IST et dermatologie


Docteur Isabelle ALCARAZ

Centre Hospitalier de Tourcoing

155, rue du Président Coty

BP 619

59208 TOURCOING cedex

 

Depuis les années 2000, on assiste en France à une recrudescence des infections sexuellement transmissibles comme c’est le cas dans la plupart des grandes villes occidentales. Les succès des trithérapies antirétrovirales ont dédramatisé l’infection par le VIH et ainsi favorisé - en partie - le relâchement de la prévention.

 

Le retour de la syphilis a certainement été le plus spectaculaire car l’infection avait quasi disparu en France. Elle a initialement touché les groupes de population dont les pratiques sexuelles étaient les plus à risque, essentiellement les hommes ayant des relations avec les hommes avec une prédominance de patients infectés par le VIH. Progressivement, l’infection a gagné les groupes à moindre risque et touche chaque année davantage d’hétérosexuels. Les cas chez les femmes sans facteur de risque identifié se multiplient et font craindre le retour de cas de syphilis congénitale. Le diagnostic reste aisé devant les formes précoces symptomatiques typiques mais encore faut-il avoir en tête une clinique oubliée depuis des années : après le chancre de la phase primaire, la roséole passagère du tronc puis les syphilides cutanées notamment palmoplantaires et muqueuses…  De plus, les périodes de latence  de la syphilis sont prolongées et nombre de formes sont trompeuses. « La grande simulatrice » peut en imposer lors de la phase septicémique pour un lymphome, une hépatite, une atteinte rhumatologique… Sa gravité pour le sujet atteint - même dans les formes précoces - tient essentiellement à l’atteinte neurologique, notamment formes ophtalmologique et ORL en raison du risque de séquelles sensorielles irréversibles. Le traitement repose toujours sur la pénicille G pour laquelle aucune résistance du tréponème n’a été décrite à ce jour : Extencilline 2, 4 MUI, DU dans les formes de moins d’un an, trois injections à une semaine d’intervalle dans les formes de plus d’un an, Pénicilline G intraveineuse pendant 15 jours en cas d’atteinte ophtalmologique.

 

La lymphogranulomatose vénérienne (LGV) ou Maladie de Nicolas Favre du aux sérotypes L1 L2 L3 de Chlamydia trachomatis est à l’origine d’une épidémie plus récente, 2004 en France mais ici  l’infection reste cantonnée aux groupes de pratiques à risques : exclusivement hommes ayant des relations avec les hommes, avec une  majorité de patients infectés par le VIH. La symptomatologie est proctologique : diarrhée, écoulements séro-sanglants pouvant évoquer un Cröhn, une RCH, un cancer anal. Le traitement repose sur la doxycycline 200mg/j pendant 21 jours.

 

Les infections à Nesseiria gonorrheae (Ng) ont connu une recrudescence ces dernières années mais l’épidémie a été probablement plus vite contrôlée en raison de la symptomatologie bruyante des infections basses chez l’homme. Les urétrites gonococciques sont le plus souvent symptomatiques et devant une « chaude pisse » le patient n’attend habituellement pas pour consulter. Néanmoins, des portages rectaux et pharyngés pauci ou asymptomatiques semblent se multiplier et expliquent certainement la persistance de la circulation de souches de Ng en particulier chez les hommes ayant des relations avec les hommes.

Le traitement ne fait plus appel aux quinolones car les résistances atteignent plus de 40% par exemple en Ile de France. Seule les céphalosporines de 3ème génération sont recommandées : Ceftriaxone 500mg IM en une dose pour urétrite et cervicite. La Cefixime peut être utilisée 400mg mais elle est peu active sur les portages pharyngés et restent déconseillée chez les hommes ayant des relations avec les hommes et chez les femmes. Le traitement doit toujours être accompagné d’un traitement actif sur Chlamydia trachomatis qui est associé dans 20% des cas.

 

Les infections à Chlamydia trachomatis (Ct) sérotypes D K L touchent surtout les adultes jeunes - femmes et hommes. Le portage – le plus souvent asymptomatique - varie entre 0,8 et 5% chez les jeunes de moins de 25 ans, entre 8 et 15% dans les populations à risque. Ct est chaque année davantage dépisté d’une part parce qu’en recrudescence mais aussi et surtout parce que l’on dispose d’une technique simple de diagnostic ce qui facilite l’application des recommandations HAS : dépistage systématique chez les jeunes filles jusqu’à 25 ans, chez les hommes jusque 30 ans, et quelque soit l’âge si nouveau (elle) partenaire dans l’année précédente, plus d’un (e) partenaire dans l’année ou autre facteur de risque identifié (autre IST…). Ce dépistage a pour but de prévenir les complications à type de salpingites et stérilité.  Le dépistage repose sur la PCR sur premier jet d’urines chez hommes et femmes ou bien pour les femmes par PCR sur auto-prélèvement vaginal plus facile à tout moment lors de la consultation. La sérologie pour les infections basses n’a aucun intérêt. Le traitement minute doit être privilégié : Azithromycine 1g DU p os.

 

La responsabilité des infections à mycoplasmes est en pratique plus difficile à mettre en évidence. Mycoplasma hominis (Mh) et Ureaplasma spp (U spp) existent à l’état commensal et le test diagnostic doit être quantitatif pour rechercher un taux anormalement élevé, corrélé à une clinique évocatrice. Mycoplasma genitalium (Mg) qui lui est constamment pathogène, n’est pas dépistable en routine (PCR maison, pas de kit encore disponible).

Chez la femme, Mh  et U spp peuvent être responsables de troubles de la reproduction et d’infections gynécologiques avec risque d’infections néonatales.

Chez l’homme, M g et Uspp peuvent entraîner des urétrites souvent récurrentes, plus exceptionnellement des épididymites et prostatites.

 

L’herpès connaît une recrudescence mondiale en partie du fait de l’augmentation de la prévalence du VIH car les deux infections potentialisent mutuellement leur transmission. Le risque de l’herpès génital - outre cette augmentation de transmission du VIH - est l’herpès néonatal. Heureusement les protocoles de surveillance des femmes enceintes ont permis de réduire à seulement quelques cas par an les herpès néonataux. Les formes typiques d’herpès sont faciles à reconnaître et la clinique suffit devant un bouquet vésiculeux récurrent au même site avec sensation de brûlure et adénopathie satellite sensible. Le problème diagnostic se pose pour les formes atypiques qui nécessitent un prélèvement pour ne pas porter abusivement le diagnostic d’herpès. La récurrence de poussées au même site et la touche neurologique parfois associée (dysurie, troubles de la sensibilité S2 S3, brûlures urinaires…) sont des éléments fort d’orientation.  Les sérologies sont inutiles et seul le prélèvement local pour culture – examen de référence – est recommandé. Nombre de patient ont des formes asymptomatiques ou pauci-symptomatiques et ignorent leur infection. L’explication au patient des signes caractéristiques permet de reconnaître avec eux la possibilité de cette infection et ainsi d’en réduire la transmission. La transmission est maximale lors des poussées mais aussi possible en dehors, ce qui reste important à connaître pour modérer le discours médical au sein du couple. Le port systématique du préservatif dans les couples stables n’est cependant pas recommandé. Les poussées sont traitées par Valacyclovir 500mg x 2 / j, 10 jours en cas de primo infection, 5 jours lors des récurrences.

 

Enfin, les infections à Papillomavirus restent les plus fréquentes malgré un sous dépistage évident. Leur risque est lié au potentiel oncogène de plusieurs souches. Malgré l’arrivée des vaccins bi et quadrivalents le dépistage chez la femme par frottis ne doit surtout pas être abandonné. Chez l’homme – en cas de relation homosexuelle et/ou de déficit immunitaire - les localisations anales sont relativement fréquentes exposant au risque de cancer de l’anus – cancer en augmentation chez les hommes jeunes ayant des relations avec les hommes. Un examen proctologique de dépistage est donc recommandé en cas de facteur de risque. Le traitement des localisations externes peu étendues chez l’homme comme chez la femme fait appel en première ligne à l’Imiquimod, immuno-modulateur local d’application moins contraignante que la podophyllotoxine et podophylline. L’absence de réponse dans un délai maximal de 4 semaines doit conduire à orienter vers une consultation spécialisée pour s’assurer de l’absence de dégénérescence des lésions et/ou envisager un traitement plus agressif : laser CO2, chirurgie selon les opérateurs.

La prise en charge doit à la fois rester vigilante mais aussi dédramatiser l’infection trop souvent systématiquement associée à « permanence et cancer » Il existe une clearance naturelle de l’HPV et le traitement vise à traiter ce qui se voit. Bien sûr la prise en charge des deux conjoints doit être simultanée et la surveillance prolongée car la latence d’apparition des lésions peut être longue - plusieurs mois voire années.

 

 

Le diagnostic de toute IST ou la mise en évidence de facteur de risque doit amener à un dépistage systématique complétant l’examen clinique notamment à la recherche de condylomes ano-génitaux :

 

-          Sérologies Hépatites : VIH, VHB, VHC ( VHA chez hommes ayant des relations avec les hommes)

-          Sérologies Syphilis : TPHA VDRL

-          Recherche de Chlamydiae : PCR chlamydia urines 1er jet ou auto-prélèvement vaginal chez la femme 

 

Le diagnostic de toute IST doit amener à traiter le ou les partenaires systématiquement.

 

La confirmation d’une IST suspectée ne doit pas différer le traitement. Les prélèvements à visée diagnostique seront réalisés dans la mesure du possible mais ne doivent pas faire courir le risque de perdre de vue le patient.

 

 


Références :

 

1 - Sexually transmitted Diseases Guidelines  CDC Atlanta http://www.cdc.gov/std/treatment/2006/toc.htm

 

 

2 - Recommandations HAS dépistage Chlamydia

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Chlamydia_tome2_synth.pdf

 

 

3 – Conférence de consensus sur prise en charge de l’herpès

http://www.infectiologie.com/site/medias/_documents/consensus/herpes-2001.pdf

 

 

4 – Les maladies sexuellement transmissibles – M Janier - Masson

 

 

5 - http://corevih-5962.fr/site/index.php (prochainement)