanchement
articulaire. La radiographie standard précoce est souvent normale. Elle est
recommandée selon les critères de la HAS après 48 heures d’évolution
défavorable Les examens biologiques sont perturbés mais sans prouver une
infection sévère.
Toute atypie
initiale ou toute évolutivité défavorable à 48 h si initialement aucun critère
de sévérité doit obligatoirement remettre en cause le diagnostic de
« rhume de hanche » et imposer une ponction articulaire.
En pratique, la
meilleure VPP pour la SAT est obtenue si : épanchement à l’écho et radio
normale, et NFS et CRP normales. De même la VPN pour d’autres pathologies est
également optimale si ces critères sont remplis. SI la famille est connue, et
fiable, une clinique compatible avec une SAT peut permettre une simple
surveillance à la maison 48h. Si les symptômes persistent il faut revoir
l’enfant et compléter par Radio, echo et bilan bio. Si la famille n’est pas
sécurisante, nous avons l’habitude d’outrepasser les recommandations HAS et de
faire le bilan complet en première intention aux urgences.
Ne pas faire une
ponction articulaire à un enfant qui a une arthrite septique est une faute car
ce geste simple peut contribuer à sauver une fonction.
Faire une
ponction ne ramenant qu’un liquide clair à un enfant qui s’avèrera n’être
porteur que d’un rhume de hanche n’est pas une faute, elle élimine une
pathologie infectieuse. [2]
Ostéochondrite primitive de la hanche ou maladie de Legg-Perthes-Calvé
Nécrose
ischémique épiphysaire supérieure du fémur
Elle survient le
plus souvent chez le garçon (sex-ratio 5:1) entre quatre et neuf ans.
Son évolution se
fait en quatre phases : nécrose ischémique du noyau céphalique, fragmentation céphalique,
revascularisation et reconstruction, puis guérison avec remodelage. Cette
évolution est à l’origine des remaniements osseux visibles sur les
radiographies. Cette évolution s’étale sur plusieurs mois.
Y penser devant
des douleurs accompagnant une boiterie à la marche ou en fin de journée, peu intenses
mais récidivantes. Les signes cliniques et la symptomatologie peuvent être très
discrets responsables de retards diagnostiques.
L’examen clinique
retrouve une hanche limitée en abduction, en rotation interne de façon isolée.
Il n’y a pas de
signe infectieux, pas d’altération de l’état général, pas de signe
inflammatoire (biologie normale).
L’aspect
radiographique est différent selon le stade évolutif
(condensation-fragmentation-réparation-séquelles).
3. Après 10 ans.
Épiphysiolyse fémorale supérieure de hanche
C’est une urgence
(risque de nécrose définitive) : toute suspicion clinique d’épiphysiolyse
impose une décharge immédiate du membre inférieur et un transport en service
d’orthopédie pour prise en charge diagnostique et thérapeutique.
Glissement non
traumatique de la calotte épiphysaire sur la métaphyse fémorale supérieure (le
plus souvent en bas, en arrière et en dedans), c’est une urgence thérapeutique
en raison du risque de nécrose définitive de l’épiphyse.
Deux fois sur
trois, il s’agira d’un garçon en obésité et en période pubertaire mais ne pas se limiter à ce tableau.
La difficulté est
liée à des tableaux non typiques (formes chroniques progressives, profil de
patient différent), typiquement la jeune fille svelte et sportive chez qui
personne ne suspecte ce type de diagnostic qui rappelle toujours le classique
morphotype du gros garçon en retard pubertaire. De ce fait, et pour éviter le
classique retard au diagnostic qui à ce jour en France est de deux à trois mois
( !), nous retenons cet adage :
TOUTE BOITERIE ET/OU TOUTE DOULEUR DE HANCHE OU DE
GENOU CHEZ LE PREADOLESCENT OU L’ADOLESCENT EST UNE EPIPHYSIOLYSE JUSQU’A
PREUVE DU CONTRAIRE
Le diagnostic est
amené par la radiographie standard de face et surtout de profil chirurgical des
deux hanches pour objectiver le déplacement épiphysaire.
4.
Les autres causes
En
dehors des ces motifs développés ci dessus, il y a d’autres diagnostics à
évoquer
Traumatismes
Luxation
congénitale de hanche
Arthrite
rhumatismale
Tumeurs
osseuses
Maladies
neuro musculaires
Apophysites
de croissance
Causes
rares (hémopathies, chondromatose)
5.
Conclusion
Ne jamais négliger un
examen clinique complet
La hantise :
l’infection ostéo-articulaire
Les urgences :
l’infection bactérienne, l’épiphysiolyse.
Se méfier de douleurs
atypiques, de douleurs nocturnes.
Diagnostic d’une boiterie
en urgence :
Si fièvre :
-
Infection ostéo-articulaire = urgence
-
Si doute adresser pour ponction
-
Si synovite aigue : repos 48 h et
réévaluation du diagnostic
Si absence de fièvre :
-
moins de deux ans : traumatisme, fracture
sous périoste
-
entre trois et huit ans : synovite
aigue transitoire, ostéochondrite
-
après 8 ans épiphysiolyse
Références :
[1] indications de la radiographie du
bassin - HAS
www.has-sante.fr/portail/jcms/c.../rapport-indications-de-la-radiographie-du-bassin
[2] Cadilhac,
C. « [Lameness in children: diagnostic process] ». Archives De
Pediatrie: Organe Officiel De La Societe Francaise De Pediatrie 12, no
1 (janvier 2005): 88‑95.
doi:10.1016/j.arcped.2004.02.028.