Évolution du dépistage de la trisomie 21
Dr Sébastien LEPERS – LBM BIOLILLE - Lille
Le dépistage de la trisomie 21 fœtale repose sur la proposition en première intention et à toutes les femmes enceintes d’un test combinant les marqueurs sériques du 1er trimestre, le risque lié à l’âge maternel et la clarté nucale1. La mise en évidence d’un risque accru conduit à discuter l’indication de caryotype fœtal, obtenu après amniocentèse ou biopsie de trophoblaste. Pour les femmes enceintes dépistées à risque (environ 5%), la prise de décision de recourir à ce diagnostic constitue un dilemme compte tenu de la survenue possible d’une fausse couche au décours du geste (risque estimé entre 0.5 et 1 %)2-3.
Depuis environ 2 ans, quelques laboratoires, en France et dans le monde, sont capables de rechercher une trisomie 21 fœtale à partir d’une prise de sang effectuée chez la femme enceinte, sans risque pour la grossesse. La technique dite de « séquençage à haut débit » s’appuie sur la présence dans le sang maternel d’ADN fœtal spécifique de la grossesse en cours. La quantification de l’ADN circulant du chromosome 21, en excès en cas de trisomie 21 fœtale, permet d’envisager l’existence ou non d’une trisomie 21 fœtale avec une sensibilité supérieure à 98% pour un taux de faux positif n’excédant pas 2%4.
Si les performances de ce dépistage prénatal avancé non invasif (DPANI) sont aujourd’hui établies en population à risque, son impact sur le nombre de gestes invasifs (et de fausses couches) reste à préciser. D’autre part, le champ de ce test est actuellement limité à la recherche des trisomies 21, 18, et 13, dont la mise en évidence nécessite une confirmation par caryotype conventionnel5. Dans ce contexte, quel est l’impact sur les issues de grossesse de ne pas effectuer de caryotype conventionnel de façon systématique chez les femmes à risque alors que celui-ci peut conduire à la découverte d’autres anomalies de pronostic variable ? Quelle est la préférence des femmes enceintes ayant pris connaissance des avantages et inconvénients de chaque procédure ?
Dans le but de préciser la place de ce test dans l’organisation du dépistage prénatal au sein d’un modèle performant, acceptable sur le plan éthique, et pertinent d’un point de vue socio-économique, un projet de soutien aux techniques innovantes et coûteuses (STIC), l’Etude SAFE21, coordonnée par l’Hôpital Necker, est en cours, avec le concours des centres de diagnostic prénatal. L’aboutissement rapide de ce travail est essentiel pour assurer au plus vite une diffusion harmonieuse du DPANI6.
Dans l’attente des conclusions de cette étude et des recommandations officielles, la diffusion dans les médias de l’existence de ce test, bien qu’il soit onéreux et non remboursé, a créé une demande et une attente chez les patientes que le corps médical ne peut ignorer. Sur le DPANI, la qualité de l’information aux femmes enceintes par les professionnels de santé est essentielle, en particulier sur les performances, les limites, et les indications validées à ce jour. Il est ainsi exclu de proposer en première intention ce test à toutes les femmes enceintes7. L’indication principale correspond à la mise en évidence d’un risque accru au dépistage par les marqueurs sériques en l’absence de tout signe d’appel échographique. En pratique, pour toute demande de DPANI, une consultation avec un praticien ayant l’expérience du diagnostic prénatal est nécessaire. Cet entretien permet, en cas de critères d’exclusion ou de refus de rentrer dans l’étude SAFE 21, de bien poser les limites du DPANI si celui-ci est envisagé directement.
Ce test nécessite un prélèvement sur tubes spéciaux, dont la disponibilité est vérifiée à la prise de rendez-vous au laboratoire. La patiente doit se présenter munie d’une prescription médicale, d’un formulaire de consentement spécifique co-signé par le prescripteur, et de tous les documents justifiant l’indication de DPANI. Le résultat est adressé uniquement au prescripteur qui renseignera la patiente sur l’interprétation et les conséquences pour le suivi de la grossesse.
Références :
1. Journal Officiel de la République Française. Arrêté du 23 juin 2009.
2. Agence de Biomédecine, groupe de pilotage du dépistage de la trisomie 21. Dépistage combiné de la trisomie 21 au 1er trimestre de la grossesse. 2012
3. Tabor A and Alfirevic Z. Update on procedure-related risks for prenatal diagnosis techniques. Fetal Diagn Ther. 2010;27(1):1-7.
4. Palomaki GE et al. DNA sequencing of maternal plasma to detect Down syndrome: an international clinical validation study. 2011 Nov;13(11):913-20.
5. Palomaki GE et al. DNA sequencing of maternal plasma reliably identifies trisomy 18 and trisomy 13 as well as Down syndrome: an international collaborative study. Genet Med. 2012 Mar;14(3):296-305.
6. Dépistage Non Invasif de la Trisomie 21. Soutien aux Techniques Innovantes et Couteuses (STIC) SAFE 21. Etude promue par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, avec le soutien du Ministère de la Santé. Adresse site http://stic-safe21.blogspot.fr.
7. Communiqué de Presse (Paris, le 29 janvier 2013). CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français). Le Diagnostic Prénatal Non Invasif (DPNI) : actualité sur les tests prénataux de dépistage et de diagnostic.