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Les vertiges : examen clinique et orientation diagnostique

Dr François CADART

Service ORL pédiatrique à l’Hôpital St Vincent à Lille

ORL libéral à Hazebrouck


La prise en charges des vertiges en médecine libérale est une situation fréquente. Elle nécessite une démarche rigoureuse qui justifie de prendre son temps. 


Quelques notions d’anatomie importantes. 



Le labyrinthe postérieur est chargé d’indiquer la position de la tête et ses mouvements, ce qui sert à initier les réflexes nécessaires à la stabilisation de la tête et du corps.

Les capteurs d’accélération angulaire sont les 3 canaux semi-circulaires situés dans trois plans de l’espace.

Le canal horizontal (ou latéral) n’est pas horizontal mais sur plan méato-orbital.  Pour le mettre à l’horizontal, il faut faire pencher la tête du patient en avant de 30°.  Son ampoule est en avant.

Le canal postérieur est globalement dans le plan de l’aile du nez du même côté, ou pour faire simple et observable comme le pourtour du pavillon (avec une oreille un peu décollée...). Son ampoule est en bas.

Le canal supérieur (ou antérieur) est comme celui des mains en porte-voix, ampoule vers l’avant et le bas.

Au niveau de ces canaux semi circulaires, les capteurs sont situés dans les ampoules.

Chaque mouvement rotatoire va faire bouger « l’enveloppe » en temps réel, alors que les liquides se déplaceront avec inertie. C’est le mécanisme de stimulation.

Les capteurs d’accélération angulaire sont situés dans l’utricule (macule horizontale) et dans  le saccule (macule verticale), où les cellules sensorielles sont recouvertes d’une membrane gélatineuse qui contient à sa surface des cristaux de carbonate de calcium : les fameux OTOLITHES ! 

L’utricule communique directement avec les canaux ½ circulaires... 

Les VPB sont déclenchés par le déplacement pathologique des otolithes qui se détachent de cette membrane utriculaire  et migrent dans un canal ½ circulaire...

Le labyrinthe  postérieur communique avec la cochlée, ce qui explique les pathologies liées aux troubles pressionnels (Ménière).

 

 

 

 

1ERE ETAPE 


D’abord, évaluer une urgence en recherchant des critères de gravité : 

Présence de céphalées

Y a-t-il eu une perte de connaissance ?

L’examen neurologique complet est-il normal ? Ptosis, mouvement du voile du palais, signe cérébelleux, signes de focalisation …

                  Un problème vestibulaire n’est jamais associé à une anomalie à l’examen neurologique. 

Examen otoscopique : pas d’otite chronique ( Attention aux patients inconnus !) 

Examen CV : TA, rythme cardiaque, 

Médicaments 

Rechercher des signes d’anémie.

Si tout ce préambule est normal, cela permet de rassurer le patient. 


Ensuite soulager le patient

Antivertigineux type Tanganil en IVDL , 2 ampoules deux fois par 24H pendant 2 jours 


Eviter qu’il n’aggrave son cas par une chute ou un AVP ( A priori CI à la conduite automobile) 


2EME ETAPE


J’ai un peu plus de temps…

         Interroger minutieusement le patient… L’interrogatoire sera « policier », sans se laisser « embarquer »;

        « Exiger » une description précise sans se contenter  de termes vagues; c’est permanent ou intermittent ? Qu’est-ce qui déclenche ou aggrave ? Combien de temps ça dure?

        Au contraire : « Seulement au lever ou aussi couché ou seulement au coucher ? »

        Ou encore « Illusion de déplacement de l’environnement ? Instabilité ? Manège ou bateau ? Sensation rotatoire ? »

         Signes associés récents ? Hypoacousie (D-G) ? Acouphènes (D-G )? 


3EME ETAPE : OBSERVER UN NYSTAGMUS et LES DEVIATIONS SEGMENTAIRES


C’est une étape délicate mais indispensable qui nécessite de l’entrainement et de la rigueur. 

LE NYSTAGMUS

A l’œil nu, on verra un nystagmus « évident », à condition d’éviter la fixation oculaire!

Pour éviter cette fixation du regard du patient, il ne faut pas se mettre face au patient mais l’observer sur le côté. Il doit être positionné face à un mur uni, sans décor qu’il puisse fixer. L’examinateur devra toujours regarder la totalité de l’iris car le nystagmus du regard latéral extrême est physiologique !

CES POINTS SONT ESSENTIELS +++

Le nystagmus est un déplacement rythmique des globes oculaires, avec une phase lente d’origine vestibulaire et une phase rapide (« secousse ») qui ramène l’œil à son point de départ.

Par convention, c’est le sens de la secousse rapide qui définit le nystagmus;

Ce nystagmus a une direction: il est horizontal, vertical, oblique ou rotatoire

Il est soit spontané, soit révélé (par position ou stimulation).



Comment définir un nystagmus horizontal. Le plus simple est d’avoir une copie du tableau ci-dessous au cabinet afin d’y faire référence lors de l’examen. Attention ! Les nystagmus horizontaux sont définis « côté patient » (droit vers la droite du patient).



 

Comment définir un nystagmus rotatoire ?



LES DEVIATIONS SEGMENTAIRES

La recherche se fait toujours les yeux (du patient!) fermés et ne s’adresse qu’aux patients qui tiennent correctement debout...

à Les index: patient assis, jambes pendantes sans appui; dos décollé du dossier, bras semi-tendus. Vous assis en face avec les doigts repérant les siens

à Le Fukuda: marche sur place en levant les genoux à 45°, faire au moins 30 pas et éventuellement sensibilisé par les bras levés. Le test est considéré comme positif si le patient dévie de plus de 30°.

Simple et très intéressant pour le généraliste!                 ++++

AU FINAL, que pouvons-nous conclure grâce au sens du nystagmus et de la déviation segmentaire

1.     Un syndrome vestibulaire harmonieux destructif droit entraînera … un nystagmus gauche et des déviations segmentaires droites

2.     Un syndrome vestibulaire harmonieux irritatif droit  entraînera…. Un nystagmus droit et des déviations segmentaires gauches

3.     Le sens du nystagmus ne « signe » donc pas le côté malade;

4.     Si le nystagmus bat dans le même sens que les déviations segmentaires ou s’il est bilatéral…Attention! Il ne s’agit pas d’un syndrome  périphérique…

 

 

 

 

Situation clinique N° 1:

Le patient se plaint de vertiges liés au changement de position. Le vertige initial est souvent nocturne ou au petit matin, en se tournant dans son lit; il peut avoir réveillé le patient. Il décrit des vertiges rotatoires isolés et déclenchés aussi par le lever de la tête ou le baisser important;

A quoi pensez-vous? :                  VPBCP: vertige paroxystique bénin aux changements de position.

MAIS Conditions indispensables :

1.     Aucun signe vestibulaire au repos; pas de nystagmus spontané;

2.     Pas de signes fonctionnels cochléaires (surdité ou acouphènes)

3.     Ni céphalées ni signes neurologiques

Le VPBCP est le plus fréquent de tous les vertiges,

Il s’agit d’un vertige lié à la migration d’otolithes dans un canal semi-circulaire: le plus souvent canalo-lithiase.

La forme clinique la plus fréquente est l’atteinte du canal postérieur dont le diagnostic et le traitement sont tout à fait possibles pour le généraliste, à condition d’être rigoureux…

Exemple d’un test de déclenchement du VPBCP  avec atteinte du canal postérieur droit:

Ø  départ assis tête à 45° vers la gauche

Ø  bascule couché sur le côté droit, le patient regarde en haut; 

C’est la manœuvre de Dix et Hallpike. Observation du nystagmus + Retour en position assise

Caractéristiques du nystagmus d’un VBP

       Déclenché par un mouvement; PAS DE NYSTAGMUS SPONTANNE +++

       Survient après une courte latence (1 à 5 s)

       De durée brève (inf à 1 mn) et s’épuise progressivement

       S’inverse au retour à la position initiale (moindre)

       Est reproductible

       Est fatigable (intensité moindre lors de la deuxième stimulation); « ça tourne mais moins fort….




Vous avez authentifié un VPB du canal postérieur, alors pourquoi ne pas le traiter ?

Il faut d’abord  expliquer au patient que la manœuvre peut lui provoquer un vertige important...et que dans les suites il pourra être ébrieux 48h (parfois modérément, parfois +++);

Impossible au cabinet si le patient n’a pas un chauffeur pour le ramener...

Manœuvre libératoire pour le CPD : Manœuvre de Sémont

       Après avoir maintenu en position de DH > 2mn

       But: amener la tête dans une position en miroir, nez vers le lit; 

       quand manœuvre réussie vertige ressenti souvent violent, avec nystagmus identique à celui de la position de déclenchement.

       position à maintenir 2 mn après le vertige.  Attendre 10mn si nécessaire.

Et ensuite !

·       Attention +++ au relever du patient: il y a très souvent une rétropulsion qui peut être « dangereuse »! Donc s’accrocher au patient, et idéalement demander à l’accompagnant de tenir le patient devant pendant que l’on est derrière.

·       Ébriété habituelle au lever : on repasse devant pendant que l’accompagnant tient toujours et on aide le patient jusqu’à ce qu’il soit assis avec appui.

On donne des consignes pour le retour à domicile !

       Au retour à la maison :  +/- 2 h au fauteuil sans trop bouger

       Eviter de lever la tête (bibliothèque,  linge...)

       Se coucher sur le dos tête surélevé deux oreillers (pour éviter une nouvelle migration otolithique)

       Prévenir que guérison possible en 48h (ébriété) mais persistance si autres « largages » otolithiques...

       Pas de traitement  médical .... C’est mécanique.

       Arrêt de Travail en fonction de la profession (couvreurs, routiers...) Si tous les éléments sont concordants et si le patient va bien,

Il y a d’autres formes de VPB, à priori du domaine du spécialiste

SITUATION CLINIQUE N°2

Vous êtes appellé à domicile par un patient très inquiet. Arrivé rapidement, vous découvrez un patient vertigineux en permanence, nausées, vomissements. Examen Neuro et CV RAS. Pas de céphalées;

Syndrome vestibulaire harmonieux et surtout nystagmus !

Quelle est la question à poser? Hypoacousie et acouphènes? De quel côté?  Epreuve au diapason?

Si oui, c’est une probable maladie de  Menière il faut la triade « vertige + acouphènes + surdité »

CAT: Tanganil IVD sur 24H seulement et des antiémétiques.

Rassurer; expliquer évolution de la crise en 1 à qqs heures.

Pas d’hospitalisation nécessaire si évolution habituelle.

Bilan orl conseillé «rapidement » pour audiogramme +/- VNS : Perte perceptionnelle sur les graves « typique » en période initiale, puis souvent en plateau. Evolution variable...

ATTENTION ! Si  ni acouphènes ni hypoacousie et durée de plusieurs jours: Hypothèse probable d’une atteinte vestibulaire périphérique

à Soit virale: névrite vestibulaire

à  soit vasculaire (∑ artère vestibulaire antérieure)

Dans les deux cas, et toujours en l’absence de signes neuro,

Il faut soulager le patient: Tanganil* IVD deux à trois /j et antiémétiques.

Idéalement, dès que le patient « tient debout », il vaut mieux arrêter le Tanganil pour favoriser la compensation centrale, et si possible démarrer très rapidement (dès 48h) une rééducation vestibulaire chez un kiné spécialisé.

Bilan minimum: audiogramme (pas urgent)…. 

 

CONCLUSION 

Que peut apporter l’orl?

1/ l’audiogramme… Vertige + atteinte perceptionnelle = IRM

2/ Videonystagmoscopie: Elle objective ou révèle un syndrome vestibulaire qui ne serait pas vu à l’œil nu… Intérêt +++ pour certaines professions… Ce qui évite de remettre au travail un couvreur vertigineux…

+/- sensibilisé: HST. NIV

3/ Videonystagmographie: En expertise ou pour les cas difficiles. Intérêt pour les problèmes centraux et les expertises.

Que pouvez-vous apporter à l’orl?

1/ antécédents particuliers du patient (AVC; thrombose…)

2/ les thérapeutiques en cours +++ (benzodiazépines, anti HTA …)

3/ la qualité de l’examen initial, en crise:

Ø  Nystagmus: quel degré et surtout quel sens?

Ø  Déviations segmentaires; dans quel sens? (Fukuda)

Ø  TA (hypo? Hyper?); troubles du rythme

4/ Imagerie: IRM avec clichés centrés sur l’oreille interne et le trajet du VIII +++ (scanner inintéressant).  Faire amener les clichés par le patient …. 




 

Voici quelques situations ou orientations diagnostiques auxquelles il faut penser ….

Éruption vésiculeuse dans la zone de la conque: zona

Antécédents de trauma: VPB ou fistule périlabyrinthique (Exemple d’un enfant de trois ans; chute du lit superposé du haut…. « vertiges ». A l’examen: nystagmus gauche de degré 3 et hémotympan D…. = fracture translabyrinthique D.

Difficulté du diagnostic lors d’un épisode initial de SEP…Toujours à l’idée pour patients jeunes….donc IRM « facile » chez les jeunes

Le neurinome…. Une réalité polymorphe (audiogramme++)

Migraine vestibulaire, vertiges récurrents, presbyvestibulie…

 

 

POUR EN SAVOIR PLUS : http://www.orlfrance.org/college/DCEMitems/Question344/344.pdf