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Les semelles pour quelles indications

Les semelles, pour quelles indications ?

Parfois utiles, pas toujours nécessaires

Dr Eric Nectoux

Département de Chirurgie et Orthopédie de l’Enfant, Pôle Enfant

CHRU LILLE, Hôpital Jeanne de Flandre

Avenue Eugène Avinée 59037 LILLE Cedex

Eric.nectoux@chru-lille.fr


Les semelles orthopédiques font partie de l’arsenal thérapeutique de tout médecin prenant en charge des enfants, et a fortiori de tout chirurgien orthopédiste pédiatre. Leur prescripxion n’est pas toujours aisée car il convient de s’entendre d’une part sur le type de semelles que l’on souhaite proposer à l’enfant et d’autre part sur l’objectif thérapeutique que l’on se fixe avec ces semelles. Il est indispensable d’avoir quelques notions fondamentales de biomécanique du pied pour bien comprendre le mode d’action des semelles, ce qui sera rappelé dans un court chapitre introductif.


Quelques notions de biomécanique du pied

Le pied est souvent analysé à l’aide d’un podoscope en statique, afin d’apprécier l’assise du pied en position debout. Cette vision des choses est limitante car peu d’entre nous restent debout de manière fixe, le mouvement étant le propre de l’action de l’orthopédiste ! En position debout, le pied présente à décrire un axe centré sur le 3ème rayon et d’arrière en avant, la zone d’appui du talon, l’appui de l’arche externe au niveau de l’isthme, la bande d’appui des métatarsiens et enfin les appuis digitaux des orteils. La largeur de la bande isthmique est classiquement considérée comme mesurant 1/3 de la largeur de la bande métatarsienne (figure 1).  Un défaut d’appui sur un de ces zones permettra de préciser le type de défaut dont le pied fait l’objet. Idéalement une semelle devra donc corriger l’appui plantaire en statique, mais aussi s’efforcer de redonner un appui normal au pied lors des différentes phases de la marche que nous schématisons ici en phases taligrade, puis plantigrade, puis digitigrade juste avant que le pied ne se lève du sol à la phase oscillante (figure 1).




Figure 1 : Assise plantaire normale (à gauche) et appui plantaire lors de la marche (à droite)[1]


Il faut considérer tout d’abord le calcanéum au niveau de l’arrière pied. Ce dernier, en position de valgus physiologique de 3 à 4°, va lors de la marche normale pouvoir se déplacer dans le plan frontal dans des mouvements de valgus-varus (figure 2).

Ensuite, au niveau du medio-pied, dans le plan frontal encore une fois, vont pouvoir se faire des mouvents de pronation du pied si la plante du pied regarde vers le dehors, et de supination si la plante du pied regarde vers le dedans (figure 2).

Enfin, il est important de considérer dans le plan sagittal le degré de mouvement du premier rayon dans l’articulation cunéo-métatarsienne qui va déterminer ainsi le degré d’élévation ou d’abaissement du premier rayon (figure 3).

Ce sont essentiellement et de manière simplifiée ces notions de biomécanique qui permettent de concevoir les semelles orthopédiques.



Figure 2 : Mouvements de valgus et de varus de l’arrière pied lors de la mise en pronation ou supination du medio pied. [1]





Figure 3 : Mouvements d’abaissement et d’élévation du premier rayon du pied. [1]


Types de semelles

Il existe différents types de semelles :

Semelles orthopédiques : réalisées sur moulage du pied de l’enfant, elle sont pour but d’appuyer sur une des zones biomécaniques étudiées ci-avant afin de corriger l’appui statique et dynamique du pied. C’est le type de semelles le plus fréquemment utilisé par les orthopédistes pédiatres, et sont souvent fabriquées plus volontiers par des orthésistes. Ces semelles portent d’ailleurs le nom d’orthèses plantaires plutôt que celui de semelles. On retrouve parmi ces orthèses les orthèses de confort qui permettent une meilleure adapxation du pied à la chaussure  les orthèses de calage qui stabilisent le pied lors du déroulement du pas, les orthèses de soutien et de stimulation que l’on prescrit surtout en soutien de l’arche interne du pied dans le pied plat hypotonique de l’enfant  enfin l’orthèse de décharge qui propose des évidements en regard de zones douloureuses du pied [2].

Semelles propriocepxives : elle sont au contraire très fines et on ajoute des petits éléments très durs de faible épaisseur sous la plante du pied afin de stimuler à la marche certains groupes musculaires et ainsi rétablir l’équilibre du patient. Ces semelles se font à partir d’analyses de posture et d’équilibre par les podologues.

Semelles de compensation : ce sont des talonnettes surélévatrices qui vont compenser une inégalité de longueur d’un membre inférieur. Ainsi cela rétablira une bonne horizontalité du bassin et luttera contre l’apparition d’une éventuelle attitude scoliotique. On peut les associer à l’un des deux précédents types.

Semelles dynamiques et/ou d’amortissement : ces semelles ne sont pas faites sur mesure. On les trouve en magasin du sport spécialisé, pour très peu cher. Elles diminuent les douleurs d’appui, et stimulent le renforcement musculaire de la voute plantaire.

Autres semelles : nous n’en avons aucunement l’expérience… Il s’agit des semelles magnétiques qui revitalisent le corps humain. Elles ne corrigent rien et ne sont l’objet d’aucunes recommandations dans la littérature.



Indications des semelles en orthopédie infantile


Les pathologies douloureuses liées au sport

Il s’agit ici de lutter contre les douleurs liées aux ostéochondroses du pied de l’enfant sportif (cf colloque proposé au Formathon en mars 2013). Dans ce cas nous proposons des orthèses de confort ou des orthèses de décharge en complément de l’arrêt initial des activités sportives, ainsi qu’une paire de semelles d’amortissement dans la phase de reprise progressive du sport.

Les répercussions au niveau du pied des troubles de croissance des segments osseux sus-jacents des membres inférieurs

Les semelles n’ont AUCUNE UTILITE sur les troubles de croissance en torsion du fémur et du tibia (hyperantéversion du col fémoral, hypertorsion tibiale externe), ni sur les troubles d’axes (genu varum et genu valgum). Il y a encore trop d’enfants qui se voient prescrire de telles semelles pour ces indications. En revanche, il n’est pas rare de voir apparaitre un pied plat valgus sous l’effet d’un important genu valgum ou d’une torsion tibiale externe excessive. La prescripxion d’orthèses de soutien de l’arche interne est alors très utile pour soulager le pied et améliorer son assise.

Les troubles statiques des pieds

Pied plat valgus :  dans la plupart des cas de pied plat hypotonique souple et réductible avant l’âge de 6 ans il n’y aura pas besoin de semelles orthopédiques. En revanche si le pied est peu réductible, si la clinique ne s’améliore pas après cet âge ou même se dégrade, il est intéressant d’offrir un soutien de la voûte plantaire et de proposer un coin varisant postérieur supinateur. Le pied plat valgus douloureux doit toujours faire rechercher une synostose du tarse qui peut être prise en charge dans un premier temps par une telle orthèse.

Pied creux :  la majorité des pieds creux sont d’origine neurologique contrairement aux pieds plats et donc évolutifs avec ou sans semelle. Une semelle de confort est recommandée matelassant les zones douloureuses, combinée avec des zones de décharge. Enfin, le pied ayant tendance à se vriller en varus et supination, un soutien de voute avec element postérieur et externe pronateur peut retarder l’échéance d’une intervention à la faveur de la mobilisation dynamique du pied. Des éléments de calage voire une coque postérieure de maintien peuvent éviter que le pied ne bouge dans la chaussure.

Pied équin : si le pied est bloqué dans cette position, une semelle d’adapxation à la marche avec talonnette peut être utile. Si le pied est souple et que la marche en équin unilatérale est due à une inégalité de longueur une talonnette sera très utile, mais à la condition que les chaines postérieures restent souples. Il faudra associer un travail de kinésithérapie d’étirement.

Séquelles de pied bot varus équin, de pieds convexes, d’autres types de déformations du pied néonatales: on retrouve souvent soit l’équin fixé (cf ci-dessus) soit l’hyperadduction de l’avant-pied. Aucune semelle n’arrive à corriger cela, même si un mieux peut être apporté. Pour certains le port de chaussures à bord interne rectiligne doit être recommandé mais dans notre expérience cela ne suffit jamais complètement et nous lui préférons un traitement chirurgical complémentaire. Toutefois, dans ces chirurgies de pieds déviés néonatals extrêmement exigeantes, les semelles avec soutien de voûte interne et réglage de la position de supination/pronation du medio pied sont très utiles à la phase post-opératoire pour aider au maintien du résultat post-opératoire et soulager les patients à la marche.

Séquelles d’amputation (congénitales , traumatologiques, infectieuses…) et de malformations congénitales du pied :  en cas d’agénésie d’un rayon, ou d’amputation congénitale d’avant-pied par exemple, l’orthèse permettra de combler le vide entre le pied et la chaussure qui occasionne souvent des mouvements parasites du pied à l’origine de phlyctènes, de cors…etc. Dans le pied bot varus équin unilatéral on peut parfois noter une inégalité de longueur et un accourcissement du pied de 2 à 4 pointures et les semelles de comblement associées à une talonnette vont éviter aux parents d’acheter deux paires de chaussures pour avoir les deux pointures ! Chez les enfants porteurs de malformations vasculaires de la plante du pied ou de neurofibromes par exemple, les semelles de décharge des zones d’hyperappui dues à leur anomalie se révéleront utiles.



Conclusion

Ainsi, on voit que les indications de semelles chez l’enfant sont finalement assez nombreuses, mais on est frappé de voir en consultation que presque toujours, les patients sont porteurs de semelles pour corriger des défauts d’axes ce qui est inefficace, ou bien de semelles propriocepxives que je n’aborde pas ici car je n’en suis pas prescripxeur et ne maitrise pas leur mode d’action.

La prescripxion de semelles doit donc s’appuyer sur :

Un examen clinique précis des amplitudes du pied, et des défauts d’architecture à l’origine des défauts d’appui

Une analyse de la marche car des défauts peuvent se révéler à la marche seulement (cas du pied plat dynamique exclusif)

Un examen du dos position en avant afin de démasquer une obliquité de bassin dont la cause peut être une inégalité de longueur jusque là méconnue

Une connaissance des éléments que l’on peut demander par prescripxion : coins postérieurs de valgisation et varisation de l’arrière pied, complétés par une bande supinatrice ou pronatrice du médio pied  connaître les zones du pied que l’on peut évider pour éviter des douleurs (sésamoides, zones d’appui de malformations ou d’ostéochondroses) ou remplir (bandes d’appui rétrocapitales métatarsiennes pour soulager l’appui des têtes métatarsiennes).

Enfin, à défaut d’être un fanatique de la concepxion des semelles, ne pas se contenter de prescrire une paire de semelles, mais bien ajouter sur la prescripxion quelques renseignements cliniques au podologue ou à l’orthésiste qui lui permettront de comprendre quels sont vos objectifs de traitement à la lumière de l’analyse du pied qu’ils effectueront avant de fabriquer les semelles.



References :

1 : Root ML, Orien P, Weed JH, Hughes RJ. Biomechanical examination of the foot Vol 1&2. Clinical Biomechanics corporation publishers, Los Angeles 1971

2: Themar-Noël C. Les orthèses plantaires ou semelles orthopédiques. Ne répondent elles qu’aux inquiétudes maternelles ? In : Pied de l’enfant GEOP 2001 ; Ed Sauramps, p.267-272

Pour en savoir vraiment plus :

Vuillemin B, Lavigne A, Noviel D. Semelle orthopédique et autres orthèses du pied. Encycl Med chir, Paris, Kinésithérapie, 26161 A10, 4.7.04