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L'insuffisance cardiaque.

IC en 2017

Docteur Pascal de Groote

Service de cardiologie – Pôle cardiovasculaire et pulmonaire

Institut cœur poumon

CHRU de Lille

 

L’insuffisance cardiaque (IC) est une pathologie sévère et fréquente dont la prévalence et l’incidence augmentent avec l’âge.

Epidémiologie

La prévalence de l’IC est estimée à 2.3 % de la population générale et 75 % des patients ont plus de 75 ans. En 2009, dans le régime général de la sécurité sociale, l’incidence pour une première hospitalisation pour IC était de 0.14 %, passant de 0.4 % à 70 ans à 3 % 90 ans.

Les coûts générés par l’IC sont importants. En 2013 dans le régime général, le coût de la prise en charge de l’IC été estimé à 2500 millions d’euros.

L’IC est une pathologie sévère avec une morbi-mortalité élevée. En 2013, après une première décompensation cardiaque la mortalité annuelle d’un patient de 55 ans était de 12 %, et de 25% à 70 ans. Les taux de réhospitalisation sont également très importants, avec une mortalité élevée dans les six mois qui suivent ces réhospitalisations.

L’amélioration de la prise en charge thérapeutique de l’IC a permis au cours de ces dernières décennies de diminuer significativement la morbi- mortalité dans tous les pays occidentaux dont la France. Cependant, la mortalité de l’IC est supérieure à la majorité des cancers hormis le cancer pulmonaire. La prise en charge des cancers s’est également améliorée, permettant une diminution de la mortalité en particulier du cancer du sein chez la femme et du cancer du colon dans les deux sexes, mortalités qui restent plus faibles que celle de l’IC.

Clinique

L’IC est un syndrome clinique. Son diagnostic se fait au lit du malade, avec une conjonction de symptômes et de signes cliniques. La dyspnée d’effort est un symptôme majeur mais non spécifique ; l’orthopnée, qui est une dyspnée en position couchée qui diminue en position assise ou debout, est un symptôme typique d’IC. Les autres symptômes, l’asthénie, les œdèmes des membres inférieurs les palpitations ne sont malheureusement pas spécifiques.

Les signes et symptômes de l’IC sont tous liés à une diminution du débit cardiaque. On peut retrouver des signes d’IC gauche avec un galop à l’auscultation et surtout des crépitants à l’auscultation pulmonaire. Les signes d’IC droite sont secondaires à la rétention hydro-sodée avec la turgescence jugulaire, le reflux hépato-jugulaire et les œdèmes périphériques.

La diminution du débit cardiaque peut être secondaire à une diminution de la contractilité du ventricule gauche, il s’agit de l’IC systolique caractérisée par une baisse de la fraction d’éjection (FE< 40%, pour une normale à 60 %) et une dilatation du ventricule gauche. Une autre forme fréquente d’IC est l’IC à FE préservée. La diminution de la compliance du ventricule gauche est responsable d’une diminution de son remplissage et donc d’une diminution du débit cardiaque. Cette IC se caractérise par une FEVG subnormale (≥ à 50 %) et un ventricule gauche non dilaté. D’autres pathologies peuvent présenter les mêmes signes et symptômes que ceux de l’IC comme le rétrécissement mitral ou la péricardite constrictive.

Aucun symptôme ou signe clinique ne permet de distinguer l’IC systolique de l’IC à FE préservée. Le seul moyen pour faire la différence est l’échographie cardiaque. Cet examen est largement utilisé en France contrairement à certains pays européens ou américains.

Les étiologies de l’IC systolique sont dominées par la cardiopathie ischémique, essentiellement le post-infarctus, et les cardiomyopathies dilatées idiopathiques. Les autres causes sont plus rares. La fréquence de la cardiopathie hypertensive a nettement diminué grâce au traitement efficace de l’hypertension artérielle. On retiendra également les causes toxiques (alcool, anthracyclines…), infectieuses (myocardite), inflammatoires dont la cardiomyopathie du post-partum.

Les étiologies de l’IC à FE préservée sont la cardiopathie ischémique, l’hypertension artérielle, le vieillissement et les troubles du rythme supraventriculaire.

Peptides natriurétiques

Le BNP est un peptide synthétisé et sécrété par les myocytes en présence d’une augmentation de la pression transmurale. Lors de sa sécrétion, le peptide se scinde en deux : une partie active, le BNP et une partie inactive, la partie N terminale, le NT-proBNP. Le BNP se fixe à des récepteurs spécifiques qui induisent une vasodilatation et une natriurèse. Le BNP est éliminé par les reins mais aussi par des récepteurs de clairance qui capte le BNP circulant pour le dégrader. Le NT-proBNP, en revanche, n’a qu’une élimination rénale.

Plusieurs études ont montré l’intérêt du dosage des peptides natriurètiques dans le diagnostic de l’IC et dans l’appréciation pronostique des patients. Ces études ont démontré l’équivalence du BNP et du NT-pro NP. Pour le BNP, il existe plusieurs techniques de dosage qui ne donnent malheureusement pas les mêmes résultats en raison des différents anticorps utilisés. Évidemment, les résultats des différentes techniques sont concordants dans les extrêmes (taux bas ou élevés), mais souvent discordant dans les zones intermédiaires (100 à 300 pg/ml). Pour le NT-proBNP, il n’existe qu’une seule technique de dosage.

Certaines situations physiologiques ou pathologiques sont responsables d’une variation des taux de peptide natriurèse étique. L’âge, le sexe féminin, l’insuffisance rénale, augmentent les taux de ces peptides. À l’opposé la surcharge pondérale est associée à des taux circulant plus bas. En raison d’une élimination uniquement rénale du NT pro BNP, les taux augmentent de manière importante en cas d’insuffisance rénale ou en en cas d’IC avancée.

Le BNP a démontré toute son utilité dans le diagnostic de la dyspnée aiguë aux urgences. Chez un patient dyspnéique, un taux de BNP < à 80 pg/ml élimine le diagnostic d’IC. En revanche, un taux > à 300 pg/ml doit faire évoquer l’IC. Entre ces deux valeurs, il est souvent nécessaire de s’aider de l’échographie cardiaque pour confirmer ou non le diagnostic. Pour le NT pro BNP, les valeurs équivalentes sont 300 et 800 ng/ml.

Les résultats des études d’adaptation thérapeutique aidée par les taux de peptide natriurètiques ne sont pas très convaincants. En revanche, chez un patient chronique stabilisé sous traitement médical optimal, les taux de BNP ou de NT pro BNP sont de puissants marqueurs pronostiques à court et à moyen terme.

 

 

Quand doser les peptides natriurètiques ?

En cas de doute pour le diagnostic de l’IC chez un patient dyspnéique, surtout si un examen échocardiographique n’est pas rapidement réalisable.

Chez tous les patients stables sous traitement médical optimal afin d’avoir le BNP de référence du patient. Toute augmentation du BNP chez ces patients sera en faveur d’une aggravation de son état hémodynamique. Le BNP est particulièrement intéressant chez les patients mixtes, insuffisant cardiaque et respiratoire, pour nous permettre d’adapter la thérapeutique en fonction des variations des taux.

Traitement

La prise en charge thérapeutique de l’IC systolique est très bien codifiée avec des recommandations internationales publiées régulièrement. Le traitement de base de tous les patients avec une FE < à 40 % doit comprendre des IEC et des bêtabloquants, prescrits à doses maximales tolérables. Pour les IEC, on considère une équivalence de toutes les molécules. En revanche, pour les bêtabloquants, il faut prescrire ceux qui ont été testés dans les grandes études (Bisoprolol, Carvédilol, Nébivolol et Métoprolol retard). En cas de congestion, il faudra y adjoindre des diurétiques de l’anse à doses minimales nécessaires. Si la FE reste ≤ 35 %, il faudra rajouter des antagonistes aux récepteurs aux minéralocorticoïdes (ARM : spironolactone ou éplérénone). Pour cette classe thérapeutique, il est indispensable de réaliser une éducation du patient et de la famille. En effet, il faudra leur enseigner les situations à risque de générer une hyperkaliémie : déshydratation, diarrhées, fièvre, canicule. Dans ces situations, il est nécessaire de suspendre le traitement par ARM pour le reprendre après la correction de l’événement intercurrent. Les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARAII) peuvent être prescrits en cas d’intolérance aux IEC. L’association IEC, ARA II et ARM est contre-indiquée.

En cas de persistance d’une FE ≤ 35 % chez des patients symptomatiques, il faudra leur proposer la mise en place d’un défibrillateur automatique implantable. En présence d’un bloc de branche gauche complet, il est indispensable de leur proposer un resynchronisateur. En cas de bloc de branche gauche complet, l’influx électrique arrive en retard sur la paroi latérale du ventricule gauche, responsable d’un asynchronisme de contraction entre la paroi septale et la paroi latérale qui diminue l’efficacité de la contraction cardiaque. La mise en place d’une sonde sur la paroi latérale du ventricule gauche par le sinus coronaire ainsi que d’une sonde au niveau du septum permettent en cas de stimulation une contraction simultanée de ces deux parois. Le traitement bêtabloquant et la resynchronisation permettent d’améliorer, voire de normaliser, la FE.

L’étape suivante, toujours chez les patients une FE ≤35% comprend l’adjonction de l’Ivabradine chez les patients en rythme sinusal avec une fréquence cardiaque supérieure à 70/min. Chez les patients toujours symptomatiques, tolérant des doses moyennes à importantes d’IEC ou ARAII, on pourra les remplacer par du LCZ696 (Entresto).

L’Entresto est une véritable révolution thérapeutique car pour la première fois cette molécule a démontré sa supériorité par rapport aux IEC dans l’IC systolique. L’étude PARADIGM-HF a comparé chez des patients stables en classe II-IV de la NYHA avec une fraction direction ≤35 %, l’Entresto à un IEC de référence, l’Enalapril. L’Entresto permet de diminuer significativement de 20 % l’objectif principal (mortalité cardiovasculaire et hospitalisation pour IC), de 20 % la mortalité cardiovasculaire, de 21 % les hospitalisations pour IC, et de 16 % la mortalité totale. L’Entresto est une association de deux molécules,  le Valsartan qui est un ARAII et le Sacubitril, qui est un inhibiteur de la néprilysine. La néprilysine est une enzyme qui dégrade les peptides natriurètiques ainsi que d’autres peptides comme l’angiotensine II. Son inhibition permet d’augmenter les taux circulant des peptides natriurètiques, entraînant une vasodilatation et une natriurèse, mais aussi de l’angiotensine II, délétère, mais qui sera bloqué par le Valsartan.

L’Entresto est un puissant vasodilatateur et ne peut pas être prescrit chez des patients avec une tension artérielle systolique inférieure à 100 mmHg. Il est formellement contre-indiqué d’associer des IEC à l’Entresto en raison du risque élevé d’angio-œdème. Il faut attendre impérativement 36 heures entre l’arrêt des IEC et le début de l’Entresto. Il existe trois dosages d’Entresto, la dose faible 24/26 mg, la dose intermédiaire de 49/51 mg et la dose optimale de 97/103 mg. Chaque valeur correspond à la dose exacte de Sacubitril et de Valsartan présents dans le comprimé. Chez un patient prenant des doses moyennes d’IEC, avec une tension artérielle supérieure à 100 mmHg et une clairance de la créatinine supérieure à 60 ml/min, on peut débuter l’Entresto à la dose de 49/51 mg.

Ce médicament est bien toléré même chez le sujet âgé. Le risque d’hypotension artérielle est plus élevé. En revanche, les risques d’aggravation de la fonction rénale et hyperkaliémie sont plus faibles sous Entresto que sous IEC.

Education

À côté du traitement médical ou électrique de l’IC systolique, il est indispensable de pouvoir proposer à la majorité des patients une éducation thérapeutique. De nombreuses études ont montré l’efficacité de l’éducation thérapeutique chez les patients insuffisants cardiaques, systolique ou à FE préservée, et particulièrement chez le sujet âgé. Les méta-analyses ont démontré une diminution de la mortalité mais aussi des réhospitalisations.

Le problème majeur de l’éducation thérapeutique est le temps nécessaire pour la prodiguer.

En général, il faut débuter par une consultation d’évaluation puis réaliser les séances éducatives, le plus souvent, par petits groupes qui font intervenir sur quatre séances les équipes médicales et paramédicales, les diététiciennes, les kinésithérapeutes et les ergothérapeutes, ainsi que tous les professionnels de la prise en charge sociale.

Beaucoup d’espoirs sont fondés sur la télémédecine. Celle-ci fonctionne très bien pour la surveillance des stimulateurs et les défibrillateurs. En revanche, pour le suivi clinique et thérapeutique de l’IC, les résultats des différentes études sont pour le moment décevants. Là encore une des limites est le temps nécessaire pour assurer le suivi de ces patients. Il est fondamental d’avoir dans un programme de télémédecine une intervention humaine pour que le patient puisse y adhérer. Plusieurs études sont en cours qui nous permettront peut-être de voir un peu plus clair sur l’intérêt de la télémédecine.

Traitement de l’IC à FE préservée.

Malgré les progrès très importants dans la prise en charge thérapeutique de l’IC systolique, il n’y a pas de traitement chronique efficace pour l’IC à FE préservée. Toutes les études réalisées dans ce type d’IC sont décevantes. En 2017, on ne peut proposer qu’un traitement symptomatique. Celui-ci visera à contrôler les signes de rétention hydro-sodée, de contrôler les chiffres tensionnels, la fréquence cardiaque et les poussées ischémiques. Il faudra faire extrêmement attention de ne pas déshydrater ces patients fragiles en donnant des doses adéquates de diurétiques et un régime peu salé et non strict. Les dérivés nitrés sont également à éviter en raison du risque d’hypotension orthostatique. Plusieurs études sont en cours qui nous permettront peut-être d’y voir un peu plus clair dans le traitement de l’IC à FE préservée.