Identifier, différencier, agir sans faire d’erreur...
Docteur Jacques DEBLAUWE
Médecin du Travail
Référent juridique Pôle Santé Travail Métropole Nord
Docteur Richard SION
Pôle Santé Travail Métropole Nord
![](/ftp/2016/book/souffrance-au-travail.png)
PETIT GUIDE DANS UN LABYRINTHE MEDICO-PROFESSIONNEL
DIFFERENCIER
NE PAS FAIRE D’AMALGAME ENTRE « SOUFFRANCE AU TRAVAIL » ET « HARCELEMENT »
« Souffrance au travail » : situation d’épuisement professionnel, avec traduction clinique (« burn-out »), nécessitant une prise en charge médicale.
C’est la
conséquence d’un déséquilibre et d’un contexte pathogène. C’est le domaine du
MEDECIN.
« Harcèlement » : une
cause possible de la souffrance au travail, qui répond à des critères légaux précis, et dont la preuve est à apporter.
C’est le domaine du
JUGE
Employer le mot « harcèlement» est présumer de faits juridiques avérés :
IL NE DOIT JAMAIS ETRE EMPLOYE PAR LE MEDECIN
Le harcèlement moral : (art 223-33-2 Code Pénal) : suppose des agissements
répétés, entraînant une dégradation des conditions de travail et des conséquences sur les droits du salarié, son avenir professionnel ou sa santé.
Il peut y avoir caractérisation du harcèlement moral
en dehors de tout certificat médical attestant d’une altération de la santé du salarié. (Cour Cassation 14 janvier 2014)
Le harcèlement sexuel : (loi du 6 août 2012) : « le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers »
IDENTIFIER
- LE MOTIF DE LA CONSULTATION
- Un tableau clinique d’épuisement : fatigue, troubles du sommeil, irritabilité
- Un syndrome dépressif réel
- Une demande « claire », d’emblée, d’arrêt de travail pour échapper à la situation anxiogène
- LE PROFIL « FAVORABLE » DU PATIENT
- Patients en difficulté d’affirmation d’eux-mêmes : acceptation permanente, silence, profil de « victime »
- Patients « carriéristes » : désir de monter dans la hiérarchie, prise en charge de missions toujours plus larges, arrivant au point de déséquilibre.
- Patients en situation de frustration ou d’échec dans leur vie personnelle et qui transfèrent en milieu professionnel
- Patients motivés, fortement impliqués dans le travail, mais qui souffrent d’une absence de reconnaissance
AGIR SANS FAIRE D’ERREUR
- LE ROLE IMMEDIAT DU MG – LE CONSEIL AU PATIENT
- Le soutien médicamenteux si besoin
- L’arrêt de travail peut être utile pour « mettre à l’abri » le patient en cas de conflit aigu, de réaction phobique
- Conseiller le contact avec le médecin du travail dès que possible
- Visite à la demande du salarié, si le travail est poursuivi
- Pré-reprise à la demande du médecin traitant si le patient est en arrêt
- Envisager une aide psychologique ou une CS auprès d’un confrère psychiatre si besoin
- LES DEMARCHES EN SECURITE SOCIALE (CPAM) : L’AT ? , LA DECLARATION EN MP ?
- La déclaration en Accident de travail (AT)
- Ne sera pris en AT que s’il existe un événement factuel précis et soudain déclenchant : ex : une altercation, une prise à partie devant témoins, convocation à entretien en vue licenciement,...
- Reconnaissance rare pour cette raison .
- Reconnaissance = décision du médecin-conseil CPAM
- La déclaration en Maladie Professionnelle (MP)
- Pas de tableau de MP actuel - reconnaissance « hors tableau » par le CRRMP (Comité Régional Reconnaissance Maladies Professionnelles)
- Nécessité d’un lien essentiel et exclusif avec le travail et d’une IPP > ou = à 25%
- Donc peu de cas reconnus / nombre de déclarations.
- Intérêt pour patient : prise en charge de l’arrêt au titre AT/MP – à terme en cas de procédure juridique, élément de présomption pour l’avocat
- Inconvénient : enquête de la CPAM auprès de l’employeur, transmission à l’inspection du travail, donc complique un éventuel accord amiable ensuite
- LA COOPERATION AVEC LE MEDECIN DU TRAVAIL
- Maillon essentiel de la prise en charge
- Le médecin du travail a la connaissance d’éléments de décision et de stratégie :
- Existence d’autres cas de souffrance au travail dans l’entreprise
- Contexte managérial (organisationnel et personnel)
- Contexte économique de l’entreprise
- Possibilité d’adaptation organisationnelle, de mutation, etc..
- Connaissance des conditions d’organisation de la reprise du travail
- Possibilité de faire appel aux psychologues du travail du service de Santé au travail
- Intérêt de la coopération MG/médecin du travail sur la prise en charge et la chronologie des évènements (arrêt, reprise du travail, suivi, procédures juridiques, etc...)
- LE MAINTIEN DANS L’ENTREPRISE
- L’aménagement de poste
- A l’issue de la visite de pré-reprise, et avec l’accord du salarié, le médecin du travail peut contacter l’employeur.
- Proposition d’aménagement organisationnel ou logistique du poste, de temps de travail, de mutation, de formation, etc...
- La reprise en Temps Partiel Thérapeutique
- Après un arrêt d’au moins 4 jours (sauf affection longue durée)
- Soumis à l’accord organisationnel de l’employeur : contact du médecin du travail
- Prescription du MG sur formulaire arrêt, durée en général 2 mois.
- Organisation horaire pratique : accord employeur-salarié (aide du MT)
- LA SORTIE DE L’ENTREPRISE : impossibilité pour le salarié de retourner dans l’entreprise
- La démission
- A éviter, car perte des indemnités de licenciement et droits Pôle Emploi limités
- Si démission, le préavis peut être couvert par un arrêt maladie
- La prise d’acte de la rupture du contrat de travail
- Procédure employée par certains avocats : rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur
- Le salarié quitte le travail et porte l’affaire aux Prud’hommes.
- DECISION JUDICIAIRE : sera requalifiée par tribunaux en licenciement ou en démission...
- Attention : souvent dans ce cadre, demande de certificat médical par le salarié (ou son avocat) pour le dossier...
- La rupture conventionnelle
- Rupture amiable, pouvant être demandée par le salarié à son employeur.
- Après entretien, convention de rupture, signée par les 2 parties, et soumise à la Direction du Travail pour agrément après délai de réflexion de 15 jours
- Intérêt : indemnités licenciement perçues, pas de préavis, motif amiable, droits Pôle Emploi gardés
- Peut être un mode de sortie dans les situations qui n’ont pas atteint un trop grand degré conflictuel.
- L’inaptitude médicale et l’impossibilité de reclassement
- Inaptitude au poste de travail formulée par le médecin du travail
- Procédure légale : 2 examens séparés de 2 semaines – Etude de poste de travail- propositions de capacités médicales restantes.
- Initiée soit lors de la reprise du travail, soit en maintenant l’arrêt mais dans des conditions juridiques impératives (utilité de la visite de préreprise)
- Nécessité pour le médecin du travail d’un avis spécialisé complémentaire (psychiatre) pour l’aider dans sa décision
- L’employeur va proposer les postes de reclassement disponibles (conforme aux capacités) et le salarié aura alors la faculté d’accepter ou de refuser.
- Attention : l’employeur n’est tenu de reprendre le paiement du salaire qu’à dater du 31ème jour après la seconde visite, si la procédure n’est pas terminée.
- LES CERTIFICATS MEDICAUX : ATTENTION !
- Quand et pourquoi le patient va-t-il les demander ?
- Pour effectuer une demande de maladie professionnelle
- Pour obtenir un aménagement de poste ou une mutation en vue de le fournir à l’employeur ou au médecin du travail
- Sur les conseils de son avocat, pour :
- Appuyer une demande de prise d’acte de la rupture du contrat de travail auprès des Prud’hommes
- Déclencher une procédure en vue de reconnaissance de harcèlement moral aux Prud’hommes
- Contester a posteriori une rupture conventionnelle en invoquant un contexte de harcèlement
- Après un licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude médicale, pour contester cette absence de reclassement et évoquer le harcèlement
- Ce qu’il ne faut jamais oublier avant de le rédiger
- Le certificat sera toujours produit :
- Au CRRMP en cas de demande de maladie professionnelle
- Auprès des juges des tribunaux en cas de litige Prud’hommal
- Le médecin peut toujours attester de ce qu’il a constaté (la souffrance au travail), mais jamais de faits dont il n’a pas été témoin, ni de causes dont il n’a pas à préjuger (harcèlement, pressions, chantage...).
- Il peut évoquer ces éléments, mais avec prudence, et en faisant clairement apparaître qu’il s’agit de déclarations du patient, et non de constatations de sa part.
Docteur Jacques DEBLAUWE