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Ophtalmologie : quand les yeux font la java

Pr Jean-Claude HACHE

 

 

 

 

Le Formathon, m’a demandé d’aborder pour vous trois problèmes d’oculomotricité :

-          le strabisme

-          le nystagmus

-          la dyslexie

 

Les strabismes

 

Il y a deux sortes de strabisme :

-          les strabismes concomitants : les deux yeux se déplacent en même temps

-          les strabismes incomitants habituellement paralytiques : l’angle du strabisme est variable selon la direction du regard

 

Le strabisme concomitant est presque toujours congénital ; la forme la plus habituelle est le strabisme convergent accommodatif de l’enfant. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une maladie héréditaire, il y a des familles de strabiques

En général (près de 3% des enfants), c’est un enfant hypermétrope. Il voit bien de loin, ne se plaint de rien mais les parents remarquent dans la deuxième année que l’enfant louche surtout quand il regarde de près. En effet cet enfant doit faire un effort d’accommodation pour voir de loin comme celui que nous faisons pour voir de près, plus important que normalement.  Cet effort engendre une convergence des deux yeux en raison de la liaison physiologique forte qui existe entre l’accommodation et la convergence. Dès la constatation de ce strabisme, il faut agir vite et corriger l’hypermétropie. Pour cela, on bloque l’accommodation (cycloplégie) avec un collyre comme l’atropine ou le skiacol, on mesure l’hypermétropie et on la corrige totalement par des lunettes avec des verres convergents ( ). Ceci redresse les yeux souvent totalement, hélas parfois seulement partiellement. L’enfant ne voit pas mieux avec ses lunettes mais les yeux sont droits !!!

Un événement indésirable se produit souvent : l’amblyopie fonctionnelle : pour éviter de voir double, un processus cortical d’inhibition de l’un des yeux (habituellement le plus hypermétrope) se met en place et l’acuité de cet œil chute à moins de 1/10. Il faut alors inhiber le bon œil avec un cache pour faire remonter l’acuité de l’œil amblyope. Cette période d’occlusion est courte avant deux ans, une à deux semaines vers 3 ans mais peut être plus longue ensuite. Après 6 ans les chances de récupérer l’acuité sont fortement diminuées.

A ce stade si l’enfant a une vision binoculaire stable avec une perception du relief, la partie est gagnée. Sinon c’est un strabisme partiellement accommodatif et il faut maintenir l’acuité obtenue par des moyens divers : occlusion alternée, pénalisation du bon œil … pour transformer ce strabisme en strabisme alternant : les deux yeux ont une bonne acuité mais ils ne travaillent pas ensemble. Si l’angle résiduel est important, on opère l’enfant vers 5 ans pour lui donner les yeux droits.

 

Les strabismes divergents sont beaucoup plus rares et nécessitent souvent une chirurgie

 

Un strabisme aigu est habituellement d’origine neurologique ; il nécessite un bilan ophtalmo-pédiatrique.

Il faut également se rappeler que la baisse de vision d’un œil d’une autre origine : cataracte congénitale, maladie de la rétine (toxoplasmose …) problème neurologique comme un gliome du nerf optique ou du chiasma … engendre une amblyopie organique qui peut se traduire par un strabisme révélateur

 

Reconnaitre un strabisme est facile avec les reflets cornéens : les reflets doivent être centrés sur la pupille et symétriques sur les deux yeux. Pour cela rien de tel qu’une photo au flash,  on voit la lueur pupillaire (yeux rouges) ce qui permet d’éliminer une cataracte ou un problème de transparence et les reflets pour le strabisme

 

Reflets normaux

 

   

Strabisme convergent partiellement accommodatif  œil gauche

 

  

Strabisme divergent de l’œil droit

 

Strabisme convergent alternant  (IMC diplégie)


 


 

 

Dans les strabismes incomitants, l’angle est variable selon la direction du regard. Ils sont liés à des paralysies oculomotrices  (VI, III, IV) ; lorsqu’elles apparaissent chez l’adulte, puisque le patient avait auparavant une bonne vision binoculaire, le signe principal est la diplopie.

Il y a aussi les myopathies : myasthénie, basedow …  ou à des anomalies d’innervation comme le syndrome de Stilling Duane.

Ici une paralysie du VI gauche : angle maximum dans le regard à gauche; pas d’abduction de l’œil gauche

 

De face          

 

                                           

 

A droite

 

 

A gauche

 

 

On peut enfin avoir des strabismes liés à des paralysies de fonction comme la paralysie internucléaire antérieure avec une paralysie de l’adduction de l’œil et un nystagmus en abduction de l’autre œil. Cette paralysie internucléaire antérieure se voit lors de lésions du tronc : SEP ou lésions ischémiques 

 

Les nystagmus

 

Le nystagmus est un trouble de la statique oculaire et s’accompagne d’un mouvement incontrôlable des yeux. Il est habituellement binoculaire. Il peut-être

-          congénital ou acquis

-          patent (permanent) ou latent révélé seulement par l’occlusion d’un œil, l’obscurité  ou dans certaines directions du regard.

-          horizontal (le plus fréquent),  rotatoire,  vertical battant vers le haut ou le bas et dans ce cas d’origine neurologique (par exemple par atteinte du tronc dans un syndrome d’Arnold Chiari)

-          à ressort (une phase lente et une phase rapide) ou pendulaire pas de phase rapide

 

Nous nous limiterons aux nystagmus congénitaux  (1/1500 enfants)

 

Le nystagmus idiopathique est congruent, horizontal ou horizonto-rotatoire, et à ressort, le sens de la secousse rapide déterminant le sens du nystagmus. Il y a parfois une zone « neutre » dans une certaine direction du regard où le nystagmus ne bat plus ou bat moins. Ceci engendre souvent une attitude de torticolis de l’enfant.  Ce nystagmus est souvent familial ; on rencontre tous les types de transmission …  Ces nystagmus s’accompagnent fréquemment de strabisme ; ils sont responsables d’une amblyopie bilatérale  (acuité de l’ordre de 1/10 qui peut parfois s’améliorer un peu à l’adolescence) ; la vision de près est souvent meilleure que la vision de loin ce qui est important pour l’apprentissage de la lecture.

 

Le nystagmus congénital peut être le signe révélateur d’affections oculaires congénitales qui inhibent la vision centrale :

-          achromatopsie (les cônes ne fonctionnent pas …)

-          albinisme oculo-cutané ou plus rarement uniquement oculaire

-          aniridie

-          cataracte congénitale bilatérale

La mauvaise qualité de la vision centrale est la cause du mauvais développement de l’oculomotricité.

 

Le nystagmus peut être en rapport avec une affection neurologique : IMC, hydrocéphalie, anomalie du corps calleux, toxoplasmose, tumeurs de la région opto-chiasmatique… ou de pathologie plus rares comme la maladie de Pelizaeus-Merzbacher, le syndrome de Joubert ou les autres hypoplasies vermiennes…

 

Tout nystagmus dont la cause n’est pas évidente doit faire l’objet d’un bilan neuro-pédiatrique avec IRM.

Les dyslexies

 

La dyslexie « vraie » se définit une difficulté d'apprentissage de la lecture éventuellement de l’écriture chez des enfants normaux sans troubles visuels ou neuro-psychologiques. L’origine n’est pas connue. Il existe toutefois des dyslexies « symptomatiques » liées à des problèmes visuels comme ceux décrits ci-dessus, à des anomalies de développement des voies visuelles (voies magnocellulaires responsables notamment de la perception du mouvement…) ou des troubles « praxiques » oculaires. On dispose maintenant d’outils pour étudier le comportement du regard lors de la lecture et mieux identifier l’origine des troubles. Sabine Defoort-Dhellemmes (CHU Lille) a étudié avec un photo-oculomètre Métrovision les mouvements des yeux lors de la lecture chez des enfants normaux et dyslexiques.

 

Images de S. DEFOORT-DHELLEMMES

 

Mouvements des yeux d’un enfant normal         Mouvements des yeux d’un enfant dyslexique

 

        

                 

 

L’examen neuro-ophtalmologique et ces méthodes d’enregistrement permettent de mieux classifier les différentes formes de dyslexie