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Pertinence des sérologies en pathologie infectieuse courante


 

Docteurs E. SENNEVILLE1, et C. Loïez2

1Service des Maladies Infectieuses, CH de Tourcoing

2Laboratoire de Microbiologie, CHRU de Lille

 

Introduction

Les sérologies figurent parmi les outils utiles au diagnostic des maladies infectieuses. Elles ne remplacent pas la mise en évidence du pathogène qui reste la meilleure technique diagnostique mais n’est cependant pas réalisable en routine pour tous les agents infectieux. La nécessité dans la plupart des cas de faire analyse comparative de 2 échantillons espacés de 10 à 20 jours limite considérablement l’intérêt des sérologies dans le cadre de l’urgence. La sérologie dans le diagnostic des maladies infectieuses doit être envisagée dans un contexte clinique précis, en raison des problèmes liés aux réactions croisées, à la cinétique et au délai d’apparition des anticorps, à la séroprévalence élevée de certains anticorps et à la persistance des anticorps au long cours.

L’objectif de cette revue est de faire le point sur les sérologies pertinentes dans le cadre du diagnostic des maladies infectieuses en pratique de ville.

 

Sérologies bactériennes

 

La liste des sérologies bactériennes disponibles est longue : bartonelloses, borrélioses, brucellose, infections à Chlamydia spp et Mycoplasma spp, coxielloses, Helicobacter pylori, légionelloses, rickettsioses, yersinioses, syphilis, etc.

Dans la pratique de ville, les sérologies bactériennes les plus utiles, car de réalisation courante et de très bonne valeur d’orientation diagnostique, sont celles de la maladie des griffes du chat (Bartonella henselae et B. quintana) et celle de la syphilis.

Certaines sérologies fréquemment prescrites sont à abandonner comme celles de la coqueluche et de la typhoïde.

D’autres sont d’un intérêt discutable :

- La fréquence des infections à C. pneumoniae et à C. psittaci et les réactions croisées inter-espèces rendent nécessaire de suivre la cinétique des anticorps à l’aide de 2 sérums prélevés à 15 jours d’intervalle, pour permettre une interprétation correcte. Pour Chlamydia trachomatis: les indications de la sérologie sont limitées aux contextes d’infections génitales hautes chez la femme, d’ulcérations génitales ou rectales (lymphogranulomatose vénérienne), d’arthrites réactionnelles, de pneumopathies néonatales (seul contexte nécessitant la recherche d’IgM) et aux bilans d’hypofertilité du couple. La sérologie n’est pas indiquée en cas d’infection génitale basse, de trachome ou pour le suivi thérapeutique : dans ces cas, il faut privilégier le diagnostic direct par biologie moléculaire.

- La faible spécificité des techniques disponibles pour le diagnostic sérologique des infections à Mycoplasma pneumoniae fait que leur interprétation n’est possible qu’en suivant la cinétique des anticorps à l’aide de 2 sérums prélevés à 15 jours d’intervalle.

- Helicobacter pylori: la sérologie H. pylori est indiquée en cas de primo-infection, d’ulcère hémorragique, de traitement récent par IPP ou antibiotiques, ou en cas de charge bactérienne faible (atrophie gastrique ou MALT). Il est inutile de réaliser une sérologie H. pylori dans le cadre du suivi thérapeutique, en raison de la persistance fréquente des anticorps après traitement antibiotique efficace. Un résultat positif confirme la présence d’anticorps anti-H. pylori mais ne permet pas de confirmer l’existence d’une maladie gastro-intestinale.

- Legionella pneumophila: les résultats d’une sérologie de Legionella doivent impérativement être interprétés en présence d’une pneumonie. En effet, des anticorps Legionella spp (avec des taux de 32 à 256) sont détectés dans la population saine. Si le titre de 256 pour un sérum unique est utilisé pour déclarer un cas de légionellose présomptif durant une épidémie, l’interprétation est beaucoup plus délicate en présence d’un cas sporadique.

- Streptocoques: ces sérologies n’ont un intérêt que dans le diagnostic étiologique des complications post-streptococciques (RAA, GNA) mais leur interprétation est délicate. Dans le cadre des infections invasives cutanéo-muqueuses, l'élévation des taux d’anticorps sériques est trop tardive ou inconstante pour contribuer au diagnostic; le diagnostic se fait alors par la recherche directe de Streptococcus pyogenes par culture et par le Strepto-test.

- En cas de suspicion de diarrhée à diarrhée à Yersinia enterocolitica ou Y. pseudotuberculosi, le diagnostic se fait par la recherche directe de la bactérie dans les selles. Le recours aux sérologies est réservé aux contextes d’arthrites réactionnelles ou d’érythème noueux.

 

Sérologies virales

 

La mise en évidence directe des virus n’est disponible que pour un nombre limité d’infections virales. Les sérologies occupent donc une place importante pour le diagnostic de certitude d’une grande majorité des viroses.

La recherche des IgM permet de confirmer un diagnostic des maladies éruptives de l’enfance (rougeole, varicelle, oreillons, rubéole) dont le diagnostic repose avant tout sur les éléments cliniques et anamnestiques et ne sera donc indiquée qu’en cas de doute. La sérologie de la varicelle (IgG anti-VZV) peut être utile pour vérifier le statut immunitaire et éviter une vaccination inutile et lors du contage varicelleux d’une femme enceinte.

Le diagnostic de l’herpès (HSV1 et 2) repose sur la clinique et la sérologie a peu d’intérêt ; en cas de doute le prélèvement d’une lésion et la recherche directe du virus par PCR est réservée aux consultations spécialisées.

Le diagnostic des hépatites virales (A, B, C, D, E) et de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH 1 et 2) reposent sur la sérologie qui sera complétée par une quantification de la charge virale et de l’étude génotypique pour certaines d’entre-elles.

Le diagnostic de la mononucléose infectieuse repose sur le MNI-test ; la sérologie (présence d’anticorps IgM anti-VCA et absence d’anticorps anti-EBNA) n’est utile qu’en cas de doute diagnostique persistant après les résultats du MNI test. Le sérodiagnostic de la primo-infection à cytomégalovirus (CMV) repose sur la recherche des IgM spécifiques anti-CMV.

 

Sérologies parasitaires

 

Le diagnostic du paludisme repose sur la détection directe du parasite par examen direct (frottis/goutte épaisse) ou par détection d’antigènes circulants ; la sérologie n’a pas d’indication en routine. Le diagnostic de l’amibiase tissulaire (essentiellement hépatique) doit être confirmé par la sérologie amibienne. La sérologie Entamoeba histolytica n’a pas d’intérêt en cas de forme colique.

Les sérologies parasitaires sont utiles en cas de bilan d’une éosinophilie. Selon les éléments d’ordre épidémiologique, anamnestiques et cliniques, il peut être demandé un sérodiagnostic des helminthoses (taenasis, toxocarose, fasciolose, distomatose, mais également en cas de séjour en zone endémique, filariose, schistosomose, ankylostomose, hydatidose). Il est nécessaire dans tous les cas de demander la recherche directe du parasite (examen des selles, examen sanguins, biopsies tissulaires selon le parasite en cause).

Le diagnostic de la primo-infection à Toxoplasma gondii repose sur la recherche d’IgM spécifiques. L’interprétation des résultats est parfois rendue difficile du fait de la persistance des IgM pendant les mois et parfois plus d’une année suivant la séro-conversion ; il est nécessaire dans ces cas difficiles de comparer l’avidité des anticorps pour évaluer la date de la séroconversion ce qui a un intérêt majeur au cours de la grossesse. La recherche des IgG anti-T. gondii fait partie du suivi prénatal du 1er trimestre de grossesse.

 

Au total, les sérologies permettent de confirmer un diagnostic évoqué à la suite de l’examen et de l’interrogatoire d’un patient. A l’opposé, les sérodiagnostics prescrits sans aucune orientation diagnostique sont onéreux, d’interprétation parfois difficile, ne permettant pas toujours à eux seuls d’affirmer ou d’éliminer un diagnostic d’infection. Le dialogue avec le microbiologiste ne doit pas être négligé dans les cas difficiles.

 

Référence Sérologies bactériennes : REMIC (Référentiel en Microbiologie Médicale) – 4e édition 2010.

Référence Sérologie Coqueluche: Journal Officiel de la République Française – n°18 du 15 février 2011