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Les lymphomes : ce qu'il faut en savoir en 2014

Ce qu’il faut savoir du lymphome en 2014
Pr Franck Morschhauser,
Service des Maladies du sang, CHRU de Lille
 
Le lymphome est un cancer des lymphocytes matures se manifestant dans les organes lymphoïdes secondaires ou les tissus extra nodaux. C’est le 6ème cancer le plus fréquent, affectant environ 22,5/100000 habitants. Le mot lymphome est un terme générique qui recouvre plus de 30 entités anatomocliniques distinctes.
Les cellules malignes gardent certaines caractéristiques, notamment l’immunophénotype, des précurseurs lymphoïdes normaux dont elles dérivent, ce qui permet d’identifier leur stade de développement et leur provenance au sein des structures du follicule lymphoïde secondaire, principalement le centre germinatif (CG), site d'intense prolifération, de sélection, de maturation et de mort des cellules B dans les organes lymphoïdes périphériques (ganglion, rate, tissu lymphoïde associé aux muqueuses (MALT)) stimulés par un antigène.
Ces caractéristiques constituent la base des critères diagnostiques de la classification des lymphomes selon l’OMS. La plupart des lymphomes (85%) dérivent des lymphocytes B issus du CG (ex : lymphome diffus à grandes cellules B de type CG, lymphome folliculaire, lymphome de Burkitt, lymphome hodgkinien) ou post CG (ex : lymphome diffus à lymphome diffus à grandes cellules B de type ABC).
Les 2 entités les plus fréquentes sont le lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB), archétype du lymphome agressif, qui représente environ 40% des lymphomes et le lymphome folliculaire (LF), archétype du lymphome indolent (20 à 30% des lymphomes).
Les qualificatifs « agressif » ou « indolent » ne traduisent qu’une présentation clinique, bruyante en quelques jours à quelques mois pour les lymphomes agressifs alors qu’il peut exister une évolution à bas bruit sans retentissement clinique pendant des années dans le lymphome indolent.
Le diagnostic de lymphome doit être évoqué devant toute adénopathie isolée ou polyadénopathie superficielle ou profonde persistant au delà de quelques semaines sans explication infectieuse plausible. C’est le mode de révélation le plus fréquent.
Parfois, le diagnostic sera d’emblée évoqué sur des signes cliniques d’évolutivité (fièvre au long cours, sueurs nocturnes profuses récurrentes, amaigrissement de 10% du poids du corps en 6 mois) ou des anomalies de l’hémogramme.
Il existe de nombreuses formes cliniques selon les territoires ganglionnaires ou les tissus atteints ; Il est important de reconnaître précocement les formes compressives avec syndrome cave supérieur ou urétérohydronéphrose bilatérale. Bien que parfois très évocateur, aucun de ces signes n’est pathognomonique. L’essentiel est donc de penser au lymphome pour programmer les quelques investigations qui permettront d’orienter le patient.  
Après découverte d’une lésion possiblement évocatrice de lymphome le rôle du MT est de programmer au minimum un cliché de thorax, un bilan biologique simple (hémogramme, fonctions rénale et hépatique, VS, CRP, EPS, bilan d’hémostase simple) et de prendre contact avec l’équipe hématologique pour définir ensemble la suite de la prise ne charge.
La biopsie chirurgicale d’une adénopathies superficielle (cervicale>axillaire>inguinale) ou profonde (médiastinoscopie, coelioscopie, laparotomie), ou à défaut, de la lésion extranodale la plus accessible doit être privilégiée pour établir le diagnostic et de typer précisément le lymphome.
La cytoponction n’est pas suffisante même si elle peut avoir valeur d’orientation. Le fragment prélevé doit être adressé à l’état frais au laboratoire dans les 30 minutes dans une compresse imbibée de sérum physiologique. Ceci implique une concertation en amont entre le médecin traitant ou le clinicien référent, le chirurgien et l’anatomopathologiste pour garantir la qualité du matériel.
L’analyse comporte 4 temps (histologique, cytologique, immunohistochimique et cytogénétique/moléculaire). Toute perte d’information à ce niveau est préjudiciable car le diagnostic précis est la base du choix thérapeutique. Il est important d’essayer de congeler du matériel dans une tumorothèque.
Le bilan d’extension doit débuter par un bilan d’imagerie : scanner cervico-thoraco-abdomino-pelvien et si possible morpho-TEP-18FDG pour les lymphomes 18FDG avides. La TEP est devenue indispensable pour les LDGCB et les lymphomes hodgkiniens.
Selon les résultats de l’imagerie et le type histologique, il sera complété par une biopsie ostéo-médullaire et une ponction lombaire.
Tout autre examen (Imagerie cérébrale, endoscopie, ORL) est fonction d’un éventuel point d’appel clinique.
Au plan biologique, l’hématologue complète essentiellement le bilan par un dosage de LDH, de β2 microglobuline et éventuellement les sérodiagnostics viraux (VHB, VHC, VIH) si non effectués dans les 6 mois préalables
Le choix du traitement repose avant tout sur le type histologique.  Ce choix est affiné par la prise en compte de l’âge, des comorbidités et l’utilisation d’indexes pronostiques. Dans les LDGCB, on utilise l’IPI* (Index Pronostique International) ajusté à l’âge (IPIaa) qui repose sur l’indice d’activité OMS (0,1 vs >1, le stade d’Ann Arbor (I-II vs II-IV) et le taux de LDH (N vs élevé). Dans les lymphomes folliculaires on utilise le FLIPI* pour stratifier les patients mais le choix de mettre en route un traitement dépend de l’existence ou non de critères de forte masse tumorale.
Il est important de comprendre la philosophie de traitement de ces 2 principaux types de lymphome pour faciliter l’adhésion du patient. Le LDGCB est curable dans 50 à 70% des cas selon l’âge,
Il faut donc tout mettre en œuvre pour obtenir la guérison dès la première ligne. Une maladie réfractaire primaire ou une rechute précoce sont de mauvais pronostic avec une survie sans progression <20%. Le lymphome folliculaire est incurable avec les traitements actuels mais la survie globale de ce lymphome indolent, tous patients confondus, n’en demeure pas mois d’environ 15 ans. La rechute fait ici partie de l’histoire naturelle de la maladie et l’objectif est de traiter au mieux chacune des poussées en utilisant l’approche ayant le meilleur bénéfice/risque à moyen et long terme. Contrairement au LDGCB que l’on traitera toujours d’emblée, le maintien de l’abstention thérapeutique est la règle dans le LF tant que les critères de forte masse tumorale ne sont pas présents.
Bien que le standard de traitement varie pour chaque type de lymphome, le schéma le plus largement adopté en première ligne fait appel à une polychimiothérapie de type CHOP en association à une immunothérapie par anticorps monoclonaux anti-CD20 (rituximab).
Les avancées en matière de biologie du lymphome et d’analyse génomique structurale ont récemment permis une meilleure connaissance de la pathogénie des lymphomes, l’élaboration de classification moléculaires et l’identifications de cibles moléculaires accessibles à des thérapeutiques ciblées qui sont en train de révolutionner la prise ne charge de ces hémopathies.
 
FLIPI* : Follicular Lymphoma International Pronostic Index
IPI* : Index Pronostique International pour  le Lymphome Folliculaire...