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La vitamine D : quelles indications ?

 

Docteur Vincent DUCOULOMBIER

Hôpital Saint-Philibert

Service de rhumatologie

160 rue du Grand But

59160 LOMME

 

D’où vient-elle ?

 

La vitamine D a 2 origines : la synthèse cutanée (production de pro-vitamine D3 sous l’effet de rayonnements UVB) et l’alimentation (vitamine D2 d’origine végétale et vitamine D3 d’origine animale). En France, l’alimentation n’apporte quotidiennement que très peu de vitamine D. La photosynthèse cutanée constitue de loin la principale source de vitamine D.

 

Dans l’organisme, La vitamine D est hydroxylée en 25(OH)D au niveau du foie, puis subit une 2ème hydroxylation au niveau du rein pour former la 1,25(OH)D. La 1,25(OH)D constitue la forme active de la vitamine D.

 

Plusieurs facteurs peuvent avoir un impact négatif sur la production et la biodisponibilité de la vitamine D. Il s’agit essentiellement de l’âge (moindre exposition au soleil, diminution des capacités de synthèse cutanée, altération de la fonction rénale), le défaut d’exposition au soleil (latitude, vêtements), la pigmentation de la peau (filtration plus importante des UVB), la quantité de masse grasse (vitamine liposoluble, d’où un risque de séquestration), l’insuffisance des apports alimentaires.

 

A quoi sert-elle ? [1-16]

 

Le rôle de la vitamine D dans le métabolisme osseux est clairement établi. Elle favorise notamment l’absorption intestinale du calcium. Un déficit profond et prolongé en vitamine D peut être responsable d’un défaut de minéralisation osseuse et être à l’origine de pathologies telles que le rachitisme (chez l’enfant) et l’ostéomalacie (chez l’adulte). Un déficit moins profond peut entraîner une hyperparathyroïdie secondaire, responsable d’une augmentation de la résorption osseuse, d’où un risque d’aggravation d’une ostéoporose.

 

Dans le cadre de l’ostéoporose, plusieurs études plaident en faveur d’un effet anti-fracturaire de la vitamine D. On sait aussi qu’un déficit aggrave la perte osseuse et entraîne une diminution de l’efficacité des traitements anti-ostéoporotiques.

 

La vitamine D joue également un rôle important sur la fonction musculaire. Un déficit s’accompagne d’une diminution de la force musculaire. Une supplémentation médicamenteuse permet de diminuer le risque de chute.

 

Récemment ont été publiées de nombreux articles suggérant des effets extra-squelettiques de la vitamine D dans des pathologies très diverses et parfois inattendues. Cette vitamine pourrait ainsi permettre de diminuer le risque de développer certains cancers, une sclérose en plaques, un diabète, des poussées de maladies inflammatoires telles que la polyarthrite rhumatoïde ou la maladie de Cröhn, une hypertension artérielle, une arthrose, des infections virales…Il n’existe cependant pas d’essais randomisés établissant clairement ces hypothèses.

 

Chez qui la doser ?

 

Un déficit en vitamine D doit être systématiquement recherché lors de la découverte d’une ostéoporose.

 

D’autres situations peuvent également amener à proposer un dosage de la vitamine D : personnes âgées vivant en institution, survenue d’une fracture chez un patient ostéoporotique traité, chutes à répétition, douleurs osseuses ou musculaires chroniques, pathologie dermatologique étendue, syndrome de malabsorption, anomalie du bilan phosphocalcique ou élévation de la PTH, insuffisance rénale, insuffisance hépatique sévère, …

 

Quelle forme doser ?

 

La recherche d’une insuffisance en vitamine D se fait par le dosage sanguin de la 25(OH)D, et non pas par le dosage de son métabolite actif. Le taux de 25(OH)D (= 25(OH)D2 25(OH)D3) est le meilleur reflet des stocks de vitamine D de l’organisme. En cas d’insuffisance en vitamine D, la 1,25(OH)D peut être normale voire élevée car le déficit entraîne une augmentation de sécrétion de la parathormone qui elle-même stimule l’hydroxylation rénale.

 

Quelles normes utiliser ? [17-21]

 

La définition de l’insuffisance a fait l’objet de nombreux débats. Le seuil a été revu plusieurs fois à la hausse et la plupart s’accorde pour retenir actuellement la valeur de 30 ng/ml. La carence en vitamine D correspond quant-à-elle à un taux inférieur à 10 ng/ml.

 

Ce seuil a été retenu essentiellement parce que les effets bénéfiques de la vitamine D, notamment osseux et musculaires, ont été retrouvés pour des valeurs supérieures ou égales à 30 ng/ml.

 

En ce qui concerne la valeur maximale « autorisée », elle est souvent fixée aux alentours de 80 ou 100 ng/ml. Il est à noter que les cas publiés d’intoxication à la vitamine D faisaient état de taux sanguins souvent supérieurs à 150 ng/ml…

 

Quelle est la prévalence du déficit ? [18,22,23]

 

La prévalence du déficit en vitamine D est très importante sous nos latitudes, notamment en France. Elle varie en fonction des études et des populations étudiées (60 à 97% !). Un déficit est  particulièrement fréquent chez les patients ostéoporotiques ou les personnes institutionnalisées.

 

Comment corriger un déficit ? [17,19,24-28]

 

Il est illusoire de corriger un déficit profond chez une personne âgée autrement que par une supplémentation médicamenteuse.

 

La correction d’un déficit en vitamine D est une étape indispensable avant la prescription d’un traitement anti-ostéoporotique.

 

Nous disposons de nombreuses spécialités contenant de la vitamine D. Elles contiennent soit de la D3, soit de la 25(OH)D3, soit de la D2, soit de la 1(OH)D3, soit de la 1,25(OH)D3.

Les 2 dernières formes citées ne sont réservées qu’à des situations très particulières (insuffisance rénale sévère, ostéomalacie vitaminorésistante, hypoparathyroïdie,…).

 

La prescription de vitamine D3 doit être privilégiée, car elle est plus efficace que la D2 pour corriger les insuffisances.

 

Un traitement d’attaque, avec dose de charge, est nécessaire. La posologie dépend du taux de 25(OH)D initial.

 

Il n’y a pas de protocole clairement validé à ce jour, permettant à coup sûr d’obtenir un taux d’au moins 30 ng/ml.

 

Citons par exemple un schéma récemment proposé par Souberbielle et col., relativement simple, peu contraignant pour le patient, basé sur l’utilisation d’ampoules de 100 000 U de vitamine D3 en prises ponctuelles, et permettant dans la plupart des cas une correction rapide du taux de 25(OH)D :

 

Si 25(OH)D < 10ng/ml :

prescrire 1 ampoule  toutes les 2 semaines pendant 2 mois (soit 4 ampoules en tout)

Si 25(OH)D entre 10 et 20ng/ml :

prescrire 1 ampoule toutes les 2 semaines pendant 1,5 mois (soit 3 ampoules en tout)

Si 25(OH)D entre 20 et 30ng/ml:

prescrire 1 ampoule toutes les 2 semaines pendant 1 mois (soit 2 ampoule au total)

 

Faut-il maintenir des apports en vitamine D après correction d’un déficit ? [19,24-26,29]

 

Les apports recommandés en vitamine D varient en fonction des populations et des sociétés savantes. Chez les personnes âgées et les patients ostéoporotiques, il est nécessaire d’apporter au moins 800U/j pour maintenir un taux de 25(OH)D à au moins 30ng/ml.

 

Le traitement d’attaque est donc relayé dans la majorité des cas par un traitement d’entretien. Il peut être administré de manière quotidienne ou intermittente. Le choix dépendra notamment de la préférence des patients, le but étant de privilégier l’observance.

 

Si le choix se porte sur des apports ponctuels, il faudra privilégier la D3 au dépend de la D2, car sa demi-vie plus longue permet d’obtenir des taux de 25(OH) plus stables.

 

La vitamine D peut être aussi apportée par le biais d’une association calcium/vitamine D (notamment pour les patients dont les apports alimentaires ne permettent pas de couvrir les besoins quotidiens en calcium) ou une association bisphosphonate/vitamine D (notamment pour les patients ostéoporotiques, traités par bisphosphonate hebdomadaire, n’ayant pas besoin d’une supplémentation calcique).

 

La question des apports calciques est également fondamentale lors de la prise en charge d’une ostéoporose. Les besoins quotidiens (environ 1000 à 1200 mg/j) peuvent être apportés plus facilement par l’alimentation, ce qui permet d’éviter le recours à une supplémentation dans bien des cas. Des outils tels que l’auto-questionnaire de Fardellone permettent d’évaluer simplement les apports calciques alimentaires.

 

Faut-il contrôler le taux de vitamine D sous supplémentation ? [30]

 

En l’absence de protocole de supplémentation médicamenteuse garantissant, en cas d’insuffisance initiale, l’obtention d’un taux suffisant de vitamine D, il est conseillé de contrôler la 25(OH)D environ 1 à 2 mois après le début de la supplémentation

 

Une fois que le taux de 25(OH)D a atteint la valeur souhaitée, il n’est pas nécessaire de contrôler régulièrement.

 

Certaines situations peuvent cependant inciter à effectuer un nouveau dosage, notamment une suspicion de mauvaise observance thérapeutique, la survenue d’une fracture malgré un traitement anti-ostéoporotique, une obésité, un doute sur une malabsorption, …

 

 

 

Références :

 

 

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