Enurésie Encoprésie



Dr Claire SPYCKERELLE

 

 

L'énurésie simple et l'encoprésie sont des pathologies courantes de médecine générale.

 

Leur prise en charge relève du médecin généraliste dans l'immense majorité des cas.

 

Il est nécessaire d'éliminer méthodiquement les quelques diagnostics différentiels et  dépister une pathologie  psychiatrique.

 

C'est au cours d'une consultation dédiée dans la cadre d'un échange singulier, en confiance réciproque avec un enfant motivé que peut se dénouer simplement le problème dans la plupart des cas.

 

L’ENURESIE, un problème de médecine générale !

 

L'Incontinence est définie par une perte involontaire des urines

L'Enurésie nocturne est une miction normale involontaire, incomplète survenant au cours du sommeil chez un enfant de plus de 5 ans

 

Rappel sur le Développement sphinctérien

Propreté diurne : 18 mois – 2 ans

Propreté nocturne : 2 – 3 ans

Propreté totale à 3 ans

Continence fécale puis vésicale

 

Une pathologie fréquente !

 5 ans : 15 %

 taux de disparition spontanée : 15 % par an

 adolescence : 2 %

 service militaire : 0,5 à 1 %

 

 

Les facteurs étiologiques de l'énurésie

 

Hérédité

 Un parent énurétique = 45 % de risque qu’un enfant soit énurétique

 Deux parents énurétiques = 77 % de risque qu’un enfant soit énurétique

 

Profondeur du sommeil: une fausse idée

 Souvent invoquée par les parents

 EEG de sommeil : organisation du sommeil normale

 Les mictions surviennent préférentiellement au cours de la première partie de la nuit, le plus souvent en sommeil lent, et s’accompagnent plutôt d’un allègement du sommeil

 

Perturbation de la sécrétion d’ADH : (Minirin®): oui mais ...

Autres traitements efficaces

Horaires de mictions variables

ADH taux normal

Polyurie insipide ne sont pas tous énurétiques

 

Facteur psychologique

 

Diagnostic et explorations dans l'énurésie, surtout la clinique !

 

Un interrogatoire minutieux

Un examen clinique complet notamment neurologique

 Examiner l’abdomen, l’appareil génital, le périnée, la région lombo-sacrée (masse fossette)

 Examen neurologique complet essentiel : réflexes ostéotendineux, recherche de pieds creux.

 TA

L'abord psychologique est essentiel

S’assurer la confiance de l’enfant et de ses parents

 

Préciser le comportement de l’enfant:

 Enfant opposant pour lequel l’énurésie est une source de plaisir non culpabilisée et un moyen de pression sur l’entourage

 Enfant névrosé, culpabilisé

 Enfant émotif, immature

 Enfant carencé affectivement

 Énurésie réactionnelle à des traumatismes affectifs évidents

 

Préciser le comportement des parents vis-à-vis de l’énurésie :

Laxisme, rigidité, intolérance, agressivité, complicité, bénéfices secondaires.

 

Les examens paracliniques

Ils se limitent à la bandelette urinaire impérative :

 

« L’énurésie nocturne isolée, sans signe diurne, persistant après 5 ans chez un enfant sans antécédent urologique ou neurologique et dont l’examen clinique est normal, ne doit pas faire l’objet d’explorations radiographiques ou urodynamiques. »

 

 

Les diagnostics différentiels, surtout les incontinences fonctionnelles...

 

Les syndromes polyuropolydipsiques

Les autres incontinences (malformatives, neurologiques, fonctionnelles)

 

Les plus fréquentes sont les incontinences fonctionnelles

 

L’immaturité vésicale

Énurésie nocturne associée à des manifestations diurnes: fuites, impériosités, pollakiurie

Mécanisme : persistance d’une vessie animée de contractions intempestives comme on peut le voir chez le tout petit enfant.

Le diagnostic en est clinique

Les examens complémentaires ne sont pas nécessaires.

 

La dyssynergie vésicosphinctérienne

 

Tableau proche du précédent associant :

Fuites diurnes, pollakiurie, impériosité, énurésie nocturne.

Antécédents d’infections urinaires fréquentes (hautes ou basses).

Souvent dysurie.

 

 

« Les examens paracliniques ont ici indispensables pour apprécier le fonctionnement vésico-sphinctérien. »

 

 

 

 

La prise en charge thérapeutique

 

« Il est essentiel d’établir avec l’enfant une qualité relationnelle qui conditionnera cette prise en charge. Il faut s’adresser directement à l’enfant et le rassurer et le déculpabiliser. Vérifier que l’enfant est bien motivé sous risque d'échec. L'entretien se fera au cours d'une consultation dédiée»

 

Méthode éducative : essentielle  « Peut résoudre le problème dans la très grande majorité des cas »

 

Expliquer à l’enfant le fonctionnement de l'appareil urinaire avec de mots simples et des supports visuels: les deux reins, les uretères, la vessie, l’urètre, le sphincter = le robinet qu’il peut commander. S'assurer qu'il a compris !

 

Conseiller des exercices de contrôle de la miction :

Mictions diurnes fréquentes et contrôlées

Exercices d’interruption volontaire de la miction en cours

 

Règles hygiéniques:

Contre-indication des diurétiques (thé, café)

Restriction liquidienne le soir

Suppression des couches

Tenue d’un calendrier mictionnel par l’enfant

Instauration d’un contrat entre le médecin et l’enfant

 

Les autres traitements

Les médicaments :

Les antidépresseurs :

Type : tricycliques, Clomipramine (Anafranil®), Amineptine (Survector®), Imipramine (Tofranil®).

Efficacité par leur action sur le sommeil et leur action anticholinergique

Efficacité dose dépendante (non loin des doses toxiques)

Effets indésirables : sécheresse buccale, vertiges, céphalées, constipation, rétention d’urine, modification de l’humeur.

Risque d’intoxication dans la fratrie.

 

 

Le chlorydrate d’oxybutinine = (Ditropan®)

Une seule indication : l’instabilité vésicale > 5 ans (donc seulement valable si énurésie difficultés diurnes à type d’impériosité mictionnelle).

 

Mécanisme d’action : réduction de la pression intravésicale, diminution de l’amplitude et de la fréquence des contractions vésicales.

 

Effets secondaires de type atropinique:

Troubles de l’accommodation

Troubles neurologiques : hallucinations, agitation

Constipation – allergie.

Posologie : un comprimé matin et soir pendant 2 mois

Contre-indication avant 5 ans

 

La desmopressine = (Minirin®)

Analogue structural à l’ADH qui n’en possède que l’effet anti-diurétique.

Réduit le volume urinaire nocturne

Augmente la réabsorption d’eau au niveau du tube collecteur

Le soir au coucher

Commencer par petites doses : 0,2 mg. Augmenter progressivement en faisant des paliers d’une semaine pour arriver à un maximum de 0,4 mg/jour

Traitement de 3 mois, renouvelable une fois.

Pas avant 6 ans.

Effets indésirables : céphalées, intoxication par l’eau, d’où restriction hydrique 1h avant la prise et 8h après

Répondeurs complets ou partiels : 60 à 70 %

Rechutes à l’arrêt

Les alarmes sonores

Principe : réveil de l’enfant puis anticipation

 

La psychothérapie

Il faut aider l’enfant à abandonner son attitude régressive

Le recours au spécialiste est indispensable en cas de troubles évidents de la personnalité ou tout au moins lorsque prévalent les déterminants psychologiques.

 

Thermalisme : Lons le Saulnier

3 semaines de cures, puis 3 semaines de post-cure

Bons résultats à court terme en partie liés à la coupure du milieu familial.

 

           

La prophylaxie

Éviter l’apprentissage sphinctérien trop précoce (jamais avant l’âge de la marche).

Trouver le juste milieu entre la rigidité excessive dans l’apprentissage et le laisser-aller tolérant à l’extrême.

Cet apprentissage doit toujours s’intégrer dans le contexte affectif

 

En conclusion

 

La consultation de l’enfant énurétique est une consultation qui prend du temps. Il faut savoir instaurer un dialogue dans un climat de confiance réciproque.

 

Il est essentiel que l’enfant soit demandeur et motivé, qu’il participe activement à sa guérison, lié par une sorte de contrat moral à son médecin.

 

Il faut aussi expliquer aux parents que seul leur enfant peut et doit vouloir guérir et que l’affectivité y jour un rôle considérable : l’enfant va renoncer à son plaisir en vue d’obtenir une sécurité et un amour plus grand

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'ENCOPRESIE, un problème de médecine générale !

 

L'encoprésie se définit par des émissions fécales répétées dans des endroits inappropriés (vêtements, sols), qu’elles soient involontaires ou délibérées chez un enfant de plus de 4 ans (ou de niveau de développement équivalent).

Dans la grande majorité des cas, l'encoprésie est un syndrome mixte, à la fois organique et psychique, qui ne peut être traitée que par une prise en charge de l'enfant dans sa globalité. Elle est souvent à l'origine d'un rejet social et familial.

 

 

Epidémiologie, un problème fréquent !

 

- 1,5 à 2,5 % des enfants de 7 - 8 ans.

- 20 % des consultations de gastroentérologie pédiatrique.

- prépondérance masculine (4 à 6 fois plus fréquent que chez les filles)

- fréquence X 2 depuis 30 ans.

 

 

 

Les aspects cliniques

 

 

- allure variable : de simples souillures à une défécation complète.

 

- forme primaire : l'enfant n'a jamais acquis la propreté.

 

- forme secondaire : après un intervalle de propreté plus ou moins long, c'est la forme de loin la plus fréquente.

 

- diurne : la plus fréquente, exceptionnellement nocturne.

 

- suivant la fréquence des accidents encoprétiques :

            * continue, quotidienne, voire plusieurs fois par jour (souvent les accidents encoprétiques se reproduisent chaque jour dans les mêmes conditions et aux mêmes endroits).

            * discontinue.

 

- association possible :

            * constipation : c'est presque toujours le cas; c'est d'ailleurs elle qui a précédé l'encoprésie.

            * diarrhée : par écoulement des matières fécales liquides provenant des étages coliques supérieurs et qui se fait autour d'un fécalome ; c'est souvent le motif de consultation.

            * énurésie diurne > nocturne

            * troubles psychologiques (phobies sociales, troubles de l’attention, hyperactivité, comportement opposant, troubles émotionnels et comportementaux)

La conduite à tenir

 

Un interrogatoire minutieux

 

- antécédents familiaux analogues

- ancienneté

- recherche d'un facteur déclenchant : divorce, scolarisation, hospitalisation...

- constipation

- modalités d'apprentissage sphinctérien

- retentissement familial, symptôme mal supporté (risques de sévices).

 

Un examen clinique complet notamment neurologique

 

digestif : il apprécie le degré d'encombrement stercoral :

- palpation de l'abdomen, recherche de fécalome.

- examen de la marge anale : souillure, fissure, recherche d'antéposition anale.

- TR : appréciant la tonicité anale, retrouvant des fécalomes plus ou moins durs.

 

neurologique complet.

 

 

L'abord psychologique de l'enfant

 

L’encoprésie est parfois réactionnelle à un évènement de vie marquant (abus sexuels, divorce)

Enfant le plus souvent en souffrance psychologique. Il utilise une partie de son corps pour exprimer ses difficultés, mais il est ensuite dépassé par ce qu'il a créé. Symptôme qui fait souffrir, mais symptôme auquel l'enfant tient.

 

Plusieurs dimensions sont retrouvées :

- l'érotisation de la rétention et le plaisir masturbatoire (jeu de va et vient des selles accompagné d'un sentiment de maîtrise et de toute puissance).

- angoisse d'expulsion vécue comme menaçante, destructrice.

- on retrouve souvent aussi une note dépressive, auto-agressive, masochiste. L'enfant encoprétique est blessé narcissiquement.

 

Certains ont distingué trois types de personnalité encoprétique :

 

- névrotique avec angoisse et culpabilité : l'enfant cache son linge souillé, dissimule ou minimise son trouble et refuse d'en parler.

 

- passif et immature : l'accident survenant dans une sorte de laisser-aller, il n'y a ni gêne ni culpabilité ; l'enfant semble méconnaître à quel point il peut indisposer son entourage, c'est le type dit clochard.

 

- pervers : le comportement encoprétique prend alors une signification agressive évidente : l'enfant refuse activement d'utiliser le pot et ne cache pas sa satisfaction à transgresser l'interdit maternel ; il exhibe ostensiblement son linge souillé et barbouille les murs avec les matières fécales ; il reste insensible aux récriminations.

 

Les examens complémentaires sont le plus souvent inutiles

 

Pas de maladie de Hirshprung en cas d’encoprésie

 

- une radiographie d'ASP apprécie l'importance de l'encombrement stercoral.

 

- la manométrie peut être intéressante dans les formes particulièrement traînantes, retrouvant très souvent un asynchronisme abdomino-pelvien ou contraction paradoxale du sphincter anal lors des efforts d'exonération. Par ailleurs on a pu mettre en évidence une relation quasi-linéaire entre l'élévation du seuil de sensibilité consciente rectale et la survenue d'une incontinence.

 

La prise en charge

 

Au cours d'une consultation dédiée

- rassurer : évolution toujours favorable

- déculpabiliser

- expliquer  : schémas du mécanisme de la défécation

- motiver

 

 

1)      Evacuer le fécalome (lavement de NORMACOL®)

2)      Traitement de la constipation :

a.       diététique riche en eau et en fibres, restreinte en aliments constipants, reprise en détail

b.      ramollissement des selles par disaccharides osmotiques : LACTULOSE, IMPORTAL®, DUPHALAC®

c.       PEG : MOVICOL® – FORLAX®.

 

3)      « rééducation » de la défécation :

a.       Efforts d’exonération post-prandiaux pour profiter du réflexe gastrocolique

4)      Traitement à visée psychologique selon les cas :

a.       Psychothérapie cognitive et comportementale

b.      Psychothérapie familiale et individuelle

 

5)      Suivi ultérieur régulier au long cours

a.       En consultation avec tenue d’un calendrier.

 

 

L'évolution

 

b.      Selon les séries gastroentérologiques ou pédopsychiatriques l’évolution est variable ; elle peut être assez prolongée sur plusieurs années

c.       Le symptôme finit toujours par disparaître ; cependant les formes particulièrement rebelles peuvent tirer profit de techniques de biofeed back.

d.      Le pronostic est meilleur s’il n’y a pas de troubles du comportement.

 

En Conclusion  

 

« La prise en charge d'une encoprésie chez l'enfant relève du médecin généraliste ou du pédiatre à condition d'en prendre la disponibilité indispensable à la pérennisation des résultats thérapeutiques. L’orientation vers une consultation psychothérapique à visée évaluation ou thérapeutique n’est pas toujours nécessaire. Cependant il importe d'y penser suffisamment tôt pour que l'enfant ne ressente pas une sorte d'abandon. »