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La maladie lithiasique urinaire



 

Docteur Maxime HOFFMANN

Hôpital privé La Louvière

69 rue de La Louvière

 59000 LILLE

Introduction

 

            La lithiase urinaire est une pathologie fréquente qui affecte 4 à 18% de la population selon les études et les pays. C'est aussi une pathologie qui se transforme avec le temps et selon l'évolution propre des sociétés humaines, en raison de la modification des facteurs de risque de lithogénèse. Notre propos se limitera donc aux différents aspects de la prise en charge métabolique des calculs urinaires dans nos sociétés occidentales actuelles.

 

            Selon les données d'une récente étude prospective entreprise en France (SUVIMAX) chez plus de 10 000 sujets des deux sexes âgés de 45 à 60 ans (étude des facteurs de risque d'athérome artériel et de l'influence préventive d'une supplémentation en vitamines et en antioxydants), la prévalence d'antécédents lithiasiques est de 9,8% chez les hommes et de 5,1% chez les femmes, en notant qu'il s'agissait de récidives dans plus de la moitié des cas.

 

            En se fondant sur ces bases, on peut estimer que 4 millions au moins de nos concitoyens ont été ou seront atteints de lithiase à un moment donné de leur vie et que l'incidence des coliques néphrétiques est d'au moins 100 000 par an. Le taux d'expulsion spontanée  des calculs étant voisin de 80%, on peut ainsi prévoir qu'au moins 20 000 patients nécessitent chaque année une hospitalisation et l'intervention d'un urologue. Compte tenu du coût de ces interventions et des hospitalisations, ainsi que des arrêts de travail entraînés par les coliques néphrétiques, on peut estimer que la lithiase rénale fait perdre en France chaque année plus d'un million de journées de travail, et entraîne une charge de plus de 150 millions d'euros en coûts directs et indirects.

 

            De même, sachant que près de 4% des patients traités par dialyse de suppléance le sont encore par la destruction des reins par une maladie lithiasique on voit que près de 1000 patients sont  actuellement traités en France par hémodialyse périodique en raison d'une maladie lithiasique, soit un coût global annuel de 35 millions d'euros supplémentaires (transports médicalisés inclus).

 

            La démarche de prise en charge de la lithiase urinaire, compte tenu de sa fréquence et des coûts qu'elle engendre, doit donc être fondée sur une analyse médico-économique, et non médicale seule, car le coût engendré par la nécessaire recherche étiologique pour éviter sa récidive ne doit pas en excéder le bénéfice.

 

            La suite de cet exposé sera donc basée sur une dichotomie simple : Que faire devant un premier épisode de colique néphrétique? Que faire en cas de récidive ?

 

Prise en charge d'un premier épisode de colique néphrétique

 

            Un premier épisode de colique néphrétique ne doit pas faire l'objet d'une consultation spécialisée de néphrologie et d'un bilan étiologique trop poussé. Un bilan minimal suffit à éliminer les grandes causes qui risquent d'engendrer une récidive.      

            Ne seront sûr pas abordés lors de ce colloque les éléments de prise en charge symptomatique bien connue. Toute colique néphrétique compliquée (hyperthermique ou ne cédant pas rapidement après un traitement bien conduit) ou survenant sur un terrain à risque (rein unique, femme enceinte, insuffisance rénale chronique sous-jacente) doit en revanche justifier d'une consultation urologique en urgence.

 

            La fréquence actuelle de répartition des calculs selon leur origine biochimique est la suivante : 85% de calculs oxalo-calciques, 7% de calculs d'urate, et 8% de calculs de phosphates.

 

            Par argument de fréquence, la prise en charge thérapeutique repose donc sur la prévention de la lithiase oxalo-calcique (sauf antécédent de crises de goutte ou hyper uricémie marquée).

 

            Seront donc abordés successivement dans cette première partie du colloque les éléments relatifs à la prise en charge de la lithiase oxalo-calcique :

-        le bilan biologique de base à réaliser (cf. annexe1) ; les différents éléments de ce bilan qui doivent faire évoquer une cause autre qu'alimentaire et qui nécessiteront un avis spécialisé

-        les modifications nécessaires du régime:

-        Quelle eau boire ? (faible minéralisation) En quelle quantité? (diurèse aqueuse d'au moins deux litres, régulièrement répartie sur les 24 heures)

-        Principes du régime normo-calcique (800 à 1000 mg de calcium / jour)

-        Principes du régime hyposodé (6 g de sel / jour)

-        Principes du régime faible en protéines (150 à 200 g / jour)

-        Principes du régime pauvre en oxalate (chocolat)

 

            Aucun élément de surveillance biologique, en l'absence d'anomalies précédemment mises en évidence n'est nécessaire, peut – être jusqu'à la prochaine récidive...

 

Prise en charge d'une récidive de colique néphrétique

 

            Toute récidive de colique néphrétique nécessite une consultation spécialisée de néphrologie. Son but est de rechercher les causes du calcul, de proposer les principes du traitement pour éviter la récidive, et de fixer la périodicité de la surveillance à effectuer. 

 

            La pierre angulaire de la prise en charge des calculs urinaires qui récidivent est l'analyse morpho-constitutionnelle spectro-photométrique et par infrarouge du calcul. Cette analyse permet une classification du calcul selon sa composition chimique et cristalline (dans sa nucléation et ses couches périphériques), la mise en évidence de facteurs de risque particuliers (plaque de Randall, corps étrangers...), et la caractérisation de l'activité métabolique (calcul jeune ou ancien, en phase active...). De cette analyse, on peut tirer la (ou les) cause(s) précises à l'origine du calcul, et parfois la pathologie responsable (infections urinaires chroniques, maladies inflammatoires du tube digestif...).

 

            L'analyse chimique unique du calcul est inutile, car elle est réalisée à partir d'un broyat du calcul, qui, lorsqu'il n'est pas à l'origine d'erreurs sur sa composition, prive le néphrologue de nombreux éléments de l'enquête étiologique. L'analyse chimique ne doit donc pas être demandée, et seule l'analyse morpho-constitutionnelle doit être exigée. En pratique, seuls deux laboratoires en France réalisent correctement cette analyse.

 

            Malheureusement, souvent, le calcul n'a pas pu être recueilli et le seul élément pouvant aider le néphrologue, en cas de cristallisation active, pour caractériser le type de pathologie lithiasique est la cristallurie.

 

            Il s'agit d'un examen pratiqué sur les urines fraîches du matin qui recherche la présence de cristaux à l'aide d'un microscope optique avec polarisation (au mieux couplé à de la spectrophotométrie infrarouge). Cette analyse permet de typer l'espèce cristalline (et donc d'en extrapoler les causes), et de déterminer son activité (risque de récidive lithiasique). Elle permet également d'en vérifier la disparition, et est donc un excellent examen de suivi et de contrôle de l'efficacité thérapeutique. Elle permet également le diagnostic de certaines maladies rares  fréquentes (cystinurie, déficit en APRT...).

 

            La récidive de calculs urinaires impose la réalisation d'une imagerie. L'uro-scanner est actuellement l'examen le plus rentable. Réalisé d'abord sans injection, il permet une analyse topographique précise du calcul (ce qui aide l'urologue pour le traitement à choisir: NLPC, LEC...), en densité (ce qui permet également d'orienter le néphrologue vers les causes possibles du calcul), et la mise en évidence d'une éventuelle néphrocalcinose associée. L'analyse avec injection permet de rechercher des anomalies des voies urinaires (malformation ou enclavement du calcul, notamment). En l'absence d'uro-scanner, le couple échographie et ASP couché doit être considéré comme le minimum exigible.

 

            La dernière étape de l'enquête étiologique est le couplage d'un interrogatoire précis et d'examens biochimiques plasmatiques et urinaires.

 

            L'interrogatoire déterminera l'âge de la première manifestation lithiasique, la chronologie et l'évolution des épisodes lithiasiques, la date et le type des interventions urologiques réalisées, la notion d'infections urinaires et des germes en causes, les facteurs d'environnement (conditions de travail, séjour en pays chaud, changements d'habitude alimentaire), les antécédents familiaux, les antécédents personnels (prise prolongée de médicaments lithogènes, pathologie digestive iléale ou colique, maladies auto-immunes ou endocriniennes) et les habitudes alimentaires (quantités et nature des boissons, apports en produits laitiers, en protéines animales, en sel, en sucres à index glycémique élevé, en aliments riches en oxalates, régimes particuliers...).

 

            Un schéma d'exploration basale biochimique complète est rappelé en annexe 2. La mise en évidence d'anomalies orientera elle-même la recherche étiologique ultérieure (réalisation de tests dynamiques, imagerie à la recherche d'un adénome parathyroïdien, recherche d'auto-anticorps (sarcoïdose, maladie de Gougerot-Sjögren), examens endocrinologiques à la recherche d'une NEM, tests génétiques...). Des schémas simples d'orientation diagnostique seront présentés dans la communication orale.

 

            Ces examens biochimiques permettront également de suivre ultérieurement l'efficacité thérapeutique (du régime ou des médicaments prescrits).

 

            Durant ce colloque ne sera abordée que la prise en charge thérapeutique de l'hypercalciurie idiopathique et la lithiase d'acide urique. La prise en charge des autres types de lithiase pourra faire l'objet de questions de l'assemblée (lithiase cystinique, hyperoxalurie entérique, lithiase d'infection).

 

Evolution et conclusion.

 

            Les calculs urinaires sont souvent considérés à tort comme une pathologie bénigne. Une fois l'épisode aigu hyperalgique passé, la prise en charge de fond a tendance à être négligée, ce qui est à l'origine de récidive et de complications dommageables (obstruction urinaire, infection, gestes chirurgicaux, insuffisance rénale parfois terminale).

 

            Comme toute maladie chronique, la pathologie lithiasique urinaire est exposée au risque d'échappement thérapeutique par « usure et manque d'adhésion ». Tous les acteurs de santé en charge de ces patients, de l'urologue au médecin généraliste, ont donc la lourde tâche, dite d'éducation thérapeutique, de rappeler les principes de cette prise en charge, et d'encourager le patient à maintenir ses efforts dans la durée.

 

           

 

Annexe 1. Examens de première intention devant une colique néphrétique.

 

Echographie rénale et ASP couché

 

Biochimie:

-        plasma: créatinine, calcium

-        urines de 24 heures: créatinine, calcium, acide urique, urée, sodium, volume

-        urines du lever: sur bandelette: pH, densité

 

Annexe 2. Examens de seconde intention devant des coliques néphrétiques récidivantes

 

Uro-scanner (en l'absence d'insuffisance rénale sévère)

 

Analyse morpho-constitutionnelle spectro-photométrique par infra rouge du calcul (si disponible)

 

Biochimie:

-        plasma: créatinine, urée, acide urique, calcium, phosphore, magnésium, 25OHD, PTH, Protides totaux, glycémie à jeun, sodium, potassium, chlore, réserve alcaline

-        urines de 24 heures: créatinine, urée, acide urique, sodium, calcium, phosphore, oxalate, citrate, magnésium, micro-albuminurie, glycosurie, volume

-        urines du lever: pH, densité, ECBU avec cristallurie

 

Ouvrage de référence :

 

            Lithiase rénale. Diagnostic et traitement. Paul Jungers, Michel Daudon, et Pierre Conort. Flammarion Médecine-Sciences. 1999.