Diabète : mise au point sur les anti diabtéiques oraux
Docteur Olivier LEMOUX
4 résidence Dampierre
Parc Saint Maur
Avenue de Mormal
59000 LILLE
L’épidémie annoncée de diabète de type 2 dépasserait les prévisions faites il y a quelques années. L’institut de veille sanitaire estime la prévalence nationale pour 2007 à 3,95 %, notre prévalence régionale étant estimée à 4,8 %.
Le diabète de type 2 est une pathologie métabolique complexe résultant de la conjonction de facteurs de prédispositions génétiques, et du mode en vie notamment la sédentarité croissante, l’alimentation hypercalorique, hyperlipidique, et le vieillissement.
Plusieurs mécanismes physiopathologiques sont intriqués :
ü l’insulinorésistance
ü le déficit de l’insulinosécrétion
ü le déficit de la voie des incrétines, participant à la diminution de l’insulinosécrétion, et l’augmentation de la sécrétion du glucagon
Le diabète est évolutif quelque soit les moyens thérapeutiques mis en place, avec une aggravation inexorable principalement du fait du déclin progressif de l’insulinosécrétion.
Il s’agit également d’une pathologie hétérogène selon les mécanismes physiopathologiques prédominant chez un individu donné.
De ce fait il parait théoriquement séduisant d’adapter au mieux la thérapeutique utilisée pour un patient donné, en fonction de son « phénotype ». Malheureusement nous ne disposons pas d’outils simples dans la pratique clinique quotidienne.
Les mesures hygiénodiététiques, visant à augmenter la dépense énergétique, à obtenir une alimentation pauvre en glucides d’index glycémique élevé, hypolipidique, doivent rester le pivot de la prise en charge diabétologique, à tout moment de la maladie même si leur mise en place et l’adhésion prolongée restent souvent difficiles à obtenir.
Parallèlement le traitement pharmacologique se doit d’être précoce, réactif, si les objectifs en terme d’hémoglobine glyquée ne sont pas atteints.
Les recommandations 2006 de l’HAS pour la prise en charge du diabète de type 2, sans être obsolètes, apparaissent quelque peu dépassées en raison de l’apparition des nouvelles classes thérapeutiques interagissant avec le métabolisme des incrétines, d’une part, et des données cliniques plus récentes, sur les glitazones, et sur les études de morbi-mortalités récentes.
Nous disposons aujourd’hui de 7 classes thérapeutiques définies comme agent anti-diabétique, en dehors de l’insuline :
ü Metformine
ü Sulfamides hypoglycémiants
ü Glinides
ü Inhibiteurs de l’α1 glucosidase
ü Glitazones
ü Inhibiteurs de la DPP IV
ü Analogue du GLP 1
Quels sont leurs propriétés, avantages et inconvénients ?
I. La metformine :
La metformine agit principalement au niveau de l’insulinorésistance hépatique, en réduisant la libération hépatique de glucose, avec donc un effet prédominant sur la glycémie à jeûn
Elle génère selon les études une baisse en moyenne de 1,5 % de l’HBA1C.
Ses avantages, outre son efficacité reconnue et son coût modeste, sont la neutralité pondérale, l’absence d’hypoglycémie si utilisée seule.
On peut considérer que l’effet thérapeutique persiste tout au long de la maladie, même s’il devient insuffisant, justifiant son maintient quelque soit l’ancienneté de la maladie, la stratégie utilisée, en l’absence d’insuffisance rénale.
L’inconvénient principal est sa tolérance parfois délicate sur le plan digestif (diarrhées), qui doit être prévenue par l’ingestion en milieu ou fin de repas, et l’augmentation progressive des doses.
L’insuffisance rénale reste une contre-indication formelle en raison du risque d’acidose lactique en cas de situation d’hypoxémie aigüe ajoutée.
L’utilisation chez les sujets agés de plus de 80 ans, même sans insuffisance rénale « visible » est délicate, du fait de leur exposition à la déshydratation et aux décompensations cardio-respiratoires hypoxémiantes.
Il s’agit en l’absence de contre indication, et de mauvaise tolérance, de l’anti-diabétique de première intention pour tout patient dans le diabète de type 2, à tous les stades de la maladie.
Il est important en cas de trouble de tolérance d’essayer de maintenir la posologie maximale tolérée, en recourant au besoin aux dosages faibles (500 mg, ou formulation Stagid 700 mg®).
II. Les sulfamides hypoglycémiants :
Les sulfamides hypoglycémiants stimulent l’insulinosécrétion de manière prolongée, par une action directe sur les cellules β, indépendamment du glucose.
L’action hypoglycémiante s’exerce sur la glycémie post prandiale, mais également à jeun.
L’efficacité initiale serait identique à celle de la metformine avec une baisse moyenne de 1,5 % de l’HBA1C.
Les avantages principaux de cette classe thérapeutique sont le coût modeste, le recul sur leur sécurité d’emploi en dehors du risque hypoglycémique, et leur effet rapide.
L’inconvénient et l’effet secondaire principal sont les hypoglycémies. La particularité est que l’effet remanant de ces molécules expose à des hypoglycémies prolongées parfois sévères notamment en cas d’accumulation liée à une insuffisance rénale aigüe, et/ou en cas d’anorexie.
Ces médications génèrent souvent une prise de poids modérée.
Lorsque la capacité d’insulinosécrétion se réduit, l’efficacité de ces molécules diminue parallèlement.
Le recours à l’autosurveillance glycémique est conseillé (à jeun et en fin d’après midi), pour d’une part permettre l’adaptation posologique, et d’autre part pouvoir repérer l’hypoglycémie.
La posologie initiale est minimale, augmentée ensuite éventuellement rapidement par exemple, par paliers hebdomadaires, en fonction des constatations glycémiques.
La survenue d’hypoglycémies doit faire procéder à une diminution de la posologie jusqu’à disparition de celles-ci.
La contre indication principale est l’insuffisance rénale du fait du risque d’accumulation pouvant être responsable d’hypoglycémies sévères. Les mêmes réserves que pour la metformine s’exercent chez les sujets âgés.
En l’absence d’obstacle à l’auto-surveillance, les sulfamides hypoglycémiants constituent en raison du recul ancien et du faible coût, les molécules de choix pour une bithérapie en cas d’échec de monothérapie par metformine ; également en monothérapie si la metformine n’est pas tolérée.
III. Les glinides :
Les glinides (repaglinide, Novonorm®, seule médication disponible en France) sont comme les sulfamides, des agents stimulant directement l’insulinosécrétion indépendamment du glucose.
Leur différence est leur durée d’action courte.
S’ils comportent aussi un risque hypoglycémique, il n’y a pas de risque d’épisodes prolongés, récidivants.
De fait l’effet hypoglycémiant est préférentiel sur la glycémie post prandiale.
Son potentiel hypoglycémiant en terme d’HBA1C est considéré dans les études de l’ordre de 1%.
Comme pour les sulfamides hypoglycémiants, le recours à l’autosurveillance est souhaitable.
De même il doit être institué à la posologie minimale avant chaque repas, puis adapté en fonction des valeurs glycémiques post prandiales.
Il n’est contre indiqué que dans l’insuffisance rénale sévère, et peut être utilisé avec une relative sécurité chez les sujets âgés.
Les glinides trouvent leur indication en bithérapie, en cas d’échec de monothérapie par metformine, si les glycémies à jeun sont proches de la norme.
Ils peuvent être utilisés en monothérapie si le trouble de la régulation glucidique s’exprime préférentiellement sur les glycémies post prandiales.
Ils trouvent également leur place chez les patients insuffisants rénaux, et chez les sujets âgés, lorsque metformine et sulfamide sont interrompus, en monothérapie lorsque la glycémie à jeun reste proche des normes ou associés à l’insuline basale, avant l’utilisation du schéma insulinique multi-injection.
IV. Les inhibiteurs de l’α1 glucosidase :
L’acarbose, Glucor®, inhibe l’enzyme de l’épithélium intestinale responsable de la digestion des polysaccharides, et diminue donc l’absorption de glucose au niveau de l’intestin grêle limitant ainsi les excursions glycémiques post prandiales.
L’effet hypoglycémiant est tout de même nettement plus modeste que celui des médications précédemment cités, évalué de l’ordre de 0,5 %.
S’il n’induit pas d’hypoglycémie, son utilisation est limitée par une tolérance digestive franchement mauvaise causée par l’afflux d’hydrate de carbone dans le colon responsable d’une production gazeuse importante avec les troubles fonctionnels qui s’ensuivent.
Il est contre-indiqué en cas de pathologies chroniques des intestins et d’insuffisance rénale sévère.
Pour ces raisons il s’agit plutôt d’un anti-diabétique d’appoint lorsque l’HBA1C est peu élevée.
V. Les glitazones :
Cette classe thérapeutique (rosiglitazone, Avandia®, pioglitazone, Actos®) avait suscité lors de sa mise sur le marché il y a quelques années, de grandes espérances, aujourd’hui mises à mal, en raison d’un certain nombre d’effets secondaires.
Ces molécules d’action ubiquitaire augmentent l’insulinosensibilité au niveau du tissu adipeux, du muscle et dans un moindre degré au niveau du foie.
Elles modifient profondément le métabolisme du tissu adipeux, en permettant la différenciation des préadipocytes du tissu adipeux périphérique, en adipocytes matures dont l’action endocrine complexe est directement responsable de l’amélioration glycémique.
Il s’agit de molécules efficientes sur le métabolisme glucidique, avec une diminution moyenne de l’HBA1C de l’ordre de 1,5 % en moyenne, sans induire d’hypoglycémie.
Leur effet hypoglycémiant n’est pas immédiat, et nécessite plusieurs semaines pour être visible.
Un avantage spécifique pressenti pour cette classe thérapeutique, serait le maintient d’un effet plus prolongée dans le temps que les autres anti-diabétique oraux, par un effet protecteur sur les cellules β.
Par contre, les inconvénients de cette classe thérapeutique sont importants. Les glitazones induisent parfois une prise de poids considérable (masse grasse périphérique) qui peut avoir des conséquences franchement néfastes chez des patients obèses.
Elles sont également susceptibles d’induire une rétention hydrosodée, responsable de décompensation cardiaque en cas de cardiopathie sous jacente connue ou méconnue.
Cet effet retentioniste est majoré dans l’association à l’insulinothérapie.
La rosiglitazone a été suspecté d’induire un sur-risque d’infarctus du myocarde d’après plusieurs méta-analyses, sur-risque non retrouvé dans d’autres études.
Enfin une discrète augmentation des fractures ostéoporotiques périphériques chez la femme ménopausée pourrait également exister…
Dernier point le cout est nettement supérieur à celui de la metformine et des sulfamides hypoglycémiants.
Pour ces raisons, la place des glitazones tend actuellement à se réduire.
Les dernières recommandations américaines l’ont d’ailleurs limitée à l’utilisation de la pioglitazone uniquement.
Les antécédents d’insuffisance cardiaque sont une contre-indication formelle. Toute cardiopathie sans insuffisance cardiaque doit conduire à une extrême prudence, et faire préférer d’autres molécules.
Ces molécules restent néanmoins indiquées en monothérapie en cas d’intolérance à la metformine, en bithérapie en association à la metfomine ou aux sulfamides hypoglycémiants, ou en trithérapie orale. L’association à l’insuline est à proscrire.
Il convient de rester prudent sur l’utilisation de ces molécules, en restreignant leur utilisation aux patients sans complication cardio-vasculaire, idéalement après un dépistage cardio-vasculaire en cas de facteur de risque supplémentaire au diabète.
La survenue d’œdème, ou une prise de poids importante devra faire suspendre le traitement.
L’utilisation est probablement à éviter en cas d’obésité ayant déjà un retentissement fonctionnel locomoteur ou respiratoire.
VI. Les inhiteur de la DPP IV :
La sitagliptine, Januvia®, est la seule molécule disponible sur le marché français à ce jour. La vildagliptine, Galvus®, pourrait faire son apparition dans les mois qui viennent.
De nombreuses molécules de cette classe sont en développement.
Les inhibiteurs de la DPP IV bloquent l’enzyme responsable de la dégradation du GLP1 endogène. Le GLP1 est une hormone incrétine, à demi vie courte, libérée par les cellules endocrines de tube digestif lors de la prise alimentaire. Elle permet d’augmenter l’insulinosécrétion stimulée par le glucose, et diminue la sécrétion de glucagon. La libération du GLP1 est diminuée dans le diabète de type 2.
Les inhibiteurs de la DPP IV augmentent donc l’effet du GLP1 encore sécrété en retardant sa dégradation.
Il en résulte une amélioration principalement de la glycémie post prandiale.
L’efficacité en terme d’HBA1C semble un peu plus faible que celle obtenue avec les sulfamides hypoglycémiants, puisqu’elle serait de l’ordre de 0,6 à 1%.
Elle a l’avantage de ne pas induire d’hypoglycémie, car la stimulation de l’insulinosécrétion reste gluco-dépendante, ne nécessitant donc pas nécessairement d’auto-surveillance glycémique.
Toutefois en cas d’association aux sulfamides hypoglycémiants, il peut y avoir une potentialisation des hypoglycémies, pouvant conduire à la diminution des sulfamides.
Il s’agit également d’un traitement d’utilisation simple en 1 seule prise orale quotidienne à un horaire indifférent.
La tolérance semble assez bonne. Les effets secondaires principaux sont d’ordre digestif le plus souvent assez mineurs. Il n’y a pas de prise de poids. Il existerait peut être une fréquence accrue d’infections des voies aériennes supérieures.
Les 2 inconvénients majeurs de cette classe thérapeutique sont le cout élevé, et le recul relativement limité sur les effets à long terme.
La sitagliptine est contre indiqué en cas d’insuffisance rénale, car elle n’a pas été étudiée dans cette situation
L’indication de l’AMM est actuellement limitée à l’association à la metformine en cas d’échec de monothérapie (remboursée), et à la pioglitazone en cas d’échec de monothérapie par pioglitazone (non remboursée).
L’utilisation en plurithérapie orale est envisageable.
VII. Les analogue du GLP 1 :
L’exenatide, Byetta®, est aujourd’hui la seule molécule disponible. D’autres sont en développement.
Cette molécule est administrée par voie sous cutanée, toutes les 12 heures à dose fixe, avec stylos injecteurs jetables identiques aux stylos à insuline.
Il s’agit d’un analogue synthétique du GLP1. Le GLP1 endogène a une demi vie courte, du fait de la dégradation par la DPP IV.Sa sécrétion est diminuée dans le diabète de type 2.
L’exenatide est résistant à l’action de la DPP IV.
Les doses pharmacologiques utilisés induisent une augmentation significative de l’insulinosécrétion en réponse à la prise alimentaire, une diminution de l’hypersécrétion du glucagon présente dans le diabète de type 2. Il augmente aussi la sensibilité à l’insuline. Il existe également une diminution de la vidange gastrique, et aurait un effet direct sur le système nerveux central stimulant la satiété.
Enfin d’après les études de cultures cellulaires, le GLP1 et l’exenatide aurait un effet protecteur sur les cellules β, prévenant l’apoptose liée à la glucotoxicité et à la lipotoxicité.
Il agit donc comme un agent hypoglycémiant avec un effet prédominant sur la glycémie post prandiale, mais également en proportion moindre sur la glycémie à jeun.
La diminution moyenne de l’HBA1C est de l’ordre de 1%.
Comme les inhibiteurs de la DPP IV, il n’induit pas d’hypoglycémie par lui-même. Il existe par contre une potentialisation des hypoglycémies liées aux sulfamides hypoglycémiants.
L’avantage principal est la particularité d’induire une perte de poids de 2 à 3 kg à 6 mois, qui se maintiendrait dans le temps, de l’ordre de 5 kg à 2 ans. La préservation des cellules β serait un autre avantage si elle se confirmait.
Les effets secondaires d’ordre digestifs sont néanmoins assez fréquents, principalement nausées et vomissements. Des cas de pancréatites ont été rapportés, la responsabilité de l’exenatide étant en question.
L’exenatide est contre indiqué en cas d’insuffisance rénale, et de gastroparésie diabétique.
L’indication de l’exenatide est l’échec de la thérapie orale en association à celle-ci.
Il s’agit donc actuellement d’une alternative à l’association traitement oral maximal, insuline basale. Cette alternative est probablement particulièrement intéressante pour les patients chez qui l’adhésion diététique est problématique, et qui continuent à prendre du poids.
Outre l’effet pondéral bénéfique, l’autre avantage est dans cette circonstance, la plus grande simplicité pour le patient par rapport à l’utilisation de l’insuline, dans la mesure où la dose est fixe.
Pour ces raisons l’acceptation des patients est meilleure que celle de l’insuline.
En dehors de la médiocre tolérance digestive, les désavantages de ce traitement sont le cout nettement plus élevé comparativement à l’insuline, et le recul encore faible sur les effets à long terme.
L’exenatide n’a pas d’indication lorsqu’une insulinothérapie est déjà entreprise, sauf cas particuliers relevant de l’évaluation du diabétologue.
Conclusions :
L’arsenal thérapeutique s’étoffe, mais aucune des nouvelles médications n’est supérieure aux moyens thérapeutiques plus anciens, en terme de contrôle glycémique.
Les molécules les plus récentes ont des effets métaboliques incontestables, leurs effets à long terme restent à observer aussi bien concernant leurs éventuels bénéfices protecteurs sur les cellules β qui pourraient ralentir la dégradation jusque là inexorable de l’insulinosécrétion, que leur innocuité.
Les recommandations de 2006 restent une base de travail concrète précieuse.
Les recours aux glitazones nécessitent bien entendu un strict respect des contre-indications, et en l’absence de celles-ci une analyse attentive du risque cardio-vasculaire, une surveillance fine du poids, du statut hydro-sodé, et cardio-respiratoire.
Les inhibiteurs de la DPP IV méritent que leur place au sein de l’étape 3 (passage à une bithérapie) de ces recommandations soit étayée dans l’avenir.
De même pour les analogues du GLP1 au sein de l’étape 4 (passage à une trithérapie ou bithérapie plus insuline), voire à un stade plus précoce si la préservation des cellules β se confirmait.