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Découverte fortuite d'une hématurie microscopique

Dr Maxime HOFFMANN

Néphrologue

Hôpital Privé La Louvière, Lille,  Ramsay – Générale de Santé

 

 

La découverte, souvent fortuite, d’une hématurie microscopique, à la bandelette urinaire de dépistage (notamment de médecine du travail) ou sur un ECBU, est fréquente.  Selon les cohortes étudiées, sa prévalence varie entre 0,19 et 21%.

 

Il s’agit d’une phénomène le plus souvent bénin mais parfois révélateur d’une maladie potentiellement grave qu’il ne faut pas méconnaître (néoplasie urothéliale ou néphropathie glomérulaire, notamment).

 

En dépit du caractère relativement banal de cette anomalie, il n’existe pas de données bien étayées objectives et une grande marge est laissée aux décisions médicales individuelles ce qui rend la prise en charge de cette hématurie microscopique complexe.

 

L’objectif de ce colloque est donc d’établir un arbre décisionnel diagnostique clair fixant les limites à se donner dans le choix des examens complémentaires, et de préciser les modalités de suivi de l’hématurie.

 

Pour l’exposé, nous nous appuierons sur les Guidelines de l’Association Américaine d’Urologie, seules recommandations internationales existantes (2012), et sur un article de synthèse de pratique clinique paru en 2003 dans le New England Journal of Medicine (Cohen et Brown).

 

1.             Définition

 

L’hématurie microscopique est confirmée à l’analyse biologique du culot urinaire si le nombre de GR est supérieur à 10/mm3 ou 10.000/ml.

 

Les bandelettes urinaires sont très sensibles et parfois faussement positives en cas de myoglobinurie (effort par exemple), d’infections urinaires, de présence de désinfectants cutanés (Bétadine notamment), de présence de liquide séminal ou d’urines fortement alcalines.

 

2.             Conditions à rechercher à l’interrogatoire imposant une expertise urologique complète : « red flags »

 

Si une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies, l’expertise urologique doit être complète à la recherche d’une néoplasie urothéliale : sexe masculin, âge supérieur à 35 ans, tabagisme, exposition à des substances chimiques ou des laques (amines aromatiques), abus d’antalgiques, hématurie macroscopique, maladie urologique, dysurie, irradiation pelvienne, infection urinaire chronique, exposition à des substances cancérigènes (par exp, Endoxan).

 

Le bilan doit comprendre un uro-scanner (à défaut en cas d’insuffisance rénale sévère ou d’autres contre-indications, une uro-IRM) et une cystoscopie.

 

3.             Hématurie microscopique « bénigne »

 

En l’absence de « red flags », une hématurie « bénigne » peut être suspectée  en cas de découverte de l’anomalie au moment d’une infection légère ou virale, de menstruations, d’efforts physiques intenses, de traumatismes ou d’intervention urologiques récentes.

 

En ce cas, il est recommandé de mettre fin d’emblée aux explorations ou de réaliser une nouvelle recherche après résolution de la cause. Si on obtient une recherche négative persistante, on peut arrêter définitivement les explorations.

 

4.             En l’absence de suspicion d’hématurie bénigne : bilan exhaustif :

 

Un couple d’examens doit être réalisé systématiquement : un uro-scanner (ou une uro-IRM en cas d’impossibilité) et une recherche de dysmorphisme des globules rouges en contraste de phase.

 

L’analyse des GR urinaires en contraste de phase a pour but de distinguer une hématurie d’origine glomérulaire (« néphrologique ») d’une hématurie non glomérulaire (« urologique »).

 

Cette analyse, séduisante sur un plan théorique, a tout de même quelques limites et un résultat négatif appelle à une grande vigilance. Le but de cette analyse est de rechercher des « acanthocytes », qui, s’ils sont présents à plus de 5%, signent l’origine glomérulaire de l’hématurie. La mise en évidence complémentaire de cylindres hématiques confirme également l’origine néphrologique du phénomène.

 

En ce cas, un bilan néphrologique est recommandé, avec réalisation d’une protéinurie/créatininurie et d’une évaluation du DFG (créatininémie). En cas d’anomalie, une consultation spécialisée est suggérée.

 

En cas de cause urologique suspectée (MOCP négative), une cystoscopie est recommandée en cas de « red flags ». Elle doit être systématique, quel que soit le sexe, si l’âge est supérieur à 35 ans. Elle peut être proposée pour un âge inférieur « à la discrétion du praticien ».

 

Une prise en charge spécialisée sera également initiée qui fixera les modalités de prise en charge.

 

5.             Suivi d’une hématurie dépistée

 

En cas d’hématurie microscopique asymptomatique (à bilan négatif), un contrôle annuel est recommandé avec analyse du culot urinaire, créatininémie, et recherche de protéinurie. La recherche de facteurs de risque tumoral (red flags) ou de nouveaux symptômes doit être réalisée systématiquement.

A cette condition, et en cas de 2 dépistages annuels successifs négatifs, le suivi peut être arrêté.

 

En cas de dépistage annuel positif persistant, un bilan complet (avec morphologie et cystoscopie si appropriée) doit être réalisée tous les 3 à 5 ans.