La maladie de Gelineau



Dr Christelle MONACA

 

 

 

Dans la population générale, la plainte de somnolence diurne est fréquente. Le symptôme « somnolence » est souvent banalisé et quand il ne l’est pas, le premier diagnostic à être évoqué est le syndrome d’apnées du sommeil. Cependant, d’autres pathologies peuvent être à l’origine de ces troubles de la vigilance. L’un d’entre eux est la narcolepsie avec ou sans cataplexie. La narcolepsie est une pathologie se manifestant principalement par des troubles de la vigilance. Sa prévalence est estimée à 0,05%. Il est noté deux pics d’apparition, le premier vers 15 ans et le second vers 35 ans (Dauvilliers et al., 2001).

 

En pratique, de quoi se plaignent les patients ?

 

La classique tétrade de la narcolepsie associe une somnolence diurne excessive, des cataplexies, des hallucinations hypnagogiques et/ou hypnopompiques et des paralysies du sommeil. Cependant, tous ces signes ne sont pas nécessaires au diagnostic et tous ne sont pas spécifiques de la narcolepsie (Dauvilliers et al., 2007). Seules la somnolence diurne excessive et les éventuelles cataplexies font parties des critères diagnostiques de narcolepsie.

 

- La somnolence diurne excessive est en général le motif de consultation. Elle est présente chez tous les patients. Les accès de somnolence sont récurrents tout au long de la journée. Il s’agit de besoins irrépressibles de dormir, notamment lors des périodes d’inactivité physique. Une sieste courte est réparatrice et permet en général au patient de retrouver une vigilance satisfaisante pendant quelques heures.

 

 La somnolence chez l’enfant se manifeste différemment : un enfant somnolent fait rarement des siestes. Sa somnolence se manifestera de façon paradoxale par une agitation, voire même une hyperactivité. Un enfant somnolent aura fréquemment une baisse de ses résultats scolaires.

 

- Les cataplexies : spécifiques mais inconstantes. Elles correspondent à une perte de tonus musculaire partielle ou généralisée. Elles surviennent lors des émotions (et notamment lors d’un fou rire). Elles durent quelques secondes à quelques minutes. Elles ne sont jamais associées à une perte de connaissance.

Quelques exemples de cataplexies : difficultés à parler du fait d’une dysarthrie, lâchage d’un objet, faiblesse musculaire des membres inférieurs, chute…

 

 Piège classique : chez une personne somnolente, la survenue d’un « malaise » sans perte de connaissance doit faire penser à la possibilité d’une cataplexie. Interroger sur les circonstances de survenue (fou rire, peur…).

 

 

- Les hallucinations hypnagogiques (qui surviennent lors de l’endormissement) ou hypnopompiques (survenant lors d’un réveil nocturne). Elles peuvent être visuelle, auditive, somesthésique. Elles sont présentes chez 20 à 65 % des patients et elles ne sont pas spécifiques de la narcolepsie.

 

- Les paralysies du sommeil sont présentes chez environ 25% des patients. Elles ne sont pas spécifiques de la narcolepsie.

 

Quelques mots sur le sommeil nocturne : le sommeil de ces patients la nuit est en général de mauvaise qualité. Certes, l’endormissement le soir se fait rapidement. Par contre, l’organisation cyclique n’est pas retrouvée, le sommeil est entrecoupé de nombreux éveils pour 70% des patients et il est noté un éveil matinal précoce très fréquemment (Plazzi et al., 2008).

 

Autres signes :

1.      prise de poids au début de la maladie (Chabas et al., 2007), notamment chez l’enfant.

2.      Syndrome dépressif pour 18 à 37% des patients (Vandeputte et al., 2003).

 

Que faire devant un patient somnolent ?

 

1) Affirmer la plainte de somnolence diurne excessive par l’interrogatoire mais aussi par l’échelle de somnolence d’Epworth (Johns, 1991). Il s’agit d’un auto-questionnaire. Un score supérieur ou égal à 10 est en faveur d’une somnolence diurne excessive.

 

2) Eliminer une dette de sommeil. Un moyen simple pour rechercher ce diagnostic est le remplissage par le patient d’un calendrier de sommeil pendant une quinzaine de jours.

 

3) Un bon interrogatoire permet d’évoquer le diagnostic de narcolepsie.

Quelles questions poser ?

ØLe matin, vous réveillez vous reposé ?

ØDans la journée, avez-vous une somnolence importante et/ou des endormissements inopinés ou incoercibles ?

ØDans la journée, lorsque vous faîtes la sieste, celle-ci est elle réparatrice ?

ØVous arrive-t-il de rêver pendant la sieste ?

ØAvez-vous une impression de faiblesse musculaire lors des émotions et notamment lors d’un fou rire ?

Une réponse affirmative à une ou plusieurs de ces questions doit vous faire penser au diagnostic de narcolepsie.

 

4) Pour confirmer le diagnostic de narcolepsie, un enregistrement polysomnographique associé à des tests itératifs de latence d’endormissement est nécessaire. Lorsque cela est possible, il est préférable que cet enregistrement soit réalisé dans un centre de référence ou de compétence labellisé pour les hypersomnies.

 

Deux types de narcolepsie existent : la narcolepsie sans cataplexie et la narcolepsie avec cataplexie.

Les critères diagnostiques sont les suivants :

 

Critères diagnostiques : narcolepsie sans cataplexie (ISCD2, 2005):

 

1)      Plainte de somnolence diurne excessive depuis plus de 3 mois.

2)      Absence de cataplexie ou doute.

3)      A la polysomnographie et aux tests itératifs de latence d’endormissement : latence moyenne inférieure à 8 minutes et au moins 2 endormissements en sommeil paradoxal.

4)      Absence d’autres étiologies pour expliquer la somnolence diurne excessive.

 

Critères diagnostiques : narcolepsie avec cataplexies (ISCD2, 2005):

 

5)      Plainte de somnolence diurne excessive depuis plus de 3 mois.

6)      Présence de cataplexies.

7)      A la polysomnographie et aux tests itératifs de latence d’endormissement : latence moyenne inférieure à 8 minutes et au moins 2 endormissements en sommeil paradoxal

ou dosage d’hypocrétine dans le LCR avec des taux <110 pg/ml.

8)      Absence d’autres étiologies pour expliquer la somnolence diurne excessive.

 

Comment différencier la narcolepsie des autres causes de somnolence diurne excessive ?

 

Dans la classification des troubles du sommeil de l’ISCD2 (2005), de nombreuses pathologies sont à l’origine d’une plainte de somnolence diurne excessive.

Les étiologies les plus classiques sont les suivantes :

 

- Somnolence secondaire à une dette de sommeil

- Hypersomnies centrales :

narcolepsies avec ou sans cataplexies

narcolepsies secondaires à un trouble médical

hypersomnie avec ou sans temps de sommeil allongé

hypersomnies récurrentes dont le syndrome de Kleine-Levin

- les troubles respiratoires nocturnes dont le syndrome d’apnées du sommeil de type obstructif

 

Le diagnostic différentiel peut être fait le plus souvent à l’aide d’un enregistrement polysomnographique nocturne associé à des tests itératifs de latence d’endormissement.

Cependant, l’interrogatoire et l’agenda de sommeil permettent d’orienter le diagnostic :

 

 

 

 

 

 

Insuffisance de sommeil

Syndrome d’apnées du sommeil

narcolepsie

Hypersomnie avec temps de sommeil allongé

Calendrier de sommeil

Très informatif sur le temps de sommeil nocturne

 

Siestes courtes

 

Sommeil nocturne réparateur

/-

non

oui

Non ivresse de sommeil au lever

Durée des siestes

variable

variable

courte

prolongée

Sieste rafraîchissante

/-

non

oui

non

PSG

 

Confirmation du diagnostic

Suspicion du diagnostic

Temps de sommeil allongé

TILE

 

 

< 8 min et au moins 2 endormissements en SP

 

 

PSG = polysomnographie

TILE = tests itératifs de latence d’endormissement 

SP = sommeil paradoxal

 

Les centres de sommeil

Site de la SFRMS : http://www.sfrms.org/

Orphanet centres de référence et de compétence (à voir cet été si mise à jour)