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Les déficits immunitaires chez l'enfant



Dr Caroline THUMERELLE

 

 

Les déficits immunitaires héréditaires (DIH) constituent un groupe hétérogène de maladies d’origine génétique, affectant au moins un composant du système immunitaire (immunité innée et adaptative) responsable d’une susceptibilité infectieuse accrue. Environ 200 enfants naissent chaque année en France avec un déficit immunitaire constitutionnel (1 naissance sur 5000), et la cohorte française représente environ 5000 patients.

Les DIH humoraux représentent 70 % de l’ensemble des DIH. Ils se caractérisent par une anomalie de la fonction anticorps, qu’elle soit quantitative ou parfois qualitative. Ces DIH se révèlent le plus souvent à l’âge pédiatrique, les premières infections survenant en général après un intervalle libre de quelques mois après la naissance du fait de la protection passive du nourrisson par les IgG maternelles transmises au cours de la vie fœtale. Toutefois certains types de DIH humoraux se caractérisent par une présentation plus tardive avec des diagnostics chez l’adolescent voire l’adulte. Le tableau clinique est habituellement celui d’une susceptibilité infectieuse prédominant sur les voies aériennes (ORL et broncho-pulmonaires), pouvant toucher également le système digestif, le système nerveux central, les articulations, les voies urinaires,…. Les germes les plus impliqués sont les bactéries pyogènes et encapsulées.

Le tableau infectieux est inhabituel par la fréquence des infections et une exploration de l’immunité est conseillée à partir de 8 otites par an chez l’enfant de moins de 4 ans après avoir éliminé une cause locale, de 4 otites par an chez l’enfant de plus de 4 ans et de 2 à 4 otites par an chez l’adolescent et l’adulte, la survenue de plus de 2 pneumopathies et de plus de 2 sinusites aiguës (dont éthmoïdite) quel que soit l’âge, ou la répétition d’infections à pyogènes (cutanées, tissulaires). Le tableau infectieux peut également être inhabituel par la gravité des infections (méningites, sepsis), la récidive infectieuse avec le même pathogène, l’évolution trainante malgré une prise en charge adaptée ou la chronicité des symptômes infectieux. Certains déficits immunitaires humoraux sont associés à une hyperplasie lymphoïde chronique (digestive, adénopathies périphériques, hépato-splénomégalie, anneau de Waldeyer) qui associée à une susceptibilité infectieuse doit faire évoquer un déficit humoral. Enfin, dans certains cas, le diagnostic sera évoqué sur des antécédents familiaux, un retard staturo-pondéral, des signes associés (nanisme, dysmorphie,…) ou une auto-immunité.

Le bilan de première intention comprend une NFS, un dosage pondéral des immunoglobulines (IgA, IgG, IgM), et une étude de la capacité à produire des anticorps spécifiques par des sérologies post-vaccinales (tétanos, poliomyélite, hæmophilus ou pneumocoque, selon les vaccinations antérieures). Ces sérologies seront à interpréter en fonction de la date vaccinale. En cas de négativité, elles seront réévaluée après une nouvelle vaccination (> 4-8 semaines plus tard).

Si le bilan de première intention est normal, il conviendra de refaire le point sur toutes les autres causes de susceptibilité infectieuse (locales ou générales). S’il existe des arguments forts en faveur du diagnostic de DIH ou s’il y a des anomalies sur le premier bilan, la biologie sera contrôlée et complétée par une étude des sous-classes d’IgG (jamais avant 18 mois), un immuno-phénotypage lymphocytaire, voire une étude lymphocytaire complète (culture cellulaire).

Le bilan biologique est toujours à interpréter en fonction de l’âge, les nourrissons et jeunes enfants ont en effet une hypogammaglobulinémie constitutionnelle transitoire. Le dosage des IgG avant 4 mois n’est pas représentatif de la production endogène du nourrisson mais de l’immunisation maternelle passive. Les sérologies post-vaccinales ne sont pas interprétables avant l’âge de 6-7 mois.

Les DIH humoraux purs se classent selon les résultats du bilan biologique en déficit en IgA (44%), déficit immunitaire commun variable (DICV) (30%), agammaglobulinémie (10%), déficit en sous-classes d’IgG (1,2 ou 3) (8%), hypogammaglobulinémie transitoire du jeune enfant (4%) et syndrome d’hyper Ig M (4%) Les déficits en IgA sont le plus souvent asymptomatiques et sont présents chez 1 personne sur 700, seuls les déficits en IgA complet sont associées à une susceptibilité infectieuse principalement digestive avec risque de giardiase chronique. L’expression clinique d’un déficit immunitaire humoral associé à un déficit en IgA doit toujours faire rechercher l’association d’un déficit en IgG ou sous-classe d’IgG (IgG2 ). Les agammaglobulinémies ont été les premiers déficits immunitaires décrits (1952), se caractérisant par une absence totale d’immunoglobulines circulantes (IgG, IgA, IgM, IgE, IgD) par alymphocytose B. Elles peuvent être de transmission récessive liée à l’X (maladie de Bruton) ou autosomique récessive. Leur expression clinique est précoce dans les premiers mois de vie. Les DICV sont les plus fréquents des DIH humoraux symptomatiques (1/ 25 000 naissances). Il s’agit d’un groupe hétérogène de maladies dont la dénomination commune est une susceptibilité accrue aux infections pouvant se révéler à tout âge avec 2 pics de fréquence (6-10 ans et 26-40 ans). Ce déficit immunitaire peut être isolé ou s’associait à diverses présentations phénotypiques : auto-immunes (cytopénies, maladie de Biermer, polyarthrite, maladie cœliaque) ou prolifératives (hypertrophie lymphoïde chronique, splénomégalie, granulomatose, lymphome, cancer). Les critères diagnostiques sont l’association de manifestations infectieuses évoquant un déficit humoral, une diminution du taux d’au moins 2 isotypes d’immunoglobulines, le plus souvent IgG (globale ou une sous-classe) et IgA, et l’exclusion de tout autre diagnostic différentiel.

Parmi les diagnostics différentiels, les déficits de type humoral secondaires sont fréquents : par perte d’immunoglobulines (syndrome néphrotique, entéropathie exsudative, brûlures sévères), les splénectomies chirurgicales ou fonctionnelles, les hémopathies malignes de la lignée B (myélome, leucémie lymphoïde chronique), les greffes de moelle osseuse et certains traitements de fond (captopril, carbamazépine, sulfasalazine,…).

Le traitement des DIH humoraux reposent sur la prise en charge symptomatique des infections et des leurs séquelles, et surtout une substitution en immunoglobulines G (à l’exclusion des déficits en IgA isolés et des hypogammaglobulinémies transitoires) par des perfusions intraveineuses ou sous-cutanées régulières.

 

Référence :

 

C. Picard. Comment explorer un déficit immunitaire héréditaire? Rev Prat 2007 ;57 :1671-6.