Exercices de prescription dans les pathologies thyroïdiennes
Professeur Jean-Louis WEMEAU
Clinique Endocrinologique Marc Linquette
Président du Groupe de Recherche sur la Thyroïde
De toutes les glandes endocrines, la thyroïde est la mieux accessible à l’évaluation clinique. C’est pourtant celle qui conduit à la plus grande demande d’examens (le 3ème poste budgétaire des dépenses de biologie). Beaucoup d’informations recueillies sont sans intérêt pour le patient, inutilement sources d’interrogations, d’inquiétude et de surveillance.
On formulera ici dix recommandations pratiques :
DANS LE DESPISTAGE :
1 - La mesure de la TSH seule est suffisante pour l’évaluation initiale d’un nodule thyroïdien, d’un goitre diffus, d’une hypercholestérolémie, avant traitement par amiodarone, carbonate de lithium. Chez un sujet cliniquement sensiblement euthyroïdien, la normalité de la TSH suffit en effet à confirmer l’absence de dysfonction thyroïdienne.
2 - La recherche d’anticorps antithyroïdiens n’est à envisager qu’en cas d’augmentation de la TSH. La mesure des anticorps antithyropéroxydase (antiTPO) est suffisante. C’est seulement en l’absence d’anticorps antiTPO que se justifie la recherche antithyroglobuline (antiTg).
3 - La recherche des anticorps antirécepteur de TSH (TBII ou TRAK) n’est en pratique justifiée qu’à la phase initiale d’une hyperthyroïdie liée à une maladie de Basedow, et juste avant l’éventuelle interruption du traitement médical antithyroïdien.
4 – La mesure de la thyroglobuline n’a pas d’intérêt dans l’évaluation d’un goitre ou d’un nodule thyroïdien. Elle constitue l’élément de surveillance des cancers thyroïdiens opérés. En cas de valeur augmentée, son évolution doit toujours être surveillée dans le même laboratoire.
DANS LA SURVEILLANCE HORMONALE :
5 – La TSH seule est suffisante pour l’adaptation du traitement substitutif de l’hypothyroïdie. Sa mesure n’est à effectuer que six semaines ou deux mois après qu’a été atteinte la posologie substitutive : proche de 1,6 à 1,7 µg/kg/jour, indépendamment du degré ou de la cause de l’hypothyroïdie. C’est dire que le premier dosage de TSH ne doit guère intervenir avant deux ou quatre mois de traitement.
Ultérieurement, une réévaluation du taux de la TSH après six mois puis annuellement est suffisante. Les besoins en hormone thyroïdienne sont fixes. Si le patient prend bien son traitement, il doit être informé que désormais toute éventuelle manifestation ressentie ne peut être chez lui en rapport avec la maladie thyroïdienne ou avec son traitement. Il ne faut pas s’étonner des petites fluctuations du taux de TSH entre 0,1 et 6 mU/l que favorisent en particulier des interférences avec des médicaments : pansements digestifs, IPP, sels de fer, de calcium, de magnésium... C’est au-delà de 10 mU/l qu’une carence en hormone thyroïdienne est authentiquement symptomatique (figure 1).
6 – La mesure de la TSH est inopportune pour l’adaptation initiale du traitement d’une hyperthyroïdie. En effet après une phase thyrotoxique, les valeurs de la TSH restent basses durant plusieurs semaines ou plusieurs mois. Il faut se fonder sur la mesure de la T4 libre.
7 – Il n’y a pas d’opportunité à surveiller les titres d’anticorps antiTPO qui restent chroniquement accrus dans les situations de thyroïdites lymphocytaires chroniques.
DANS L’EVALUATION MORPHOLOGIQUE :
8 – La scintigraphie thyroïdienne n’a plus de place actuellement dans l’évaluation initiale d’un nodule thyroïdien. Elle n’est utile qu’en présence d’une valeur basse de TSH, pour établir que le nodule est responsable de l’hyperfonctionnement thyroïdien.
9 – La présence de nodules thyroïdiens occultes fortuitement découverts lors d’un examen échographique, s’accroît avec l’âge. La proportion de sujets porteurs de nodules thyroïdiens est sensiblement équivalente à la décennie des sujets examinés (20 % à 20 ans, 60 % à 70 ans). La majorité des nodules occultes échographiquement découverts sont justiciables de la seule surveillance clinique (figure 2).
10 – La ponction à l’aiguille fine pour étude cytologique s’impose si la TSH est normale, pour tout nodule cliniquement ou échographiquement suspect (tableau 1). Elle constitue la meilleure approche diagnostique des nodules thyroïdiens.
Bibliographie :
- WEMEAU JL, d'HERBOMEZ M
L'exploration biologique de la thyroïde : quels examens ? pour quelles indications ?
Médecine Clinique Endocrinologie & Diabète 2004 ; HS : 28-34
- La Thyroïde - De la physiologie cellulaire aux dysfonctions. Des concepts à la pratique clinique. J Leclérère, J Orgiazzi, B Rousset, JL Schlienger, JL Wémeau – 2ème Edition Elsevier 2001, 573 pages
- Le nodule thyroïdien – Recommandations de l’ANDEM 1995
- Explorations des hyperthyroïdies. Recommandations de l’ANAES 2000
- HYPOTHYROÏDIES - Revue du Praticien 1998 ; 48.