Fièvres éruptives chez l'enfant
Docteur Catherine WEMEAU
Affections fréquentes de la petite enfance, ces fièvres éruptives sont dues le plus souvent à des agents infectieux viraux ou bactériens dont elles constituent la primo-infection, elles peuvent être aussi révélatrices d’affections beaucoup plus sévères.
Leur diagnostic relève essentiellement d’une analyse séméiologique soigneuse, aisé pour des éruptions à l’évolution stéréotypée, parfois plus difficile, l’important étant de ne pas méconnaitre des affections nécessitant une prise en charge urgente ou spécifique.
Définitions
- purpura : extravasation de globules rouges dans le derme qui ne s’efface pas à la vitropression
- exanthème : éruption cutanée d’aspect varié
- érythème : lésion élémentaire à type de macule rouge disparaissant à la vitropression
- érythème généralisé, maladie
de type morbilliforme (ressemble à la rougeole):érythème étendu fait d’éléments de petites taille (<1cm de diamètre) avec intervalle de peau saine
de type scarlatiniforme (ressemble à la scarlatine)
érythème rouge vif, en grands placards continus sans intervalle de peau saine
de type roséoliforme (ressemble à la roséole syphilitique):érythème fait de tâches roses, mal délimitées avec large intervalle de peau saine.
I LES PURPURAS FEBRILES
1° Le purpura méningococcémique
Tout purpura fébrile doit être suspect d’infection à méningocoque
purpura extensif, pétéchial puis ecchymotique et nécrotique
associé à un état septique avec fièvre, frissons, prostration
précédé de douleurs des membres inférieurs, de pâleur et ou de marbrures cutanées au niveau des extrémités
Traitement antibiotique d’urgence en IM ou IV : Rocéphine, 50mg/kg et transport médicalisé vers le centre hospitalier
2° Autres germes impliqués
- purpura fulminans au cours d’infection a H Influenzae, S Pneumoniae, streptococcus β Hémolytique, …..
- purpura et viroses : pétéchial non extensif au cours de rougeole, varicelle, grippe….
- syndrome en gants et chaussettes, infection à Parvovirus B19 ou autres virus EBV, CMV, HBS ….
II LES PRINCIPALES MALADIES ERUPTIVES
1ère Maladie : la Rougeole
Maladie de déclaration obligatoire, contagiosité 10j, 6j après le contage à 2j après le début de l’éruption
Incubation : 10-14 J
Invasion : 3 à 4 jours avec fièvre progressive, catarrhe oculo-nasal et bronchique avec toux sèche ou « férine », faciès pleurard
Signe spécifique : les tâches endobuccales de Köplick autour de l’orifice du canal de Stenon
Eruption : 15 jours après le contage, débute derrière les oreilles et s’étend en 3 jours sous forme de maculo-papules confluentes avec intervalles de peau saine, non prurigineuse
La fièvre disparait lorsque l’extension des lésions est terminée. Toute reprise de fièvre évoque une complication, parfois sévère
. surinfections respiratoires, bronchopneumopathies, otites, laryngites
. pneumopathies dues au virus morbilleux
. encéphalite aigue, 6èm j au 10èm j après l’éruption, kératites
. leucoencéphalite sclérosante subaigue, maladie dégénérative lente apparaissant 7 à 9 ans après la maladie, létale
La gravité de ces complications justifie l’amélioration de la couverture vaccinale afin d’obtenir l’éradication de la rougeole en France et en Europe avec pour objectif, une couverture vaccinale par 2 doses de vaccin pour 95% de la population (Objectif OMS 2010) an
Recommandations générales (1) (institut de veille sanitaire 2010)
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À 12 mois |
1e dose du vaccin trivalent |
Entre 13 et 24 mois |
2e dose du vaccin trivalent
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Enfants et adolescents de plus
de 24 mois, nés depuis 1992 |
1e et 2e dose
du vaccin trivalent. |
Personnes nées entre 1980 et 1991 |
Au moins 1 dose du vaccin trivalent pour les personnes n'ayant jamais été vaccinées contre la rougeole et quels que soient les antécédents vis-à-vis des trois maladies |
Vaccination des groupes à risque
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Groupes à risque |
Vaccin |
Nourrissons de moins de 12 mois entrant en collectivité |
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Voyageurs dans une zone de forte endémicité, non vaccinés et sans antécédent de rougeole (2) |
Nourrissons : |
Professionnels de santé non vaccinés, sans antécédent de rougeole ou dont l'histoire est douteuse et dont la sérologie est négative parmi les suivants : professions de santé en formation, à l'embauche ou en poste, en priorité dans les services accueillant des sujets à risque de rougeole grave. |
Nés après 1980 : |
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2 LA RUBEOLE
Maladie contagieuse, à porte d’entrée respiratoire, le plus souvent bénigne ou inapparente mais dangereuse lorsqu’elle est contractée par une femme enceinte à l’origine d’une redoutable rubéole congénitale, justifiant sa prévention par la vaccination
Incubation : 15 J
Invasion : 2 J avec fébricule, arthralgies et adénopathies cervicales
Eruption débutant au visage puis se généralisant en 48 H, maculo-papuleuse, morbilliforme le premier jour puis confluente scarlatiniforme le 2èm jour aux fesse et racines des cuisses ; éphémère elle disparait en 2 à 4 j avec une inconstante desquamation fine
Complications
. polyarthralgies, .purpura thrombopénique, méningoencéphalite
. rubéole congénitale
3 MEGALERYTHEME EPIDEMIQUE ou 5ème maladie
Contamination respiratoire par le parvovirus B19
Incubation 10à12 J
Invasion : asymptomatique, 7J
Eruption évoluant en 3 stades :
.Erythème maculo-papuleux des joues, aspect souffleté, « en paire de claques »
.Macules rosées sur les membres, 3 jours plus tard, en carte géographique ou en dentelle à centre clair et coloration périphérique légèrement prurigineuses
.Effacement lent en 10 j avec recrudescence à la chaleur et au soleil
accompagnée de fièvre modérée à 38°, rarement de céphalées, de douleurs abdominales, d’arthralgies
Complications
Erythroblastopénie chez des patients présentant une hémoglobinopathie
4 L’EXANTHEME SUBIT 6èm maladie ou Roséole infantile
Contamination par voie respiratoire du virus herpès 6 (HHV6)
Incubation : 3 à 5 J
Invasion :3 J, marquée par une fièvre à 39° 40° isolée ou associée à des convulsions fébriles, des troubles digestifs, un érythème vésiculeux du pharynx, pharyngé, des adénopathies cervicales
Eruption, apparition au 3èm jour de la fièvre qui disparait brutalement, macules ou maculo-papules rosées, pâles et discrètes au niveau du tronc et des membres, respectant le visage, durant 48h.
5 LA SCARLATINE
Toxi-infection liée à la diffusion systémique de la toxine érythrogène du streptocoque hémolytique du groupe A, à porte d’entrée le plus souvent pharyngée ; affection contagieuse et immunisante
Incubation : 3 à 5 J
Invasion : 2 à 3 J avec fièvre brutale à 40°, tachycardie dissociée, angine très dysphagique rouge avec adénopathies cervicales douloureuses, langue uniformément blanche, vomissements
Eruption en nappe rouge foncé débutant au tronc puis diffusant à l’ensemble du corps en 24h, granitée sans intervalle de peau saine, s’effaçant à la vitropression, ecchymotique aux plis de flexion, respectant la région péribuccale et narinaire les paumes et les plantes de pied
accompagnée de la fièvre persistante élevée, de l’angine avec desquamation de la langue d’avant en arrière durant 7 j donnant un aspect de V rouge des bords entourant la blancheur résiduelle centrale puis une desquamation avec un aspect vernissé framboisé
_Non traitée évolution durant 7 jours avec une chute en paliers de la fièvre, palissement de l’éruption avec une langue qui reste dépapillée, apparition secondaire d’une desquamation fine sur le tronc et la face, en larges lambeaux aux mains et aux pieds (aspect en gants et chaussettes)
_ Traitée par antibiotiques (PenicillineG-Ampicilline) disparition en 48 H de la fièvre et de l’angine, pas de modification évolutive de l’éruption.
Complications devenues exceptionnelles compte tenu de l’antibiothérapie précoce : locorégionales (adénite cellulite, mastoïdite), glomérulonéphrite, rhumatisme articulaire aigu
6 LA VARICELLE
Diffusion systémique après contamination respiratoire du virus varicelle-zona, dont elle représente une primo-infection
La varicelle est la plus commune et la plus aisée de diagnostic des fièvres éruptives de l’enfant
Incubation 14 à 16 J
Invasion : malaise général avec fièvre à 38°-40°, durant 24h à 48h
Eruption cyclique, avec plusieurs vagues éruptives de 3 à 4 j durant 9 à 15 j accompagnée de fièvre, de microadénopathies diffuses
Chaque vague éruptive voit succéder :
-des maculo-papules rouges
-puis des vésicules, en leur centre » goutte de rosée » épidermique, légèrement prurigineuse
-puis flétrissement et croutelles, nettement plus prurigineuses suivies d’une desquamation en 4 à 5 j
-touche le cuir chevelu et épargne les paumes et les plantes de pieds
-peut être associée à une atteinte des muqueuses buccales, conjonctivales, génitales
Complications non exceptionnelles
-infectieuses : surinfection à streptocoque A, staphylocoque doré
à type de cellulite, dermo-hypodermite, fasciite nécrosante plus fréquentes chez le nourrisson et l’enfant de moins de 5ans
-neurologiques : ataxie bénigne par cérébellite survenant 6 à 7 jours après l’éruption, convulsions fébriles
-viscérales : forme grave avec localisation pulmonaire, myocardique, hépatique, ….
facteurs de risque la contamination intra-familiale
les maladies sous jacentes : asthme immunodépression
Les traitements : corticoïde, AINS, immunosuppresseurs
l’âge : moins de 1 an surtout le nouveau-né après une contamination maternelle à J-5 à J 2/ accouchement.
7 HERPES CUTANE
Contamination par Herpès virus simplex, HSV1 ou 2 transmis par contact cutané ou muqueux
-Erythème suivi de l’apparition de microvésicules regroupées en bouquet
évolution crouteuse et guérison en 7 à 10j
localisation au niveau de la région péri-buccale associée à la gingivostomatite
- Forme disséminée, grave favorisée par l’eczéma, correspondant au syndrome de Kaposi-Julinsberg avec éruption vésiculeuse disséminée, fièvre, altération de l’état général dissémination viscérale.Traitement par Acyclovir IV (5mg/kg/8H)
III AUTRES FIEVRES ERUPTIVES BACTERIENNES OU VIRALES A EVOLUTION ATYPIQUE NON STEREOTYPEE
Leur diagnostic repose sur la notion de contage, du statut vaccinal, de l’anamnèse récente et de l’histoire de la maladie, de l’analyse soigneuse de l’éruption, de son évolution, de sa localisation. Les investigations complémentaires biologiques sont, en règle, peu utiles au diagnostic, les études sérologiques, rarement nécessaires.
Fièvre éruptive morbilliforme au cours d’infections à :
Entérovirus (coxsackie et Echo virus), Adénovirus
MNI et infection à Virus Epstein Barr, Myxovirus parainfluenzae
Mycoplasma, ricketsioses, leptospiroses
Fièvre éruptive scarlatiniforme au cours d’infections
bactériennes : staphylococcique, méningococcique, typhoïde
virales : MNI, Echo virus
Fièvre vésiculeuse au cours d’infection virale : syndrome « main pied bouche », infection à virus coxsackie A 12
Impétigo bulleux staphylococcique ou streptococcique
IV LES FIEVRE ERUPTIVES ET MALADIES DE SYSTEME
L’éruption survient dans un contexte de fièvre continue, élevée, mal tolérée avec altération de l’état général et des signes d’atteinte polyviscérale, éléments de gravité, tels que des douleurs cutanées, douleurs abdominales, vomissements, diarrhée
un syndrome méningé, une hépato splénomégalie
des anomalies du pouls et de la TA
1 ° LA MALADIE DE KAWASAKI
Maladie aigue, décrite en 1967, d’étiologie indéterminée, plurifactorielle déterminant un vascularite auto-immune (rôle probable d’un super antigène), prédominant chez le nourrisson et le jeune enfant de moins de 5 ans, sexe ratio de 1,3 à 1,8, appelé aussi syndrome lympho-cutanéo-muqueux
A évoquer devant une fièvre élevée de 38°5 à 40° depuis plus de 5 jours, ne régressant pas sous traitement antibiotique, associée :
à une éruption à type de macules ou maculo-papules voire de pustules au niveau du tronc de la racine des membres, du tronc, du siège
d’érythème palmo-plantaire et œdème rosé et douloureux
des extrémités avec desquamation secondaire
à des signes d’atteinte de la muqueuse buccale : chéilite fissuraire, langue framboisée, aphtes,
à une conjonctivite hyperhémique bilatérale
à des adénopathies cervicales sensibles >1,5cm de diamètre
à des signes biologiques majeurs : VS > 40, CRP>30mg/l
La présence de 2 ou 3 de ces critères cliniques et biologiques majeurs doit conduire à la réalisation en urgence d’une échographie cardiaque à la recherche de signes de vascularite tels qu’une dilatation des coronaires, un aspect brillant des parois, une diminution de la contractilité du VG …et à la mise en route d’un traitement précoce (avant le 10èm j de fièvre), qui limitera le risque de complications liées à la vascularite (anévrysmes coronariens, infarctus, thromboses..)
Le traitement associe une administration d’immunoglobulines polyvalentes IV (2g/kg) et d’aspirine, 80 à 100mg/kg durant 48H puis 3 à5/ kg durant 2 mois
2° LA MALADIE DE STILL
Forme systémique de l’arthrite chronique juvénile, touchant préférentiellement des enfants âgés de 2 à 7 ans
l’éruption est fugace, caractérisée par de petites macules rosées de 3 à 5mm de diamètre, à centre clair, parfois papuleuses pseudo-urticariennes, prurigineuses, constatées dans 90% des cas lors des pics fébriles, rapidement régressives, localisées au niveau du tronc et de la racine des membres.
- l’éruption est associée à
. une fièvre, symptôme majeur, oscillante au cours du nycthémère, avec pics élevés à plus de 39°, à prédominance vespérale, suivis de défervescence thermique, avec signes d’altération de l’état général avec pâleur, frissons
. une splénomégalie parfois et à des adénopathies
.des manifestations articulaires, arthralgies isolées ou associées à des manifestations inflammatoires symétriques des petites ou grosses articulations source d’une impotence fonctionnelle pouvant s’observer dès les premières semaines d’évolution ou d’apparition plus tardive avec un tableau clinique initial de fièvre éruptive isolée.
3° Le LUPUS
Rare avant 12 ans
l’éruption, à type de rash morbilliforme, peut être associée à des lésions cutanées de photosensibilité, à un vespertilio, à des lésions de vascularite, à des ulcérations buccales
-l’altération de l’état général est franche avec fièvre asthénie, perte de poids, arthralgies et myalgies souvent, hépatosplénomégalie
Des formes plus atténuées, avec un tableau clinique d’éruption morbilliforme fébrile avec arthralgies et adénopathies sont de diagnostic plus difficile
Au total, la démarche diagnostique conduit à identifier 4 situations cliniques :
> Un purpura fébrile : évoquer une méningococcémie
>Une fièvre éruptive avec exanthème à évolution stéréotypée d’une maladie classique de la petite enfance, en règle de bon pronostic, surveillance des complications
> Une fièvre avec évolution atypique non stéréotypée, sans signe de gravité, à priori virale
>Une fièvre éruptive avec signes d’altération de l’état général, manifestations viscérales associées : nécessité d’investigations complémentaires, de surveillance et de prise en charge thérapeutique en urgence et en hospitalisation.
Références bibliographiques :
-C Bodemer, BCrickx, JC Roujeau : Maladies éruptives de l’enfant, Ann Dermatol Venerol 2002 ,129 :2576-2582
-K Despontin : Eruptions virales, Louvain Med, 1999, 118, S134-S139
-D Floret : Varicelles graves et compliquées, Hôpital E Herriot Lyon, GFRUP-Journée 2004
-JC Burns, HI Kushner and all: Kawasaki Disease: a brief history Pediatrics2000Aug; 106(2):E27
-R Cimaz, J-C Lega : La maladie de Kawasaki. Encyclopédie Orphanet.dec 2007