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La maladie luxante de la hanche du nourrisson



Dr Damien FRON

 

 

La luxation de hanche du nourrisson pose au médecin généraliste plusieurs problèmes différents :

·         Quel examen clinique faire chez un nourrisson ?

·         Faut-il demander systématiquement des examens complémentaires ?

·         Comment ne pas passer à coté d’une luxation de hanche ?

·         Que faire des anomalies décrites à l’échographie ?

Définitions

La luxation congénitale de hanche (LCH) correspond à un déplacement de la tête fémorale en haut et en arrière de l’acétabulum. Si la tête fémorale n’est pas totalement sortie de l’acétabulum et qu’elle n’est pas parfaitement au fond de la cavité mais excentrée, on parle alors de subluxation.

La dysplasie acétabulaire correspond à une déformation de la cavité cotyloïdienne sans préjuger de son caractère primitif ou secondaire à la mauvaise position de la tête fémorale. La dysplasie primitive serait d’origine génétique alors que la dysplasie secondaire est une déformation du cotyle due à l’appui de la tête fémorale sur le bord postéro-externe du cotyle mais également au défaut de croissance du cotyle alors que la tête fémorale n’est pas en place. Cette dysplasie secondaire se corrige généralement bien avec le traitement postural à la différence de la dysplasie primitive.

On distingue différentes formes de LCH :

·         Hanche luxable : initialement, la hanche est en place mais elle peut se luxer lors de manœuvres luxantes. Elle réintègre ensuite spontanément la cavité acétabulaire.

·          Hanche luxée réductible : initialement, la tête est luxée mais peut retrouver sa position normale lors des manœuvres de réduction. La tête se reluxera spontanément.

·         Hanche luxée irréductible : la hanche est en position luxée et ne peut réintégrer le cotyle par les manœuvres de réduction

Diagnostic clinique

Le diagnostic de la LCH est avant tout clinique. Il repose sur un examen systématique réalisé avant le 7ème jour à la maternité et consigné dans le carnet de santé puis répété au cours de la croissance.

C’est un examen difficile qui nécessite un apprentissage.

Il doit être réalisé de façon méticuleuse et dans de bonnes conditions : enfant détendu (il est souvent nécessaire de provoquer le réflexe de succion), déshabillé, sur un plan dur en bout de table, l’examinateur étant placé en bout de table.

Deux types de signes vont être recherchés, des signes indirects et des signes directs.

Les signes indirects sont les suivants :

·         Raccourcissement de la cuisse dû à la luxation en haut  de la tête fémorale; Il est bien visible quand on fléchit les hanches et les genoux à 90°.

·         Asymétrie des plis cutanés qui seront décalés vers le haut. De la même façon, en décubitus ventral, on peut observer une asymétrie de hauteur des plis poplités.

·         Eléments du syndrome postural : on recherchera une déformation des pieds, un torticolis congénital ou un genu recurvatum qui peuvent être associés à la LCH.

·         Limitation de l’abduction. C’est un élément très important du diagnostic qui doit être recherché de façon systématique et qui peut être le seul signe retrouvé en l’absence de ressaut. C’est un élément fiable et très simple à réaliser. Il se recherche dans la position initialement décrite, hanches et genoux fléchis à 90°. L’amplitude d’abduction est normalement comprise entre 70 et 80°. Si elle est inférieure à 60°, il s’agit d’une limitation de l’abduction témoignant d’une rétraction des adducteurs. Elle témoignera alors, soit d’une hanche luxée, soit d’une simple rétraction des adducteurs qui peut rentrer dans le cadre d’un bassin asymétrique congénital. On notera alors que les abducteurs controlatéraux sont rétractés.

 

 

Les signes directs traduisent l’instabilité de la hanche. Ils témoignent de la possibilité qu’a la tête fémorale de sortir et/ou de rentrer dans la cavité cotyloïdienne. Il s’agit du ressaut ou de sa forme moins nette, le piston. En effet, le ressaut est une sensation tactile perçue, et parfois vue par l’examinateur, quand la tête fémorale franchit le rebord cotyloïdien. Si la dysplasie cotyloïdienne est importante, le ressaut sera moins net et l’on ressentira plutôt une sensation de piston.

La recherche du ressaut est d’autant plus facile que l’enfant est jeune car, avec le temps, le ressaut va pouvoir disparaître.

Deux manœuvres permettent de rechercher le ressaut : la manœuvre d’Ortolani et la manœuvre de Barlow.

La manœuvre d’Ortolani, initialement décrite par Le Damany, permet un examen des 2 hanches simultanément. L’enfant étant sur le dos, l’examinateur placé en face de lui empoigne les 2 genoux, le pouce sur la face interne des cuisses et le majeur sur le grand trochanter. La hanche et le genou sont fléchis à 90°.

Le premier temps consiste à mettre les hanches en adduction en poussant légèrement avec le pouce sur la cuisse vers le dehors et en imprimant une pression douce sur le genou dans l’axe du fémur. On peut alors percevoir un ressaut qui correspond à la sortie de la tête fémorale en dehors du cotyle. On appellera ce ressaut un « ressaut de sortie ».

 

Le deuxième temps réalise le mouvement inverse avec mise en abduction de la hanche par écartement des cuisses en appuyant avec le majeur sur le grand trochanter d’arrière en avant. On peut alors percevoir un ressaut qui correspond à la réintégration de la tête fémorale dans le cotyle et qu’on appellera un « ressaut d’entrée ».

Il est primordial que l’enfant soit calme et bien relâché afin que l’examen soit fiable.

La deuxième manœuvre, ou manœuvre de Barlow, est décrite comme plus sensible. Chaque hanche est examinée séparément, une main fixant le bassin avec le pouce sur la symphyse pubienne et le majeur sur le sacrum. L’autre main maintient le membre à examiner de la même façon que pour la manœuvre d’Ortolani. A partir de la même position de départ, on imprimera au genou des petits mouvements de pronosupination et on recherchera les mêmes ressauts.

Parfois, lors de l’examen, il est retrouvé une sensation de craquement. Celui-ci n’a aucune valeur pathologique et ne peut être assimilé à un ressaut. Il ne nécessite pas, à lui seul, d’investigations complémentaires.

Au terme de l’examen on doit pouvoir typer le type de luxation :

·         Hanche normale : pas de ressaut, pas de limitation d’abduction.

·         Hanche luxable : ressaut de sortie, puis ressaut d’entrée.

·         Hanche luxée réductible : ressaut d’entrée puis un ressaut de sortie.

·         Hanche luxée irréductible : pas de ressaut mais limitation de l’abduction et présence des signes indirects.

·         Hanche douteuse : l’examen n’a pu retrouver de signes d’instabilité mais il existe une limitation de l’abduction.

·         Hanche à risque : l’examen clinique est normal mais il existe des facteurs de risque de luxation (antécédents familiaux, accouchement par le siège, présence d’autres éléments du syndrome postural).

Echographie

Elle permet de visualiser la tête du fémur qui est totalement cartilagineuse à la naissance et dont l’ossification commence à partir du 4ème mois de vie. Elle apprécie la position de la tête par rapport au cotyle et elle évalue la dysplasie acétabulaire. Ceci est réalisé de façon statique et dynamique.

Pour en tirer tous les bénéfices, elle doit respecter les critères suivants :

·         Ne pas être demandée avant le l’âge d’un mois car l’immaturité de la hanche fait porter à tort le diagnostic de dysplasie de hanche.

·         Avoir des coupes frontales strictes avec une aile iliaque rectiligne et bien visualiser le pubis.

·         Etre toujours analysée comparativement à l’examen clinique

Les meilleurs critères d’analyse sont la mesure de la couverture osseuse et de la distance tête-fond du cotyle. La hanche est considérée comme normale si :

·         Couverture osseuse ≥ 50%

·         Distance tête-fond du cotyle ≤ 5mm

Radiographie

Elle doit être réalisée de manière stricte, sans rotation ni bascule du bassin.

Elle est réalisée idéalement à partir du 4ème mois afin d’apprécier la position du noyau fémoral par rapport au cotyle.

Elle permet d’évaluer également la morphologie cotyloïdienne.

Quand et quel examen demander ?

·         A la naissance, seul l’examen clinique est systématique et obligatoire, consigné dans le carnet de santé.

  • Si l’examen est normal, il n’y a pas d’indication à réaliser des examens complémentaires. L’examen clinique sera répété à chaque consultation.
  • En présence de facteurs de risque (antécédents familiaux, présentation du siège, présence d’éléments du syndrome postural) on demandera une échographie de hanche à l’âge de 1 mois.
  • Si l’examen est  anormal (ressaut, limitation de l’abduction) ou douteux, on demandera une échographie.
  • Pour surveiller un traitement, on réalise soit une échographie chez le très jeune enfant (< 4 mois), soit de préférence une radiographie de bassin.

Comment éviter de découvrir des LCH après la marche ?

·         S’assurer que l’enfant a bien été examiné à la naissance

·         Renouveler les examens cliniques en recherchant une limitation de l’abduction

·         Demander une échographie de hanche en cas de facteurs de risque : ATCD familiaux, présentation du siège, syndrome postural

 

 

Références :

 

1.      Abuamara S, Dacher JN, Gaucher S, Lechevallier J, Brossard V, Delhaye L,  Durand C, Levasseur F, Henocq A. La maladie luxante de hanche. Organisation du dépistage et de la prise en charge. Arch Pédiatr 1999, 6, 675-82

2.      Barlow TG. Early diagnosis and treatment of congenital dislocation of the hip. J Bone and Joint Surg Br, 1962, 44B, 292-301

3.      Diméglio A, Hérisson C, Simon L. La maladie luxante de la hanche de l’enfant et de l’adolescent. Masson, 2000

4.      Fenoll B. In Chirurgie et orthopédie de la luxation congénitale de la hanche avant l’âge de la marche. Pennecot G, Touzet P. Monographie du GEOP. Montpellier : Sauramps Médical, 1994

5.      Fron D. La luxation congénitale de hanche vue par l’orthopédiste pédiatre. mt pédiatrie, vol 10, n°2, mars-avril 2007

6.      Pennecot G, Touzet P. Chirurgie et orthopédie de la luxation congénitale de la hanche avant l’âge de la marche. Monographie du GEOP. Montpellier : Sauramps Médical, 1994

7.      Seringe R. Dysplasies et luxations congénitales de la hanche. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Appareil locomoteur, 15-226-A-10, Pédiatrie, 4-007-E-10, 1998, 29 p.