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Conduite à tenir devant une hématurie



Dr Raymond AZAR

 

 

L'hématurie est définie par la présence de globules rouges (GR) dans les urines en nombre > 10 /mm3 (ou µL) à l'examen cytologique quantitatif d'urines fraîchement émises. L'hématurie est dite macroscopique quand les urines sont teintées (rouge, brun...), ce qui correspond à une concentration d'hématies > 200 /mm3, et microscopique quand la concentration d'hématies est comprise entre 10 et 200 /mm3.

 

L'hématurie n'est pas une maladie, c'est un symptôme fréquent qui confronte le clinicien à un enjeu double. Premièrement, il ne faut pas manquer un diagnostic rare mais grave à court ou à moyen terme. Deuxièmement, il ne faut pas imposer d'examens invasifs et répétés à la majorité des patients chez qui l'hématurie renvoie à un diagnostic bénin.

 

La plupart du temps, l'hématurie est évoquée devant la positivité de la bandelette urinaire (BU), sensible mais non spécifique, qui impose toujours un contrôle cytologique. La première étape consiste à éliminer les diagnostics différentiels : coloration alimentaire, détection de myoglobine ou d'hémoglobine libre, hématies d'origine vaginale, etc.

 

La deuxième étape consiste à éliminer par l'examen clinique et des examens de biologie simples les 3 urgences immédiates : le syndrome hémorragique (rare), la rétention aiguë d'urines par caillotage vésical et la glomérulonéphrite (GN) aiguë avec prolifération endo- et/ou extra-capillaire. Au cabinet, il est facile d'éliminer ces diagnostics devant la normalité de l'examen cardiovasculaire et hémodynamique (syndrome hémorragique), l'absence de signes fonctionnels urinaires bas et de globe vésical (RAU), et l'absence d'hypertension artérielle (HTA), d'œdèmes, et d'une protéinurie à la BU. La troisième étape consiste à proposer au patient une consultation de contrôle après réalisation d'un bilan sanguin minimal comportant un évaluation de la fonction rénale par le dosage de la créatinine et une estimation du débit de filtration glomérulaire par la formule MDRD simplifiée associé à un examen cytologique quantitatif des urines, un dosage de la protéinurie des 24 heures et examen cyto-bactériologique des urines (ECBU).

 

Ensuite, il faut distinguer les hématuries intermittentes et les hématuries persistantes. Les patients chez qui l'hématurie n'est pas retrouvée lors de cette deuxième consultation ne méritent pas d'exploration complémentaire s'ils ont moins de 45 ans et aucun facteur de risque de cancer des voies urinaires; ils seront revus en consultation 6 mois à un an plus tard avec un contrôle de la cytologie urinaire. Tous les autres (hématurie persistante, âge > 45 ans, facteurs de risque de cancer) justifient d'examens diagnostiques plus poussés.

 

On distingue ensuite l'hématurie selon son origine néphrologique (hématies issues des glomérules ou de l'interstitium rénal) ou urologique (hématies issues de l'arbre urinaire).

 

 

Origine néphrologique

Origine urologique

Clinique

HTA, œdèmes, signes extra-rénaux...

Douleur lombaire, caillotage vésical, fièvre...

Macroscopie

Hématurie totale, sans caillots, « coca-cola »

Hématurie initiale, terminale ou totale, caillots, sang rouge

Microscopie

Hématies déformées, crénelées, acanthocytes, cylindres hématiques

Hématies non déformées

Biologie

Insuffisance rénale, protéinurie > 500 mg/jour

/- insuffisance rénale, pas de protéinurie

 

En cas d'hématurie néphrologique, il s'agit le plus souvent d'une atteinte glomérulaire et l'on évoquera :

-          le plus grave, une GN aiguë avec prolifération endo- et/ou extra-capillaire,

-          le plus fréquent, une forme simple de néphropathie à IgA,

-          plus rarement, un syndrome d'Alport, une néphrite interstitielle ou toute autre glomérulonéphrite chronique.

 

En cas d'origine urologique, on évoquera :

-          toujours un cancer des voies urinaires, dont on recherchera les facteurs de risque : âge > 45 ans, exposition professionnelle aux amines aromatiques, tabagisme, traitement par Endoxan, etc.,

-          une pathologie lithiasique,

-          une pathologie infectieuse de l'arbre urinaire (infection à germes pyogènes, tuberculose),

-          plus rarement une nécrose papillaire, une thrombose des veines rénales, une malformation artério-veineuse,

-          en dernier lieu seulement un traitement anticoagulant (qui expose au risque de saignement seulement en cas d'anomalie anatomique sous-jacente) ou une hypertrophie bénigne de prostate (qui impose d'éliminer toutes les autres étiologies).

 

En cas de suspicion de pathologie rénale, on confiera le patient au néphrologue qui décidera de la réalisation d’une ponction-biopsie rénale.


En cas de suspicion d'atteinte urologique, on confiera le patient à l'urologue, qui décidera de la réalisation d'un bilan comprenant :

-          une cytologie urinaire à la recherche de cellules tumorales, de calculs, etc. (examen peu sensible mais spécifique),

-          une imagerie de l'arbre urinaire, le plus souvent par uro-TDM (TDM abdomino-pelvien sans puis avec injection de produit de contraste iodé avec temps parenchymateux et excréteur),

-          une cystoscopie.

 

 

 

Dans tous les cas, il est indispensable de proposer au patient une surveillance au moins annuelle et toujours prolongée, qui permettra de découvrir à temps un cancer (compliquant le suivi d'environ 1% de patients > 45 ans avec hématurie persistante avec bilan initial normal) ou une pathologie rénale ayant évolué avec apparition d’une protéinurie associée à l’hématurie microscopique, d’une HTA et/ou d’une insuffisance rénale chronique.